La Tunisie sous Kaïs Saïed expliquée par Naoufel Saïed
Après un long silence, Naoufel Saïed, le frère du président de la République a choisi de rompre le silence en s’exprimant, lundi 23 décembre 2024, en langue anglaise. Ce choix de communication semble indiquer une volonté de s’adresser avant tout à un public international, élargissant ainsi le champ du débat autour de la trajectoire politique actuelle de la Tunisie. Celui qui fut le directeur de campagne du président-candidat lors de l’élection d’octobre 2024 y expose une défense ardente des mérites d’un régime sous Kaïs Saïed, mettant en avant les transformations institutionnelles et sociales initiées depuis la prise de pouvoir du 25 juillet 2021.
Sous le titre : « Pourquoi l’offre politique du président Kaïs Saïed est salutaire pour la Tunisie », nous reproduisons l’intégralité du texte traduit :
« En Tunisie, la configuration partisane postrévolutionnaire qui a prévalu après 2011 est « anachronique », « perchée dans les nuages », pour reprendre la description par Antonio Gramsci de la « crise organique ».
Aucun des partis en présence n’est outillé pour répondre aux tâches historiques du moment. Les intérêts des élites liées à l’ancien régime ne sont plus suffisamment cohérents pour former un parti durable. Quant aux autres formations, elles se réduisent à des écuries présidentielles éphémères ou à des mobilisations fragmentaires. La « gauche », incapable de représenter les mobilisations sociales, a pratiquement disparu de la scène politique.
Une grande partie de l’impasse actuelle découle du fameux « consensus » ou tawafoukat entre les anciennes élites (représentées de 2012 à 2019 par le parti Nidaa Tounes avant son éclatement) et les nouveaux prétendants islamistes d’Ennahdha. Considéré comme un préalable à une « transition réussie », ce pacte d’entente n’a jamais dépassé les intérêts étroits des partis impliqués pour établir un nouvel ordre. S’il a momentanément permis de « pacifier » le pays en 2013, après les assassinats de deux figures de gauche (Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi), ce « consensus » entre élites a neutralisé toute volonté de changement et a, par conséquent, créé des « espaces d’absurdité » entre ces élites et le peuple, qui les a massivement rejetées.
La réduction de la transition à une simple compétition électorale formelle, avec l’évacuation de toute dimension politique, ainsi que le mépris des enjeux démocratiques et citoyens à la base du soulèvement de 2010, ont transformé les élections en une conquête de positions de pouvoir et de rente. Cela a exacerbé les appétits et les rivalités sans baliser le champ politique ni jeter les bases de la reconstruction de l’État. La conséquence en a été la reconstitution de facto, à la base, des structures de pouvoir de l’ancien système, mais sans un centre régulateur pour dicter l’équilibre, laissant libre cours à des rivalités exacerbées qui multiplient les fragmentations.
Si la démocratie est un objectif désirable, ce n’est pas tant pour les formes institutionnelles qu’elle adopte (qui ne sont que des moyens) que pour les résultats qu’elle produit. Dans ce cas précis : réduire le fossé historique entre l’État et la société, transformer le modèle économique qui prive la majorité des Tunisiens de leur citoyenneté sociale… Faute de répondre à ces attentes, le discours démocratique est resté une rhétorique de légitimation d’une élite incapable de relever les défis sociaux. Il n’est jamais devenu un nouveau récit national. Par conséquent, il a ouvert la voie à une offre collective de rédemption par l’action d’un leader charismatique : Kaïs Saïed, qui a su conquérir ces espaces d’absurdité politique en contournant la machinerie institutionnelle créée par la Constitution de 2014. Jusqu’à présent, l’offre politique du président Kaïs Saïed a reçu le soutien de larges pans de la société et leur apparaît comme cohérente.
En effet, M. Kaïs Saïed est aujourd’hui le seul acteur politique majeur qui semble marquer des points dans plusieurs « espaces de sens », car il est le seul à avoir su porter un discours avec un contenu significatif, audible et crédible pour une grande partie de la société tunisienne.
Depuis le 25 juillet 2021, l’une des tâches les plus importantes que M. Kaïs Saïed s’est fixées est précisément de transformer l’État et ses structures économiques sous-jacentes, afin de produire un nouveau contrat social entre l’État et la société, dans l’espoir de fournir au peuple les outils nécessaires pour exprimer véritablement sa volonté, conformément aux promesses électorales de la campagne présidentielle de 2019.
