«L’Île du Pardon» de Ridha Behi : De la violence des religions
On croit savoir que le financement de ce film n’a pas été facile pour son producteur et réalisateur Ridha Behi. Cette fois, il a fallu faire un grand tour pour financer cette production, dont le tournage a commencé en 2019 sur l’île de Djerba.
Une question se pose (et on y reviendra dans un prochain article) : pourquoi les réalisateurs tunisiens, plus ils sont anciens et confirmés et plus ils ont du mal à financer leurs films autrement que par le ministère des Affaires culturelles ? Il fallait bien l’analyser un jour cette question.
Le réalisateur de «Fleur d’Alep» revient cette fois avec une histoire de tolérance et de vivre ensemble dans une facture très classique dans son traitement certes, mais qui tente de poser la question de la cohabitation des différentes communautés à travers le prisme de la religion. L’histoire se déroule ainsi sur une île qui réunit chrétiens et musulmans. Le narrateur est un adulte qui se souvient de son enfance sur cette île dans les années cinquante. Son père, victime d’un accident, fait l’objet de multiples «assauts» de la part d’un cheikh musulman qui tente de le convertir à la religion musulmane. L’image de ce vieillard italien, avachi par la maladie et traîné comme une loque entre les mains de ses convertisseurs spirituels tunisiens, est très forte et pourrait être lue à plusieurs niveaux, comme celui d’un christianisme déliquescent et d’un islam en plein essor, mais aussi comme une religion musulmane envahissante et qui a peur de l’autre. L’image de Mohamed Bennour en Jesus couronné d’épines et entouré par les soldats de Ponce Pilate ne peut pas nous empêcher de voir une comparaison de la religion musulmane avec la religion juive dans leur côté le plus sombre et le plus méprisant pour l’autre. Ridha Behi a déclaré au début du tournage que «le choix du titre du film “L’île du Pardon” fait référence à l’ouvrage philosophique “L’Epître du pardon” (Rissalat Al-Ghufran) d’Abou Ala Al-Mâarri. Le film pose la question de la religion en adoptant l’approche d’Al-Mâarri abordant, à ce propos, la contradiction entre l’essence de la religion et la pratique des religieux».
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