Journée internationale de la femme | Entrepreneuriat féminin: Multiplier et diversifier les mécanismes d’appui financier
La Tunisie ne peut aspirer à être développée sans s’approprier une croissance économique durable. Cette croissance est possible à travers l’engagement de toute la composante démographique (hommes et femmes) de la nation. La femme entrepreneure, au même titre que son homologue masculin, crée de l’emploi et contribue à la création de la richesse dans toutes les économies. De même, elle assure la cohésion sociale par la création de nouveaux emplois pour elle-même et pour les autres.
L’entrepreneuriat féminin en Tunisie représente une alternative économique qui nécessite un intérêt particulier pour exploiter toutes les ressources sous-utilisées dans le pays. La population féminine jeune et mieux formée peut contribuer à la diversification de l’économie, réduire le chômage et améliorer le niveau de vie des ménages.
Le développement de l’écosystème entrepreneurial vise l’instauration d’un climat d’affaires, favorisant l’accès aux ressources, à l’information et aux marchés. C’est dans ce contexte qu’œuvre le projet Mashrou3i, un partenariat public-privé, mis en œuvre par l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), financé par l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (Usaid), la Coopération italienne (Aics) et la fondation HP. Ce projet favorise la création d’emplois et le développement des entreprises à travers la formation entrepreneuriale, le renforcement des compétences, un accompagnement approfondi, ainsi qu’une assistance technique personnalisée.
Une croissance en deçà du potentiel
Depuis son démarrage jusqu’à septembre 2022, le projet Mashrou3i a contribué à la création de près de 6 025 emplois (dont 68% sont occupés par des femmes). Parmi l’ensemble des bénéficiaires, entrepreneures, nouvelles start-up et entreprises existantes accompagnées au fil des années.
Le Rapport sur l’entrepreneuriat féminin et l’autonomisation des femmes en Tunisie publié fin 2022, élaboré par l’Onudi, a montré que le nombre de femmes entrepreneures est en croissance relative.
Cependant, cette croissance demeure en deçà du potentiel de ces femmes et de la valeur ajoutée qu’elles peuvent créer. Cela est démontré par les chiffres récents du chômage en Tunisie : en 2022, le taux de chômage des femmes s’élève à 20,9%, alors que celui des hommes est de 14.1%. Quant aux diplômées femmes, elles sont 40,7% à se trouver au chômage, contre 17,6% des hommes en 2020.
Des freins et des blocages
Les femmes entrepreneures — ou aspirant à l’être — sont souvent confrontées à des difficultés, particulièrement dans la phase de pré-création. Elles sont nombreuses à en avoir conscience et cela crée un blocage et un frein au lancement.
Le rapport indique que ces difficultés sont dues à un contexte socio-culturel contraignant, qui prône encore des modèles professionnels classiques, comme le salariat. Dans plusieurs régions, l’entourage met une certaine pression pour que la femme trouve un poste dans une administration publique ou autre et aide aux besoins financiers du ménage. De plus, les responsabilités familiales ne font que rendre l’idée de se lancer seule dans un projet assez difficile.
Selon la même source, l’écosystème entrepreneurial est encore très masculin, où les femmes doivent faire leur preuve doublement, notamment lorsqu’elles veulent lancer des projets différents, novateurs, impliquant les nouvelles technologies ou encore coûteux.
Autres difficultés mentionnées dans ce rapport relatives aux démarches administratives qui ralentissent, voire freinent la mise en place d’un projet. «Il est question de «flou» — tel qu’exprimé par les bénéficiaires — quant au type ou nombre de papiers et d’étapes préalables demandés, et d’une lenteur handicapante au niveau du service».
Par ailleurs, la difficulté d’accéder aux financements est un défi majeur cité par toutes les bénéficiaires. Ces dernières ont toujours besoin d’une garantie pour accéder aux prêts bancaires, ce qui n’est pas toujours facile. Faute de cash, ces garanties prennent généralement la forme d’une hypothèque sur un bien immobilier. Ces femmes se tournent donc vers les microcrédits ou les programmes d’appui, ce qui rend la possibilité de lancer des projets d’envergure difficile.
Les compétences techniques font défaut à quasiment toutes les bénéficiaires, que ce soit au niveau de la création d’entreprises, de la mise en place d’un plan d’affaires, d’une stratégie marketing ou de la gestion des différents aspects juridiques. «Ces femmes ont clairement exprimé leur besoin d’être accompagnées et d’améliorer leurs compétences techniques.
La pandémie a également été un défi majeur, ces deux dernières années, où les femmes ont dû réinventer et adapter leur produit/service aux conditions sanitaires et économiques imposées.
Malgré un contexte parfois difficile, les femmes dans les régions s’orientent de plus en plus vers l’entrepreneuriat, comme solution au chômage. Elles sont ainsi nombreuses à l’envisager vers la fin du parcours universitaire. Elles tablent d’ailleurs sur les opportunités qui s’offrent à elles pour passer à l’action.
Accompagnement administratif et appui financier
Aujourd’hui, les femmes entrepreneures, ou aspirant à l’être, savent qu’elles peuvent compter sur des programmes d’appui et des projets qui vont les accompagner dans les étapes préalables à la création d’entreprises. Le projet Mashrou3i, à titre d’exemple, a permis l’accompagnement administratif, notamment en termes d’orientation, d’information et de facilitation, de la majorité des bénéficiaires.
Côté financement, et bien que Mashrou3i n’offre pas de financement direct, les bénéficiaires ont surtout appris à monter des dossiers solides afin de débloquer des crédits auprès des structures de financement existantes. L’assistance en termes d’accès aux financements fournis par le projet Mashrou3i a permis la subvention de nombreuses opérations comme l’analyse, la labellisation, ou encore le packaging d’un produit.
Sur le plan du financement et des structures d’appui, il en ressort la nécessité de les multiplier. Il est également recommandé de sortir des sentiers battus, d’identifier et de créer d’autres mécanismes de financement qui permettront aux femmes entrepreneures un meilleur appui, notamment pour leurs besoins spécifiques comme l’achat de la matière première ou encore l’achat des équipements et matériel de production.
Pour finir, le rapport indique qu’il est aujourd’hui important de réfléchir à des modèles de développement basés sur l’entrepreneuriat social, solidaire et économique, impliquant la notion “lucrative”. «Il faut aller dans le sens d’une chaîne de valeur innovante tout en capitalisant sur la richesse matérielle et immatérielle existante. Ce genre d’initiative nécessite un travail en réseau et une coordination entre les différentes institutions nationales et régionales dans le cadre d’une approche holistique».
Najoua HIZAOUI
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