Conscient qu’un nouveau « consensus » avec l’ancienne élite, responsable des blocages ayant conduit au 25 juillet 2021, ne ferait que neutraliser toute volonté de transformation, il a écarté cette option dès le départ, préférant mettre en place une nouvelle Constitution avec de nouvelles institutions. Il a ainsi honoré ses promesses électorales, notamment en s’abstenant délibérément de présenter un programme électoral conventionnel, contrairement à la tradition des candidats qui, par le passé, proposaient des programmes qu’ils reniaient une fois élus. Sa campagne explicative visait à sensibiliser les électeurs à l’importance de disposer d’outils juridiques adéquats pour exprimer leurs opinions et mettre en œuvre des programmes adaptés à leur réalité et à leurs besoins.
Après l’échec des soulèvements populaires réprimés et l’échec de l’islam politique dans la gestion de plusieurs pays (notamment au Maroc, en Égypte, en Tunisie et en Libye), ces mêmes populations aspirent désormais davantage au développement économique et à la prospérité.
De ce point de vue, l’approche de Kaïs Saïed a permis, pour la première fois dans l’histoire récente du pays, de renouer des liens de confiance entre l’État et le peuple. Cette confiance retrouvée est à l’origine de la remarquable résilience dont la société tunisienne a fait preuve pour affronter, aux côtés du président Kaïs Saïed, les débâcles flagrantes de l’ancienne élite dirigeante pendant une décennie entière.
En ce sens, le président Kaïs Saïed reste une garantie indiscutable de stabilité pour le pays.
En revanche, que peut-on attendre des membres de l’élite politique qui ont obstinément dilapidé leur capital de confiance auprès du peuple et qui n’ont jamais remis en question leur bilan catastrophique, que ce soit en tant que fidèles lieutenants de Ben Ali ou lorsqu’ils ont dirigé le pays durant une décennie marquée par les mensonges et les contre-performances sociales et économiques ? Est-il encore possible de gouverner la Tunisie en ignorant la confiance durement acquise par le président Kaïs Saïed ? Est-il encore possible de gouverner la Tunisie à travers un État prédateur, comme ce fut le cas sous Ben Ali ou sous le tristement célèbre Tawafoukat ?
Indubitablement, non. Persévérer dans cette direction risque de plonger la Tunisie dans une zone de turbulences et d’instabilité qui pourrait affecter toute la région.
Kaïs Saïed a tracé une nouvelle voie difficile à ignorer, quelles que soient les critiques qu’on peut lui adresser. Il a conquis un espace de sens politique intelligible et crédible pour une large partie de la société tunisienne, alors que les autres membres de l’élite politique qui s’opposent à lui continuent d’occuper des espaces d’absurdité politique, qu’ils ont eux-mêmes patiemment construits pendant plus d’une décennie, au prix de mensonges, de contre-performances et de prédations. Leur aversion envers Kaïs Saïed ne peut constituer un programme politique et ne leur permettra certainement pas de créer un nouvel espace de sens politique capable de rallier une masse critique de citoyens en leur faveur ».
Vous pouvez également consulter le texte original ici :
“WHY PRESIDENT KAIS SAIED’S POLITICAL OFFER IS SALUTARY FOR TUNISIA
In Tunisia, the post-revolutionary party configuration that prevailed after 2011 is « anachronistic », “perched in the clouds”, to use Antonio Gramsci’s description of the « organic crisis ».
None of the parties involved is equipped to respond to the historical tasks of the moment. For their part, the interests of the elites linked to the old regime are no longer coherent enough to form a lasting party. The others are either ephemeral presidential stables or fragmentary mobilizations. The « left », incapable of representing social mobilizations, has all but disappeared from the scene.
Much of the standoff can be attributed to the famous « consensus » or « tawafoukat » between the old elites (represented between 2012 and 2019 by the Nidaa Tounes party before its break-up), and the new Islamist pretenders to power of Ennahdha. Considered as a prerequisite for a « successful » transition, this pact of understanding has never transcended the narrow interests of the parties involved to establish a new order. Although it helped momentarily « pacify » the country in 2013, when it was shaken by the assassination of two left-wing figures (Chokri Belaid and Mohamed Brahmi), this « consensus » between elites has neutralized any desire for change and, as a result, has created « spaces of nonsense » between these elites and the people, who have rejected them outright.
