Ligue 1 – Une énorme série d’entraîneurs Limogés : La fuite en avant…
Le refrain est connu mais sonne pourtant faux, même creux parfois : changer de coach en cours de saison n’est qu’une solution de facilité, histoire pour les tenants d’un club de se dédouaner en reportant « la faute » sur l’autre.
La Presse— Dans l’impossibilité de botter en touche ou de détourner le regard des fans, les dirigeants caressent donc les inconditionnels dans le sens du poil en désignant et licenciant le coupable tout indiqué, le fusible qui doit sauter, le bouc émissaire idéal, l’entraîneur. Pourtant, ce n’est pas toujours une solution viable, même si de rares exceptions confirment la règle, mais, au final, la stabilité reste la meilleure des solutions possibles dans un sport-roi où les miracles existent peu, indépendamment de toute cette incertitude du résultat, ingrédient clé de la demande des supporters. Changer d’entraîneur pour rebondir, autrement dit passer à autre chose pour créer le fameux «choc psychologique» qui doit permettre à une formation en mal de confiance d’émerger, c’est l’un des mythes les plus tenaces du football. Et à en croire les décideurs de nos écuries, quand les choses vont vraiment mal, licencier le technicien qui a fait plonger l’équipe serait le meilleur moyen de permettre à ladite équipe de refaire surface.
Porté aux nues puis voué aux gémonies
En Tunisie, la Ligue 1 foisonne d’exemples cette saison, alors que l’exercice n’est qu’à miparcours. Et ce ne sont pas seulement les clubs qui jouent le maintien et déjà menacés du purgatoire qui ont tranché dans le vif. A titre d’exemple, l’Olympique de Béja en est à son quatrième technicien, de Nacif Beyaoui à Tarek Jarraya (sur la sellette actuellement) en passant par Yamen Zelfani et Kais Zouaghi, les Cigognes ont nourri leur propre instabilité managériale, alors qu’en début de saison, l’OB caracolait. Le champion en titre, l’EST, aussi n’est pas en reste avec Miguel Cardoso, porté aux nues puis voué aux gémonies. Et après l’intermède Skander Kasri, le tenant «Sang et Or» semble avoir trouvé chaussure à son pied en la personne du Roumain Laurentiu Reghecampf (même s’il se trouve contesté après la défaite devant Pyramids).
Toujours en rapport avec les concurrents historiques de notre L1, le CSS est passé d’Alexandre Santos à Olivier Perrin sans que cela n’impacte les performances du club, surtout en C3 où le CSS, spécialiste de l’épreuve, a fait pâle figure et livré de biens tristes copies. Appelé après coup au chevet d’un club qu’il connaît assez bien pour y avoir exercé il y a quelques années, Lassaâd Dridi sait pertinemment qu’il devra prendre le taureau par les cornes et qu’il ne bénéficiera d’aucune mansuétude, aucun délai de grâce. Autre entraîneur passé lui aussi par la case licenciement après être passé par toutes les émotions et avoir reçu maintes volées de bois vert, Hamadi Daou a finalement rendu les armes à Sousse. Désavoué, puis évincé, il a laissé place à l’avènement de Mohamed Mkacher qui a su, jusque-là, redresser la barre et proposer une tout autre Etoile, plus scintillante et plus rassurante. C’est peut-être le seul contre exemple en l’état, la preuve irréfutable que, parfois, changer a du bon.
