Interview – Mohammed Khan (ex-attaquant guinéen du CAB de 1990 à 1992 ) : «Néji Jouini m’a expulsé injustement en 1992 face au CA !»
Avec le temps qui passe comme un éclair, on oublie vite les générations de joueurs qui ont marqué leurs périodes respectives. Toutefois, il y a des talents qui restent gravés à jamais dans la mémoire. Parmi un bon nombre de joueurs doués, il en est un qui a enchanté le public sportif tunisien d’une manière générale et plus particulièrement celui du CAB. Fin dribbleur, clairvoyant, buteur, élégant sur le terrain, il était la coqueluche du Stade 15-Octobre pendant deux saisons de suite 1990-91 et 1991 – 92 ! Il s’agit, tout le monde l’a compris, de l’international guinéen Mohammed Khan. Ecoutons-le parler de sa carrière sportive écourtée à cause d’une méchante blessure… Et c’est en homme affable qu’il a bien voulu nous rencontrer.
Quand êtes- vous venu en Tunisie ?
Je jouais avec l’Etoile Filante de Ougadougou ( Burkina Faso) quand nous avons affronté l’EST en Ligue des Champions d’Afrique à Tunis lors de la saison 1988-89. Un compatriote à moi, qui entraînait Grombalia Sports en 1989, m’a proposé alors de venir dans son équipe. C’est ce que j’ai fait ! Seulement, les conditions n’encourageaient pas à continuer à jouer à GS. Je suis donc rentré chez moi pour y rester. A ce moment-là, le président de GS, M. Khmaïes Toumi, à fait le voyage à Conakry pour me convaincre de retourner en Tunisie et pour signer avec Grombalia.
Comment êtes-vous alors passé au CAB ?
Comme le CAB jouait également en D2, et après l’échec de mon retour à Grombalia, je suis entré en contact avec Youssef Zouaoui. J’ai pu ainsi signer une licence au profit du CAB. Et l’aventure a commencé ainsi avec l’équipe cabiste et le public bizertin en 1990.
Quelle était l’ambiance dans votre nouveau club ?
Très bonne ! Les Cabistes venaient de remonter en D1. J’ai rapidement pu m’intégrer dans le groupe notamment grâce à Mourad Gharbi que je considère comme un frère. Il y avait d’excellents joueurs tels que Almia, Hosni Zouaoui, Souissi, Romdhana, Lotfi May, Chokri Béjaoui, Abdallah Béjaoui, Adel Smirani, Mourad Gharbi, Béchir Sahbani, Mokhtar Trabelsi, Hmaïed Belkahia, etc… Bref une équipe du tonnerre ! L’effectif était réduit mais le travail était rigoureux.
Quelles ont été les performances avec des talents pareils ?
Nous avons fini la saison 1990-91, 3es. Et puis l’année suivante, nous avons perdu bêtement le titre de champions de Tunisie, un titre qui était largement à notre portée. Nous gagnions nos matches la plupart du temps, facilement. Nous ne faisions pas de détails particulièrement au Stade 15 – Octobre.
Justement quelles sont ces raisons qui ont fait rater un sacre dans vos cordes ?
Nous ne devions nous en prendre qu’à nous- mêmes pour avoir gâché au moins trois buts faciles lors du match décisif contre le CA au Stade d’El Menzah. Nous avons commis de grosses erreurs individuelles. C’était à une journée de la fin du championnat. Pour moi, ce match reste un très mauvais souvenir non pas parce que nous avons perdu 1 à 0 dans les arrêts de jeu, mais parce que mon expulsion du terrain était injuste. Elle était tout simplement « organisée ». L’arbitre Neji Jouini a sorti directement le carton rouge sans aller consulter son juge de ligne. Je m’en rappelle encore comme si c’était hier. Sayed Bergaoui couvrait le ballon, j’ai essayé de le lui subtiliser sans jeu dur, il simule une faute et tombe. A ce moment-là, le banc de touche clubiste, déjà debout, sort de la guérite et influence l’arbitre qui n’attendait qu’une pareille occasion pour satisfaire l’adversaire qui jouait à 9 après l’expulsion de deux joueurs. Pour information, jamais auparavant je n’ai eu de carton rouge !
