La ligne d’or: Les « fonds vautours » ou les prédateurs de la dette souveraine
La Presse — Nous connaissons certes le FMI, la Banque mondiale, la Berd, la BAD et tous ces bailleurs de fonds qui accordent des prêts plus ou moins importants à des Etats, mais avez-vous déjà entendu parler des « fonds vautours ». Des fonds qui jouent le rôle du prédateur impitoyable, traquant les nations vulnérables engluées dans le piège de la dette. Derrière ce terme évocateur se cachent des fonds d’investissement spécialisés dans le rachat à bas prix de dettes souveraines de pays en difficulté, avec une stratégie claire : exiger, parfois par voie judiciaire, le remboursement intégral de ces dettes, majorées d’intérêts exorbitants.
Le modus operandi des fonds vautours repose sur une exploitation méthodique des failles du système financier mondial. Ces fonds rachètent la dette d’un État en détresse à un prix bien inférieur à sa valeur nominale, profitant du désespoir de pays souvent incapables de rembourser leurs créanciers. Par la suite, ces fonds refusent de participer aux restructurations de dettes ou aux allégements consentis par d’autres créanciers. Leur objectif est simple : obtenir, par tous les moyens juridiques possibles, le paiement total de la dette, intérêts compris.
Un exemple emblématique est celui du fonds NML Capital, une filiale du groupe américain « Elliott Management », qui s’est illustré dans son bras de fer avec l’Argentine. En 2001, l’Argentine a fait défaut sur une dette colossale de 93 milliards de dollars. La majorité des créanciers ont accepté une restructuration, mais « NML Capital », qui avait racheté des obligations pour une fraction de leur valeur, a refusé. Après des années de batailles judiciaires, le fonds vautour a réussi à obtenir un remboursement de 2,4 milliards de dollars en 2016, soit près de dix fois le montant qu’il avait investi. Un mécanisme ravageur pour les économies déjà fragiles économiquement, ils exacerbent les crises sociales et politiques, freinant les investissements publics indispensables à la relance économique. Le cas du Congo-Brazzaville illustre tragiquement ces conséquences. Dans les années 2000, plusieurs fonds vautours, tels que « Kensington International », ont intenté des actions en justice pour recouvrer des dettes contractées dans les années 1980. Le pays, déjà écrasé par la pauvreté, a dû détourner des ressources destinées à la santé et à l’éducation pour rembourser des créances devenues toxiques. Si des efforts ont été faits pour encadrer les pratiques des fonds vautours, notamment via des législations spécifiques en Belgique et au Royaume-Uni, ces mesures restent souvent insuffisantes face à la sophistication juridique de ces acteurs. En 2015, l’ONU a adopté des principes pour la restructuration des dettes souveraines, mais ces recommandations non contraignantes peinent à s’imposer face à la prédominance des intérêts financiers privés.
Des options, telles que le recours à des clauses d’action collective (CAC) dans les contrats de dette, permettent d’imposer une restructuration à tous les créanciers lorsqu’une majorité l’accepte. Cependant, ces mécanismes, bien qu’efficaces, n’ont pas encore atteint leur pleine portée, notamment dans les pays à faible revenu. Bien que la Tunisie ne soit pas directement menacée par ces fonds vautours, elle pourrait le devenir si la dette tunisienne venait à être vendue à prix réduit sur les marchés secondaires. Les investisseurs spéculatifs pourraient alors chercher à maximiser leurs profits en ciblant des actifs ou des flux financiers tunisiens.
Peut-on accepter qu’un acteur privé s’enrichisse sur le dos des populations les plus vulnérables ? En dépit des justifications avancées par ces fonds, qui se présentent comme de simples opportunistes exploitant les règles du marché, leur stratégie est souvent perçue comme cynique et destructrice pour les Etats.
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