L’équipe de Tunisie n’y arrive pas face au Japon | La faillite d’un modèle de jeu
Le parcours très cahoteux, en dents de scie, de Jalel Kadri à la tête de l’équipe de Tunisie semble toucher à sa fin. Les deux matches à oublier contre la Corée du sud et le Japon ont mis à nu les limites de son management.
La première question que l’on se pose après les deux revers essuyés face à la Corée du Sud et au Japon est de se demander si c’était les bons adversaires à affronter pour préparer une phase finale de Coupe d’Afrique qui débutera dans moins de trois mois. Un long trajet avec 20 heures de vol, des équipes qui n’ont rien de commun avec nos sparring-partners de cette CAN, qui jouent décontractées et qui n’ont pas beaucoup à nous apprendre en matière de maturité tactique, ça montre plutôt que ce n’était pas bien été étudié et réfléchi. Après ce bilan très lourd de six buts encaissés sans un seul but marqué et ce visage pâlot et méconnaissable d’une équipe qui n’a jamais été aussi fragile et fébrile dans son organisation défensive et sans arguments offensifs, on ferait mieux de revenir à la dure réalité et d’adopter un profil bas. Ce triste constat nous empêche de rêver du sacre africain en Côte-d’Ivoire et même pas d’envisager une place sur le podium et le carré d’as. Le sélectionneur Jalel Kadri n’a jamais été, depuis son accession à la tête des Aigles de Carthage, dans une aussi mauvaise posture. A-t-il les épaules assez larges et assez solides pour continuer à assumer la responsabilité de cet échec sans faire son mea-culpa et une remise en question profonde de ses choix hésitants, de cette identité de jeu hyper-défensif qu’il est en train d’imposer à la sélection ? Contre le Japon, il a été enclin à plusieurs changements dans le onze du coup d’envoi avec Mouez Hassen dans les buts à la place de Aymen Dahmen, Mohamed Drager sur le côté droit de la défense, reprenant le poste à Wajdi Kechrida, Ali Abdi sur le flanc gauche en remplacement de Ali Maâloul, Mohamed Ali Ben Romdhane au milieu de terrain et la mise au repos de Hannibal Mejbri, Issam Jebali comme pointe de l’attaque tout en laissant Youssef Msakni sur le banc. Un simple changement de pions sur l’échiquier sans stratégie nouvelle puisque la charnière centrale à trois a été gardée avec la titularisation de Oussama Haddadi aux côtés du tandem Yassine Meriah- Montasser Talbi et la priorité maintenue au bloc bas d’une défense à cinq.
Une équipe, c’est un équilibre
Ce système de défense à trois axiaux n’a pas été efficace pour constituer un rempart infranchissable et un casse-tête pour les attaques aussi bien coréennes que japonaises qui ont mis six buts à la défense tunisienne. Jalel Kadri n’a pas effectué le changement majeur indispensable avec un défenseur en moins derrière et un milieu offensif créateur en plus devant, pour faire remonter le bloc, rapprocher les trois compartiments, réduire les espaces et empêcher les Nippons de développer leur jeu en mouvement. Pourtant, il avait des solutions avec Anis Ben Sliman, Hamza Rafia et même Saifallah Ltaïef pour donner plus de poids au boulot offensif dès le départ, imprégner son rythme, mettre de la fraîcheur, de la vitesse et de l’intensité dans le jeu. Il avait comme autre option le maintien de Youssef Msakni dans la formation rentrante comme 9,5 derrière le fer de lance, qui dézone sur les deux côtés pour trouver l’ouverture pour une percée fulgurante balle au pied ou des frappes cadrées et puissantes en dehors de la surface. Le but de ce dispositif dense au milieu est de presser haut, de conserver le ballon plus longtemps et d’en priver l’adversaire pour lui faire perdre sa vivacité et son travail d’approche. Le tout avec contrôle et passe immédiate et déviation instantanée pour le joueur bien démarqué et en meilleure position dans les intervalles. Jalel Kadri n’a pas opté pour ce plan de jeu plus audacieux et a cédé de nouveau à ses démons défensifs. En l’absence de Wajdi Kechrida sur le couloir droit pour effectuer centres et passes en retrait et avec le handicap physique de Ali Abdi, revenu à peine de blessure et qui ne pouvait produire le volume habituel des montées sur le flanc gauche, Issam Jebali, qui a un bon jeu de tête et qui la qualité de surgir de l’arrière pour reprendre les passes au millimètre, n’était pas le profil idéal pour le poste d’avant-centre. Haïthem Jouini, un joueur plus technique, qui s’infiltre bien dans les intervalles et a le bon flair des deuxièmes balles, a donné plus de profondeur et d’efficacité comme en témoigne son ballon sur le poteau ( 93’), (la seule véritable occasion de but créée dans le match), était le choix idéal de départ et pas le joker en cours de jeu. Une équipe, c’est un équilibre entre une bonne assise défensive pour bien défendre et être efficace dans sa surface et de la quantité, de la qualité et de la variété dans la ligne avant pour bien attaquer et être efficace dans la surface de l’adversaire. Tant qu’il n’a pas trouvé cet équilibre, Jalel Kadri n’aura pas encore une équipe constante et capable de s’adapter aux systèmes de jeu différents. Une sélection qui brille par intermittence, avec de temps en temps des éclaircies dans la grisaille comme ce match contre l’Egypte, n’est pas une sélection qui rassure surtout avec un sélectionneur sans grand vécu, sans cv impressionnant, qui n’a pas de ligne directrice cohérente et qui change constamment de formation, de système et de plan de jeu.
Sur le départ ?
C’est devenu sûr que Jalel Kadri n’a pas de beaux jours devant lui après ces deux fiascos, car il est annoncé sur le départ par plus d’une source au sein de la fédération. Il a joué son va-tout après la Coupe du monde et utilisé toutes ses cartes pour ne pas être détrôné et continuer à être le chef de staff du team tunisien. Mais l’heure du changement semble avoir sonné cette fois pour de bon. Wadie El Jary ne peut plus défendre Jalel Kadri indéfiniment et continuer à le protéger de peur qu’un mauvais parcours en Coupe d’Afrique (dernière carte à jouer pour tout espoir d’imposer sa réélection) ne sonne le glas de ce bureau fédéral qui serait obligé de renoncer de lui-même à un autre mandat en mars 2024. La haute compétition exige l’efficacité. L’accumulation des contre-performances même espacées ne pardonne pas.
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