Hammadi Daou : passage raté à l’Etoile
Aller trop vite en besogne
Voilà pour les clubs de la première moitié du tableau ou presque. Des clubs quasiment tous touchés par le mythe du «choc psychologique», à l’exception du CA, de l’USM, du ST et de l’ESZ, quatre formations qui ont conservé leurs entraîneurs, respectivement, David Bettoni, Mohamed Sahli, Maher Kanzari et Anis Boujelben, soit les techniciens du quartet qui tient les rênes, compose le podium et pointe au pied de celui-ci. En clair, ce que l’on retient à ce propos, c’est qu’aussi paradoxal que cela puisse paraître, il est sans doute vrai qu’actuellement, ces clubs-là, à plus forte évolution progression que leurs concurrents, sont dans une large mesure attachés à la stabilité, plutôt conservateurs et réticents au changement du staff technique. Passons à présent au reste du peloton où seule la JSO, promue en L1, garde confiance en Lotfi Kadri qui, globalement, le lui rend bien puisque El Omrane talonne le CSS au classement et devance pas moins de six clubs dans le rétro. Ainsi, Mondher Makhlouf, coach qui est parvenu à maintenir l’ESM parmi l’élite la saison passée, est parti en septembre, contre toute attente, alors que la saison n’en était qu’à ses premiers balbutiements. Là aussi, jusque-là, l’ESM n’a pas perdu au change, puisque avec Imed Ben Younès à la barre, intronisé juste après avoir été débarqué par le CAB pour insuffisance de résultats, l’Etoile de Métlaoui se porte assez bien avec un classement actuel plutôt avantageux. Satisfecit donc pour Ben Younès à Métlaoui, alors qu’à Bizerte, il a été remercié vers la mi-septembre et relevé par Sami Gafsi, lui-même écarté deux mois plus tard, puis vint Najmeddine Oumaya, démissionnaire 30 jours après, et enfin Sofiène Hidoussi en poste actuellement à Bizerte et qui a débuté la saison sur le banc d’EGS Gafsa. Ce faisant, avec Hidoussi aux manettes, le CAB s’exprime mieux sur le terrain, comme en atteste par exemple sa production d’ensemble face au CA à Radès. Aussi, tout comme le CAB, la Zliza a consommé trois entraîneurs, Abdelmajid Eddine Jilani, puis Ahmed Ouerdeni et Chiheb Ellili avant de s’en remettre à Ahmed Ouerdeni qui hérite d’une équipe qui a de la marge, mais qui ne peut pas se permettre de griller le joker de trop. Gafsa, à son tour, est peut-être allée trop vite en besogne. En se montrant quelque peu expéditif avec Sofiène Hidoussi, puis Samir Jouili et ensuite Jamel Khecharem, El Gaouafel pensait à chaque fois tenir l’homme de la situation avant de changer d’orientation sans presque aucun impact sur la progression de l’équipe. Skander Kasri, appelé à la rescousse, serait-il l’oiseau rare ? Là aussi, il faut patienter, tout comme à propos de l’UST qui navigue dans des eaux troubles au classement et qui en est à son 3e entraîneur cette saison, après avoir débuté avec Hakim Zahafi, puis pris Mounir Rached pour lui succéder, et passer ensuite le relais à Ghazi Ghraïri qui a la lourde tâche de sortir Tataouine des bas fonds de la hiérarchie. Enfin, toujours en rapport avec la course au maintien, l’USBG et l’ASS n’ont pas été épargnés par la tendance avec un changement de cap pour chacun. Ainsi, à Ben Guerdane, Fakhreddine Galbi a ainsi cédé le manche à Mohamed Ali Maâlej, alors qu’à Soliman, Souhaib Zarrouk a remplacé Mohamed Telemçani.
Le rebond par le changement ? Quelle aberration !
Aujourd’hui donc, en Ligue 1, il n’y aurait parfois pas d’autre solution que de trancher dans le vif. Accordé ! Mais de là à s’imaginer que cette solution soit la seule, il y a un gouffre à franchir. Un gouffre dans lequel tant de présidents continuent de s’enliser. L’idée du fameux rebond par le changement radical n’est pas inattaquable, car les changements observés dans les performances des clubs de L1 qui ont changé de coach ne diffèrent pas de ceux qu’on constate dans les équipes qui restent fidèles au même technicien. Tout n’est pas carré en football. Tout n’est pas accordé, adapté et résolu. Le football est incertain, conjecturel, imprévisible, sinon pourquoi dit-on alors que seule la vérité du terrain est implacable et que le résultat n’est pas toujours conforme à la logique ? Et puis, bien souvent, en football, en regardant de beaucoup plus près, on se rend compte que les résultats dépendent maintes fois du facteur chance, un poteau sortant comme celui échu au CA à Sousse face à l’Etoile. Un carton rouge malvenu aussi, une faute inopportunément en dehors de quelques centimètres de la surface, le vent, bref, l’on ne peut toujours rationaliser les bouleversements qui touchent un match en sous-estimant le facteur chance pour une raison toute simple: nous ne le contrôlons pas. Allez l’expliquer aux clubs qui ne jurent que par les données, l’optimisation de la performance, l’endurance et la vélocité pour croquer à terme les points à pleines dents pour les uns et pour se mettre à l’abri le plus vite possible pour les autres.
Alors, quand un grain de sable vient enrayer la machine, le club appuie sur le bouton du siège éjectable de son entraîneur. Or, les tenants de nos clubs oublient la plupart du temps que ce n’est pas le changement d’entraîneur en lui-même qui va améliorer les performances de l’équipe. Tout simplement parce que les performances dépendent en majeure partie de la qualité de l’effectif…
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