Le film palestinien « Upshot » à l’ouverture : Imprévisible et déroutant
Ce film de 34 minutes est certainement une des fictions qui dérangent, qui choquent et marquent à vie.
«Upshot» de la réalisatrice palestinienne Maha Haj a été projeté pour sa première monde arabe à l’ouverture de la 35e édition des JCC. Sorti en 2024, ce film, qui est une coproduction entre la Palestine, l’Italie et la France, a déjà remporté deux prix lors du 77e Festival du film de Locarno. Ce film de 34 minutes est certainement une des fictions qui dérangent, qui choquent et marquent à vie.
Il s’ouvre sur un paysage paisible dans une campagne palestinienne. Un vieux couple, Suleiman, alias Abu Khaled, et Mona, mène une vie solitaire. Leurs journées sont partagées entre le soin apporté à leurs arbres et animaux et des conversations animées qu’ils mènent autour de l’avenir de leurs enfants. Une routine paisible et des discours presque monotones de parents ordinaires, s’apprêtant à recevoir leurs petits-fils pour les vacances. Ce calme absolu est pourtant perturbé par l’arrivée d’un journaliste qui remet en surface des vérités déchirantes sur leur passé. Le suspense commence à s’installer progressivement quand il leur annonce qu’il les cherche depuis des années, étant coupés du monde, isolés dans leur bulle sans aucun moyen de télécommunication. Malgré des efforts obstinés à chasser cet intrus qui s’est introduit dans leur vie sans y être invité, le couple se trouve obligé de l’héberger en raison d’une forte tempête qui s’abat sur cette région isolée. Le mystère commence alors à se dévoiler progressivement et la fin de cette histoire aussi tragique que bouleversante réserve une sacrée surprise. Le journaliste est venu enquêter sur un drame survenu il y a une vingtaine d’années. Le couple s’avère avoir perdu ses cinq enfants à la fois suite à un raid israélien qui a visé leur maison. Une réalité dévastatrice certes, mais la réaction des parents est encore plus douloureuse. Face à cette perte inimaginable, ils ont choisi de se cloîtrer dans leur propre monde et de continuer à évoquer leurs enfants comme s’ils existaient encore. Un déni total partagé et qui se continue dans un fantasme soigneusement maintenu. Le journaliste s’est trouvé obligé de les suivre dans leur délire quand ils ont repris la conversation autour de leurs petits-fils imaginaires. Il est « blond, beau et cheveux bouclés», a lancé la vieille Mouna à propos de son petit-fils, en faisant allusion à l’enfant palestinien Youssef, décédé lors des frappes israéliennes au début du génocide à Gaza. Cette phrase retenue des cris de désespoir de sa mère cherchant son enfant dans les décombres est devenue emblématique.
Le twist-ending qui donne à repenser tout le film suscite un réel intérêt à le visionner une seconde ou une troisième fois pour repérer tous les détails qui nous auraient échappé. Parmi toutes les émotions que l’on peut ressentir devant ce film, entre pleurer, s’émouvoir, s’indigner, la tristesse est sans doute l’une des plus intenses et des plus marquantes. La performance poignante de Mohammad Bakri, Amer Hlehel et Areen Omari dans les rôles principaux contribue à faire de ce court métrage une véritable œuvre bouleversante. Il interroge notre humanité et notre capacité à faire preuve d’empathie envers autrui.
Un film qui ne laisse pas indemne et qui rappelle à quel point le cinéma est capable de transmettre le vécu des familles victimes de guerres et la douleur immense à la perte d’êtres chers avec une créativité sans limite.
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