« La folie des petites grandeurs », exposition collective à la galerie TGM : La démesure du petit
Très riche en œuvres, elle réunit des artistes de différentes générations, qui se sont éloignés du confort de leurs formats habituels pour s’essayer à plus petit, en l’occurrence pour certain.e.s à l’art de la miniature.
La Presse —« Le minuscule, porte étroite s’il en est, ouvre un monde », écrit Bachelard («La Poétique de l’espace»). «La folie des petites grandeurs», une exposition collective visible actuellement à la galerie TGM à La Marsa, est un bel écho à ce propos. Très riche en œuvres, elle réunit des artistes de différentes générations, qui se sont éloignés du confort de leurs formats habituels pour s’essayer à plus petit, en l’occurrence pour certain.e.s à l’art de la miniature.
On y trouve des signatures contemporaines, celles de Feryel Lakhdhar, Mouna Jemal Siala, Adnène Hadj Sassi, Majed Zalila, Imed Jemail, Ahmed Hajri, Chahrazed Fekih, Safa Attyaoui, Wahib Zannad, Soumaya Nakouri; et d’autres plus antérieures, de trois grands noms de l’histoire de l’art tunisien, à savoir Jalel Ben Abdallah (1921-2017), Aly Bellagha (1924-2006) et Brahim Dhahak (1931-2004).
Le thème de l’exposition nous renvoie de suite à la miniature, un type d’art figuratif fait de peintures de petite taille sur des livres, des tapis, des textiles, des murs et céramiques et autres supports au moyen de matières premières telles que l’or, l’argent et diverses substances organiques. La miniature est exécutée par des miniaturistes de diverses traditions qui représentent des sujets en changeant d’échelle et ne saurait être confondue avec le détail, le fragment ou le punctum, car elle donne de l’objet représenté une vision totale et complète.
A travers l’histoire, elle se présentait comme une peinture figurée indépendante, non attachée à une initiale, servant à enluminer un livre, généralement un manuscrit. Mais elle a évolué avec le temps pour être utilisé également dans l’architecture et en embellissement des espaces publics.
On ne peut parler de cet art sans évoquer les miniatures persanes qui se sont distinguées par leur beauté et leur finesse et étaient caractérisées par une composition rigoureuse, répondant souvent à des règles géométriques et une palette de couleurs vives.
Dans l’histoire de l’art, plusieurs artistes se sont emparé de ce genre. De nos jours, même si semblant appartenir à un temps révolu — à l’époque de la culture du spectacle et du «Je prends toute la lumière, toute la place» —, la miniature continue à inspirer les artistes contemporains, s’imposant parfois comme un contre-courant.
«Le micro art» ou l’art du minuscule, une nouvelle tendance artistique, en est un parfait exemple, car se présentant comme une réponse aux réalisations monumentales contemporaines par l’humilité du geste et l’économie des moyens.
Revenons à cette expérience miniaturiste et petits formats menés par les artistes de l’exposition du TGM qui confronte la pratique des anciens à celle des contemporains.
On remonte le temps avec Jellal Ben Abdallah dont le nom a été associé à l’art de la miniature pendant près de 80 ans. Un art qu’il a pratiqué d’une manière exclusive à ses débuts avant d’aborder, vers 1970, des formats plus importants. Passionné par la miniature orientale, il en a même repris la technique dans des tableaux de plus grande taille. Sa palette aux couleurs pastel très reconnaissable d’entre ses contemporains met au jour des figures féminines dans des intérieurs andalous et évoque les gestes du quotidien qui ont marqué son enfance.
«La folie des petites grandeurs» nous dévoile 50 de ses esquisses (Mine de plomb, crayons de couleur, aquarelle, stylo à bille…) qui font partie de la collection de dessins préparatifs à ses miniatures. Un devenir dévoilé où on décèle l’évolution et la richesse des techniques employées et mixées au gré de ses fantaisies et qui en font des œuvres à part entière.
Les exceptionnelles œuvres de Ali Bellagha (Techniques mixtes sur carton) proposées dans l’exposition relèvent plus du petit format que de la miniature. Ibrahim Dhahak est représenté avec une magnifique miniature de «Nature morte aux fruits», abordée en technique mixte.
L’intimité, la totale immersion du fait de la distance rendue petite entre l’artiste et le support, que procure le petit format, semble avoir séduit et inspiré les artistes contemporains qui nous proposent, dans l’ensemble, une pléthore d’œuvres. La majorité s’étant affranchie des codes esthétiques du genre pour ne retenir que les spécificités dimensionnelles.
Mouna Jemal Siala propose, avec sa touche graphique pixélisant, 21 dessins réalisés au crayon aquarelle rouge, qui revisitent ses photos de famille, en particulier celles de son enfance.
Dans certaines de ses œuvres Safa Attyaoui, à la manière de Jalel Ben Abdallah, s’attaque à des dimensions restreintes pour y dessiner ses portraits au stylo à bille et encadrés dans un style baroque.
Imed Jemail qui, à travers ses toiles-miniatures (des petits formats d’acrylique sur toile de 10/15 cm), évoque un peu l’enluminure en accentuant la présence de l’or dans ses reconnaissables et caractéristiques graphies manuscrites ou script grammes (comme il aime à les nommer). Les touches d’acryliques dorées épousent ses lettres-dessins appliquées au noir et parsemées, ici et là, de petites apparitions colorées.
Une exposition à découvrir jusqu’au 28 décembre.
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