Culture

La poétesse et librettiste Emna Rmili à La Presse : « Je continue à croire en l’opéra tunisien malgré tout »

 

Samedi 17 août, « Salem » a été jouée à la clôture du Festival international de musique symphonique d’El Jem, à l’amphithéâtre qui a accueilli des opéras du monde entier avec des participants de marque. À cette occasion, Emna Rmili, poétesse, universitaire et librettiste à l’origine de ce livret d’opéra, nous a accordé cet entretien.

L’opéra en dialecte tunisien est un domaine en pleine expansion. Bien que ce genre soit traditionnellement associé aux langues européennes comme l’italien et le français, des productions tunisiennes ont commencé à émerger depuis quelques années et à gagner en popularité. D’ailleurs, le public et les critiques ont loué le succès lyrique de « Carmen » joué récemment au Festival international de Carthage dans sa version tunisienne.

Cette initiative a été précédée par deux projets innovants et fortement audacieux : « Hached » qui date de 2014 et « Salem ». A’ l’origine des livrets de ces deux opéras, un seul nom : la poétesse et universitaire Emna Rmili.  Ces œuvres combinent la musique symphonique classique avec la poésie et le chant lyrique arabes, offrant une fusion unique entre les cultures orientale et occidentale.

Pouvez-vous nous parler de vos débuts dans l’écriture des opéras ?

Mon expérience dans ce domaine a commencé avec l’opéra «Hached » en dialecte tunisien. Elle a été mise en musique par Jaloul Ayed  et présentée sur scène sur un arrangement du chef d’orchestre Mohamed Makni. La soprano Yosra Zekri a ému le public en interprétant « Bousset letrabek ye bledi » à Genève, à Budapest et en Espagne. C’est une chanson dont je suis particulièrement fière.

Mon premier grand opéra a été en arabe littéraire. “Shéhérazade – L’autre Nuit” est une production qui remonte à 2019 et qui a réuni de nombreux talents, dont la diva libanaise Jeheda Wehbe. La musique a été confiée au compositeur Samir Ferjani. C’est un projet musical qui raconte des épisodes tirés de la mythologie ou de l’histoire antique et met en valeur l’œuvre de célèbres personnalités féminines comme Didon et Zenoubie. J’ai renoué par la suite avec les textes en dialecte tunisien pour « Salem », dont le titre tire son inspiration de la chanson « Khil Salem » de Saliha. Il s’agit de ma deuxième collaboration avec Samir Ferjani. A deux, nous avons tenté de créer un univers où le folklore tunisien côtoie les envolées symphoniques. Le résultat a dépassé nos attentes. Je vous invite à venir assister à la représentation qui aura lieu à El Jem pour le découvrir par vous-même.

Comment êtes-vous partie d’une chanson pour aboutir à ce spectacle ?

La mélodie de Saliha est construite sur un sujet dramatique : le chevalier Salem est assassiné et sa famille est endeuillée.  L’intrigue est, à l’origine, empruntée de la chanson et j’ai créé des personnages pour assurer la continuité de l’action dramatique et de celle de l’élément symphonique. Le grand guerrier est mort.  Comme mon écriture est essentiellement féministe, ce sont ses sœurs et sa bien-aimée qui  revendiquent justice. L’assassin prend part aux évènements et on l’a même fait chanter. Il a été brillamment joué par Haythem Hadhiri. Cette histoire allégorique symbolise aussi le désir de rompre avec les conflits qui sévissent partout. L’agresseur va céder sous la passion et la raison l’emporte sur la violence. Pour moi, l’amour est toujours gagnant. Samir Ferjani et son équipe artistique ont travaillé  sur cet opéra pour en faire une version aux sonorités entre l’Orient et l’Occident. Cette œuvre exceptionnelle, qui fait fusionner la musique symphonique classique et le chant tunisien, sera jouée par l’Orchestre symphonique de Sousse et accompagnée par de grandes voix lyriques.

Ce projet musical n’a pas joui de la popularité prévue. Quelles en sont les raisons à votre avis ?

Samir Ferjani a créé une œuvre musicale et théâtrale complète conçue pour un orchestre et qui répond ainsi aux normes internationales en matière de spectacle d’opéra. Le problème peut être attribué au nombre limité de représentations. Avec les crises financières dans le domaine de la culture, beaucoup de productions sont reportées ou annulées. Les spectacles d’opéra peinent à tenir la cadence, notamment avec une baisse de subvention de nos partenaires publics.

À force  de constater que la situation reste compliquée, on a fait des économies et on est allés jusqu’à sacrifier des productions. C’est un véritable gâchis, mais il ne faut pas s’empêcher d’être ambitieux malgré tout.

Comment voyez-vous l’avenir de l’opéra tunisien d’une manière générale?

Je crois en l’opéra tunisien même si on n’encourage pas assez les nouvelles expériences artistiques et que quelques grands noms s’emparent du domaine. Je continue à compter sur sa vocation en tant que vecteur de changement des modes de pensées et des comportements humains. C’est par l’art et la culture qu’on réussira à vaincre la cruauté du monde et  adopter les valeurs universelles d’amour, de paix et de tolérance. Il est vrai que l’opéra n’a pas vraiment  une ferveur populaire et reste réservé à des élites consentantes. Avec les textes tunisiens, on aimerait voir plus de gens assister à une pièce chantée puisqu’ils peuvent saisir ce qu’on leur interprète.

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