La mini-série « Ripley » (Netflix) : un thriller psychologique baigné dans un Noir et Blanc opulent… et fascinant !
Tout le monde en parle. C’est la nouvelle création de Netflix autour du plus célèbre des psychopathes de fiction du XXe siècle, le « talentueux » faussaire et criminel Tom Ripley, qui n’a rien d’un « replay » !
Après un premier épisode de mise en place, plantant le décor, le temps de s’adapter au rythme assez lent des huit rounds de cette mini-série réalisée par Steven Zaillian (coscénariste de plusieurs blockbusters : « La Liste de Schindler », « Gangs of New York », « L’interprète », « Le stratège », « Hannibal », « Exodus: Gods and Kings », etc.) et au « Black & White » sublimissime, opulent et bien assumé – un Emmy Award voire carrément un Golden Globe pour le directeur de la photographie américain, Robert Elswit, serait amplement mérité –, on entre pleinement dans le vif du sujet à partir du second épisode, pour apprécier ce thriller aux allures d’un polar sombre de très haute tenue. Et même si l’on connaît déjà l’histoire de l’insaisissable Tom Ripley, on se laissera prendre par l’intrigue diabolique imaginée par Patricia Highsmith il y a près de 70 ans. Ce remake très noir nous tiendra en haleine jusqu’à l’ultime seconde du dernier épisode.
Cette nouvelle copie de ce grand classique de la littérature occidentale est magnétique avec un sens de l’esthétique aigu, pour moi, du jamais vu dans une série.
Mais la grande force de cette version bianconera c’est évidemment sa mise en scène, et la manière avec laquelle le réalisateur fait de cette Italie des années 50, un personnage presque à part entière. D’Altrani à Venise en passant par Naples, Sanremo, Rome et Palerme, on voyage aux côtés de Ripley, on visite des lieux célèbres, on habite des hôtels et des appartements somptueux, on admire les tableaux du Caravage qui fascinent tant notre tueur, sans jamais avoir l’impression de faire du tourisme. Bien au contraire, par le prisme de la caméra de Zaillian, la Botte devient mystérieuse et inquiétante comme un pays de l’Europe de l’Est dans un film d’espionnage durant la guerre froide.
Nul doute, nous sommes devant un cadre taillé sur mesure pour les personnages de cette histoire (principaux et secondaires), tous passionnants et remarquablement filmés.
Nous avons adoré le parti pris de la lenteur, cette impression d’être en temps réel qui permet aussi au téléspectateur d’observer le décor, les objets, les visages (félicitations aux réceptionnistes des différents hôtels et pensions, aux policiers, aux chauffeurs de taxi, aux banquiers, à la logeuse de l’appartement de Rome et à son chat, à la jet-set bourgeoise et insouciante de la Sérénissime, au postier d’Altrani, au membre de la Camorra à Naples, etc.) dans les scènes au lieu de n’avoir d’yeux et d’oreilles que pour l’intrigue. Ce temps lent permet de vraiment savourer tout l’humour parfois un peu dissimulé, « le comique » des répétitions, les centaines de marches gravis par les différents compères de l’histoire, etc…
Idem, l’interprétation magistrale de Maurizio Lombardi, qui crée un personnage — l’inspecteur Pietro Ravini du commissariat de Rome — impressionnant et subtil, ajoute encore du poids à la partie de la « traque » sur fond d’une enquête policière asphyxiante.
Nous découvrons, également une autre facette d’Andrew Scott, celle d’un personnage reptilien dans son rôle de Ripley new look. L’acteur irlandais est comme toujours parfait et nous fait, quasiment, oublier la performance magistrale de Matt Damon dans le mythique film « Le talentueux Mr. Ripley » et sa palette de stars (Jude Law, Gwyneth Paltrow, Cate Blanchett, Philip Seymour Hoffman, etc.).
En effet, Scott tient le tout sur ses épaules avec une interprétation tout en maîtrise à la fois cynique, machiavélique et époustouflante de retenue, qui tient le petit écran en otage.
Plus intéressant encore, le choix de matérialiser la noirceur du personnage de Ripley à travers sa fascination pour l’œuvre de Caravage, magnifique peintre de la lumière dont la vie fut au contraire marquée par l’obscurité. Et c’est sans doute là que le choix d’une image au Noir et Blanc fortement contrasté se justifie pleinement : lorsque Ripley se perd dans la contemplation de peintures, mais aussi de statues antiques, de détails de monuments, tout ce qu’on voit se met à faire pleinement sens.
La temporalité des images donne une vie à l’intrigue bien plus intense que dans les deux précédentes adaptations : Plein Soleil (1960) de René Clément fut l’un des films phares qui révéla au grand public le jeune et beau Alain Delon et « The Talented Mr Ripley » (1999) d’Anthony Minghella.
Et la série, que l’on peut très bien regarder comme un photogramme d’images absolument envoûtantes, s’élève vers l’excellence, dépassant alors tout ce qu’on a pu voir de similaire dans le genre. C’est ce qu’on appelle nous en mettre plein les yeux !
Cette réadaptation, qui va à contre-courant des codes habituels des productions Netflix, c’est du très grand cinéma : un chef-d’œuvre, tenant presque du miracle au regard de la plupart des séries en vogue, actuellement, qui misent avant tout sur l’efficacité commerciale de sujets galvaudés au détriment de la dimension artistique.
Une conception cinématographique méticuleusement construite qui fait référence au roman noir classique et au maître absolu du suspense Alfred Hitchcock ainsi qu’aux grands noms du cinéma italien.
Et le simple fait de regarder cette mini-série plan par plan est un profond plaisir. Chaque plan est ciselé. L’oeuvre est originale et captivante loin des sentiers battus. Au final, une création réussie sur tous les plans et sur toute la ligne. Sans doute l’une des meilleures de l’année. Une excellente surprise. Une vraie claque… UN IMMENSE COUP DE CŒUR !
L’article La mini-série « Ripley » (Netflix) : un thriller psychologique baigné dans un Noir et Blanc opulent… et fascinant ! est apparu en premier sur La Presse de Tunisie.
lien sur site officiel