«Les peintres pionniers» à la galerie TGM: Des œuvres-mémoires
La collection Khayachi présente des portraits du père (autoportrait) et du fils, mais aussi de certains dignitaires. On y rencontre aussi des scènes du quotidien populaire («El Hoksa», «El Hannena»).
Voilà une belle occasion de voir exposées et réunies des œuvres d’artistes prionniers de l’art tunisien, ceux qui ont balisé la route pour les générations à venir: Les Khayachi, les Abdelaziz Berrais, Ahmed Osman, Jilani Abdelwahab, Amara Debbeche, Hatem El Mekki, Aly Ben Salem, Nardus et Rodolphe d’Erlanger. Une aubaine pour les jeunes étudiants en arts d’accéder à ces œuvres-documents qu’ils n’ont pas souvent l’occasion de voir.
Cela est permis grâce à l’exposition à l’indéniable portée didactique «Les peintres pionniers» que propose actuellement la galerie TGM à La Marsa. On y rencontre une riche et consistante sélection d’œuvres en provenance de collections privées, qui ouvre une fenêtre sur des faires et leurs époques. Celles des peintres que l’on appelait indigènes, et qui ont pu se frayer un chemin dans la scène artistique au temps où la peinture coloniale tenait le haut du pavé, comme le note la directrice artistique de la galerie Alya Hamza. Ils ont su prendre place dans un paysage artistique qui ne leur était pas acquis, et ancrés dans leur tunisianité, instiller peu à peu un autre regard. Dialoguant, dans une même salle, avec les œuvres de Rodolphe d’Erlanger, ce sont les œuvres de Hedi Khayachi (1882-1948) et de son fils Noureddine Khayachi (1918-1987), que nous nous sommes empressées d’aller contempler en premier. S’offre alors à nous une belle sélection qui retraçe tout un pan de l’Histoire de la Tunisie et de la peinture tunisienne, liée surtout à une esthétique de la cour dont le père Hédi Khayachi fut le premier peintre professionnel tunisien à y accéder. Portraitiste officiel de la cour des Husseinites, on lui doit en grande partie la galerie des portraits beylicaux du palais de Carthage. Le père était relativement peu et mal connu, car l’essentiel de son œuvre n’étant pas très accessible. Plus connu, le fils Noureddine Khayachi fut, aussi, un illustre peintre avec des œuvres figurant dans la collection privée du British Museum à Londres.
Ce dernier a, également, vécu sous la dynastie des beys husseinites — dont le règne a pris fin en 1957 avec la proclamation de la première République tunisienne — et a accompagné les premières décennies de l’indépendance. D’ailleurs, c’est à lui qu’on doit l’emblème de la République tunisienne.
Père et fils ont eu des parcours similaires avec une formation artistique entre Paris et Rome. Ils se sont aussi distingués par leurs restitutions des scènes de la vie traditionnelle et quotidienne de leurs époques.
La collection Khayachi, proposée dans cette exposition, dévoile des portraits du père (autoportrait) et du fils, mais aussi de certains dignitaires. On y rencontre aussi des scènes du quotidien populaire («El Hoksa», «El Hannena»).
Pas très loin trônent les œuvres de Rodolphe d’Erlanger (1872-1932). Peintre, musicologue et orientaliste franco-britannique, il est né le 7 juin 1872 à Boulogne-Billancourt et mort le 29 octobre 1932 à Tunis. Son nom est lié à sa célèbre et somptueuse demeure à Sidi Bou Saïd : Ennejma Ezzahra dont il acquit le terrain lors d’un séjour avec sa femme en avril 1909 à Tunis. Mélomane, érudit en musique arabe, mécène, collectionneur, grand passionné de l’Orient et de la civilisation islamique, peintre, Rodolphe François d’Erlanger a laissé ici une trace indélébile.
Contrairement à ses frères qui ont suivi les pas de leur père en travaillant dans la banque familiale, Rodolphe manifeste un grand intérêt pour la peinture, reçoit une formation artistique à l’Académie Julian à Paris et commence une carrière de peintre oscillant entre les thèmes orientalistes et les paysages.
Il peint des paysages, des portraits et des scènes de rue à Paris et Deauville, en Italie, en Angleterre, en Egypte et surtout en Tunisie et dont on peut admirer quelques-unes dans cette exposition, entre autres, un magnifique autoportrait exposé à Ennejma Ezzahra qui reflète une belle technique du clair-obscur.
Aly Ben Salem occupe à lui seul l’espace communicant de la galerie offrant à l’œil un beau spectacle réglé au rythme de sa palette lumineuse, ses ornementations végétales et ses fameuses nymphes. Une très belle collection d’œuvres de différnents formats et techniques qui met en lumière la profusion et l’abondance de la pratique de ce grand artiste.
Des œuvres de Leonardus Nardus, de Abdelaziz Berrais, Ahmed Osman, Jilani Abdelwahab, Amara Debbeche et Hatem El Mekki habitent le troisième espace avec de merveilleuses rencontres qui se jouent, in situ, entre autres, avec une magnifique nature morte aux piments de Cayenne de Nardus.
Peintre impressionniste néerlandais, marchand d’art, collectionneur et financier d’origine juive, ce dernier est né à Utrecht le 5 mai 1868 et mort le 12 juin 1955 en Tunisie à La Marsa où il s’est installé en 1921.
Il y vit en autarcie, ne participant que peu à la vie tunisienne, produisant un grand nombre de toiles qu’il offrait sans jamais se soucier de la valeur marchande de son œuvre. Nous rencontrons aussi, dans une approche plus moderniste, de saisissantes gouaches sur papier du grand Hatem El Mekki (1918-2003) et d’exceptionnels paysages de Amara Debbeche (1918-1977) et de Jilani Abdelwahab alias Abdul (1890-1961).
A voir absolument!
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