«Louzina» de Haykel Rahali : De là où jaillissent les couleurs…
Dans ces éclaboussures de couleurs, un langage s’installe entre les personnages, pour trouver un lien qui les unit, un réconfort ou même un litige qui les rendrait à leur humanité. Cette humanité qu’ils risquent, à chaque moment, de perdre sous le poids d’une vie terne en dehors du dépôt.
Dans un dépôt de friperie, le travail s’organise comme dans une ruche. Textures, couleurs, étoffes, strass et drapages… Dans ces tas de vêtements prêts au tri et destinés à une clientèle à la recherche d’un habillement au moindre coût, mais aussi d’un style et d’une originalité, les protagonistes dessinent leurs personnages par touches de couleurs. Ils trouvent dans ce lieu une raison à leur existence et entassent à même le sol des couches lourdes de vieux habits qu’ils abandonnent en même temps que leurs soucis.
Comme enterrés vivants dans ce lieu qui réunit le surplus du prêt-à-porter, ils rêvent au gré du vêtement d’une vie autre.
Dans ces éclaboussures de couleurs, un langage s’installe entre les personnages, pour trouver un lien qui les unit, un réconfort, ou même un litige qui les rendrait à leur humanité.
Cette humanité qu’ils risquent, à chaque moment, de perdre sous le poids d’une vie terme en dehors du dépôt. «Louzina» leur apporte de la couleur, du rythme, des semblants de vie et de faux espoirs.
Le big boss est une sorte de big brother, un gourou qui tient en main les destinées de ses employés en laisse. Il connaît leurs faiblesses et leurs défaillances, il joue de leurs sentiments et de leurs espoirs. A leur tour, ils détiennent ses points faibles et savent très bien jouer ce jeu de pouvoir.
Entre humour, grotesque et burlesque, «Louzina» raconte son histoire et celle des siens. Ceux qui vivent de cet emploi et ceux qui en tirent profit. Les événements importent peu dans ce travail hautement visuel, l’histoire et ses rebondissements, son intrigue et son dénouement ne sont que des supports de jeu dans lesquels les acteurs flirtent avec les limites de la fantaisie, un jeu à risque mais qui offre une belle liberté au ton et à une performance très physique portée par Abdelkrim Banneni, Zaineb Malki, Rahma Jerbi Chtourou, Hichem Bouraoui, Amel Ayari, Dhouha Harzallah, Bilel Ben Romdhane, Souhir Khmir Mziou, Lamine Hamzaoui, Mahmoud Saïdi
Encore une fois, nous retrouvons la même énergie créative dans les travaux des acteurs d’El Teatro, une écriture libérée et affranchie et une pertinence dans le traitement. «Louzina», qui n’est autre qu’un microcosme de notre réalité à vouloir endosser des rôles au gré de l’habit que nous portons, à vouloir exister même dans la marge, à essayer de trouver une raison de vivre dans le surplus des autres et à croire que nous sommes maîtres de notre destin malgré le grotesque des situations qui nous prouve le contraire. Encore une vie de fourmilière, encore des existences sans vie, encore des couleurs qui cachent la misère et encore une misère qui se nourrit du déni.
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