JTC 2024 — «Au violon» de Fadhel Jaziri: Un magnifique patchwork théâtral et musical
« Au violon », spectacle théâtral et musical signé Fadhel Jaziri, a été présenté en première au Théâtre des régions à la Cité de la culture dans le cadre de la 25e édition des Journées théâtrales de Carthage. Un patchwork sur le passé personnel de l’artiste lui-même et aussi du pays depuis les années 60 jusqu’à la révolution et la chute de la dictature.
L’auteur de la « Nouba » et de la « Hadhra » revient à ses premières amours, le spectacle théâtral et musical, à l’instar de « Noujoum », « Zghonda et Azzouz » et aussi la célèbre « El Awada », pièce dans laquelle il était co-metteur en scène avec Fadhel Jaïbi. « Au violon » ressemble à un adieu à la scène que Jaziri fréquente depuis une cinquantaine d’années. Une synthèse théâtrale et musicale dans laquelle il a fait un passage en revue de la scène aussi bien culturelle que politique. Durant 2h15 et devant une salle pleine à craquer, les cinq protagonistes de la pièce : un pianiste aveugle, un luthiste déjanté, deux violonistes, dont l’un est l’époux d’une prétendue chanteuse, ont relevé le défi de retenir l’attention du public en lui offrant un spectacle empreint de nostalgie, d’humour et de fantaisie. Sur une scène nue partiellement éclairée, « Au violon » s’ouvre avec un morceau de musique classique joué au piano « Shahrazed » de Korsakov. Puis le couple d’interprètes fait l’éloge des Chinois et leur révolution culturelle. « Ils fabriquent 55 millions de violons par an ». Suivent des refrains remixés « Inta Omri » d’Oum Kalthoum et du grand maître Abdelwaheb, puis un titre marocain « Douri Biya ya Chibani ».
Entretemps, le personnage central de la pièce, violon en main, raconte son parcours depuis son enfance. Il évoque son passage au Conservatire de musique de Tunis dirigé par Ahmed Achour. Retour à la chanson avec « Ellil Ah Ya Lil » de Naâma. Puis se souvient d’Ahmed El Wafi, l’un des fondateurs de la Rachidia, et de ce prof tchèque qui lui a appris le 3e mouvement de la partition « Clair de lune » de Beethoven.
Le bon vieux temps
Dans la suite de ce pot-pourri du « bon vieux temps », plusieurs personnalités sont citées : Mohamed Driss et son « Mourad III », Habib Boularès, Frej Chouchène, Ridha Kalai, Zoubeir Turki et les chansons de l’Egyptienne, Leila Mourad, le chanteur et compositeur italien, Adriano Celentano, les célébrités qui sont passées par la Coupole d’El Menzah, à l’instar d’Oum Kalthoum, Sabah, Abdelhalim…, la troupe de musique de la Radio nationale sous la direction de Ben Algia, Sayed Chatta venu d’Egypte, le chanteur espagnol Julio Iglesias, Hédi Jouini (Hobi ydjaded), Hédi Guella (Babour Zamer), etc. Sans oublier les succès du Nouveau Théâtre « Arab » et « El Awada ». Puis la guerre du Golfe et ses désillusions. La destitution de Bourguiba et l’arrivée au pouvoir de Ben Ali. « Nouba », qualifiée par certains d’association de malfaiteurs. « El Hadhra », production du Festival de la Médina, le poète Béchir Kahouaji et son poème censuré. Fin de partie avec le fameux « Dégage » à Ben Ali. Dans cette nouvelle pièce de Fadhel Jaziri, la qualité de l’écriture dramaturgique le dispute au talent des interprètes dans cette pièce drôle et sensible. Les situations les plus incongrues sont acceptées et le public est emballé dans un voyage dans le temps qui lui rappelle l’histoire contemporaine de son pays ainsi que sa propre histoire. Le spectacle évoque une palette de sentiments dans lesquels on peut se reconnaître. Les dialogues sont justes et les tournures font mouche. Le décor minimaliste, les costumes d’une rare qualité et beauté, le texte et le jeu sont valorisés dans une mise en scène qui traverse plusieurs époques. La dramaturgie évolutive, piochée par des personnages qui se découvrent petit à petit au fil du texte. Le virtuose Mehdi Baker ajoute un grain de sel à ce « Au violon » réjouissant qui a eu les honneurs du public lui réservant un tonnerre d’applaudissements.
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