The reduction of the transition to a mere formal electoral competition, with the evacuation of any political dimension, and the deliberate neglect of the democratic and citizenship issues at the root of the 2010 uprising, reduced the elections to a conquest of positions of power and rent, and sharpened appetites and competition without having marked out the political field or laid the groundwork for rebuilding the state. The consequence is the de facto reconstitution, at grassroots level, of the power structures of the old system, but without the centre that dictated the balance, thus giving free rein to competition whose unlimited sharpening multiplies fragmentation.
If democracy is a desirable object, it is less for the institutional forms it takes (which are merely means) than for the results it produces. In this case: reducing the historic divide between state and society, transforming the economic model that deprives the majority of Tunisians of their social citizenship… Failing to meet these expectations, the democratic narrative has remained the legitimizing discourse of an elite incapable of meeting social challenges. It has not become a new national narrative. As a result, it paved the way for a collective offer of redemption through the action of a charismatic leader: Kais Saied who was able to conquer these spaces of political nonsense by stepping over the institutional machinery created by the 2014 constitution. So far, President Kais Saied’s political offer has met with the support of large sections of society and makes sense to them.
Indeed, Mr. Kais Saied is currently the only major political player who seems to be winning points in a number of « spaces of meaning », as he is the only one who has been able to convey a discourse with significant content, making his voice audible and credible to large sections of Tunisian society.
One of the most important tasks that Mr. Kais Saied has set to himself since July 25, 2021 is precisely to transform the State and its underlying economic structures, with the aim of producing a new social contract between State and society in the hope of providing the people with the tools to truly express their will, in line with the electoral promises he made during the 2019 presidential campaign.
Aware that the establishment of a new « consensus » with the old elite that was at the root of the blockages that led to July 25, 2021 can only result in a further neutralization of any desire to transform the established political order, he ruled out this possibility from the outset, preferring instead the establishment of a new constitution with new institutions and, therefore, striking, through them new bonds with the people. He thus lived up to his electoral promises when he deliberately refrained from delivering, during his campaign, an electoral program that candidates have, in the past, got into the habit of preparing before the campaign, only to flout it as soon as elected. This explanatory campaign consisted in making voters aware that what they need, first and foremost, is to be provided with the appropriate legal tools to enable them to express their views and put in place the appropriate programs in line with their reality and needs. They no longer need the electoral chatter that candidates have always been accustomed to sharpening up before cynically embarking on their money-rich campaigns.
After the failure of popular uprisings that were put down and the failure of political Islam in the management of certain countries (notably Morocco Egypt, Tunisia and Libya), these same populations dream of economic development and prosperity more than anything else.
From this point of view, Kais Saied’s approach has made it possible, for the first time in the country’s recent history, to forge bonds of trust between the State and the people, a new-found trust, a renewed trust that the former ruling elite did its utmost to flout without any scruples for years on end. This new-found confidence has been at the root of the remarkable resilience shown by Tunisian society as it has faced up, with President Kais Saied and thanks to him, to the shameless debacles of the former ruling elite for a whole decade.
From this point of view, President Kais Saied was, and remains, an unquestionable guarantee of the country’s stability.
On the other hand, what can the people expect from members of the political elite who have stubbornly squandered their capital of trust with the people and who have never shown any questioning or criticism of their catastrophic record, either when they were Ben Ali’s loyal lieutenants or when they held the reins of power in their hands for a whole decade marked by lies and counter-performances at both social and economic levels? Is it still possible to govern in Tunisia by ignoring the trust so dearly won by President Kais Saied? Is it still possible to govern Tunisia by means of a predatory state as was once the case under Ben Ali or under the ill-famed ‘Tawafoukat’?
Undoubtedly not. Persevering in this direction risks sending Tunisia into a zone of turbulence and instability that could affect the entire region.
Kais Saied has charted a new course that is difficult to ignore, whatever the criticisms that may be levelled at him by some and others. Kais Saied has conquered an area of political meaning that is intelligible and trustful to large sections of Tunisian society, whereas other members of the political elite now opposing him continue to occupy areas of political nonsense that they themselves have painstakingly built up over a whole decade, and more for some of them, at the cost of lies, untruths, counter-performances and predation. Their aversion to Kais Saied cannot constitute a political program and will certainly not enable them to create a new space of political sense capable of uniting around them a mass of citizens capable of tipping the balance in their favour.”
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