Quelques jours plus tard, vous sortez blessé lors du match de Coupe de la CAF contre l’équipe sénégalaise de Ndiambour à Bizerte. Depuis, c’est la descente aux enfers !
Oui, tout à fait ! J’ai contracté une grave blessure qu’on n’a jamais pu soigner, une rupture des ligaments croisés postérieure. Nous avons contacté le Docteur Pierre Chambat à Lyon pour une éventuelle intervention mais il s’est avéré qu’il ne pouvait pas opérer, car il n’y avait pas encore de technique en 1992 pour refaire le ligament. Je suis quand même parti jouer au Qatar avec le club Al Sod qui participait à la Coupe arabe. Au bout d’un quart d’heure, je suis sorti car je ressentais des douleurs insupportables. Puis nous avons consulté, en Belgique, Docteur Martins qui a soigné le Neerlendais Ruud Gulit et enfin le Docteur Lambert qui a opéré l’Italien Roberto Baggio à Saint Etienne, mais la réponse était toujours la même, à savoir l’impossibilité d’opérer. La rupture des ligaments croisés postérieure est plus compliquée qu’une rupture des ligaments croisés intérieure ou latérale.
Alors, si on a bien compris, votre carrière sportive s’est arrêtée là, en 1992 !
Oui, en effet ! Mais fort heureusement pour moi et c’est un moindre mal car Docteur Mohammed Chérif et Docteur Azzouz Gharbi, deux fervents supporters du CAB à Bizerte, étaient là pour sauver ce qui peut l’être c’est-à-dire qu’ils m’ont posé une prothèse pour un meilleur soulagement.
Votre présence à Bizerte n’est pas passée inaperçue. Comment expliquez- vous cette estime des Bizertins à votre égard ?
Malgré les difficultés dans lesquelles je me trouve, je suis resté digne. Je n’ai jamais tendu la main à quiconque ni quand je jouais au CAB ni aujourd’hui. Le public bizertin m’apprécie en tant qu’être humain pour les valeurs que je porte en moi, outre le spectacle que je donnais sur un terrain de football. Les Bizertins sont des gens hospitaliers et serviables. Je me sens chez moi ici, je suis entouré d’amis que je considère comme des frères.
Que faites- vous actuellement ?
Je suis resté dans le domaine du football. Je suis responsable à l’académie de foot du CAB et je travaille également dans l’académie d’un ex-joueur cabiste, Bilel Gountassi. Je suis heureux de me retrouver à Bizerte et de plus au CAB, un club où j’ai pu m’épanouir pendant mon passage en tant que joueur.
Justement que pensez-vous du CAB actuel ?
C’est difficile de parler d’une équipe dont on a porté ses couleurs et qu’on voit malheureusement dans un état pareil. Le CAB qui a enfanté des talents comme Gasmi, Mahouachi, Mokrani, Gharbi, Zouaoui, Almia, Souissi, Chalouf, Mfarej — et la liste est longue — mérite beaucoup mieux !
Que manque-t-il au CAB pour redevenir cette équipe qui a donné des sensations fortes à ses supporters ?
Il faut obligatoirement des joueurs de qualité comme ceux cités plus haut pour constituer une équipe qui force le respect. Il faudrait ensuite beaucoup d’engagement de la part des joueurs.
C’est ainsi qu’on tisse la cohésion d’un groupe. L’assimilation des automatismes viendra d’elle-même grâce à la solidarité des joueurs entre eux ! Une fois qu’on gagne la confiance, rien ne peut plus vous arrêter
Toutefois ce non- amateurisme instauré dans le football tunisien a changé les critères et c’est peu dire. Avant de recruter un quelconque joueur, il faut à mon avis voir à l’œuvre dans un terrain de football. Au CAB, avec les changements effectués récemment au niveau du staff technique et l’enrôlement de nouvelles recrues, on espère une amélioration quant au rendement global des «Jaune et Noir».
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