Khadija Krimi, championne d’Afrique d’aviron de plage : «L’image de la femme sportive a changé, mais…»
“Je ne peux pas dire que le sport féminin est complètement marginalisé. En ce qui concerne l’aviron, les filles disposent des mêmes conditions d’entraînement que les garçons. Il y a un entraîneur pour les garçons. Nous, les rameuses, avons également notre propre entraîneur en la personne de Sahbi Khardani». En 2019, quand la fédération a acquis des bateaux et des rames neufs, le matériel acheté a été réparti équitablement entre garçons et filles. Ce qui dérange, par contre, c’est l’acquisition des équipements sportifs, tous destinés à l’usage des messieurs. Du coup, nous, les filles, sommes mal habillées, outre qu’en tant que femmes, nous avons besoin de plus d’équipements que les garçons.
En ce qui concerne les centres d’élite, nous ne nous sommes pas hébergées à la même enseigne. Le centre d’élite des garçons est situé au 7e étage à la Maison des Fédérations Sportives. Par contre, le centre d’élite des filles est situé à 500 mètres du restaurant, de l’autre côté de la rue. Comme ce n’est pas bien éclairé la nuit, nous craignons pour notre sécurité quand nous traversons la rue, le soir, pour aller dîner.
En sport, en général, on a tendance à sponsoriser les garçons beaucoup plus que les filles. Mais l’image de la femme sportive a changé ces dernières années grâce à Habiba Ghribi, Raoua Tlili et Ons Jabeur. En ce qui nous concerne, nous les rameuses, nous n’avons pas été encore sponsorisées à ce jour.
Alors, pour améliorer les conditions et le cadre d’action du sport féminin et avant d’aller voir les sponsors pour les sensibiliser à la valeur ajoutée que peuvent leur apporter les femmes sportives, il faut commencer d’abord par sensibiliser l’opinion publique. Il y a, d’ailleurs, un grand chantier à attaquer : l’éducation sociale du citoyen lambda. En ce sens, je vais vous raconter un incident dont j’étais victime lors des derniers Jeux olympiques de Paris.
J’ai eu droit à des insultes sur la page Facebook d’une radio, mon père et ma mère ont été insultés gratuitement, avec les remarques désobligeantes du genre “sa place est à la cuisine”. Tout cela parce qu’une émission sportive citait mes performances aux JO de Paris.
C’est pour vous dire que, si on veut que le sport féminin ait une place de choix dans la société tunisienne, il faut commencer d’abord par changer les mentalités.
Toutefois, il est trop tôt pour espérer, voire rêver que le sport féminin devienne un sport de masse, y compris dans les pays les plus développés. Les garçons bénéficient toujours de plus de chances de réussite que les filles.
J’aimerais, enfin, citer un chiffre : depuis la première participation de l’aviron tunisien à des Jeux olympiques, à Sydney en 2000, cinq rameuses ont pris part aux JO contre trois rameurs seulement”.
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