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Interview – Ghazi Belkahia, Entraîneur national de l’équipe de Tunisie de tennis de table : « Wassim Essid peut atteindre le Top 30 mondial »

De nos jours, réaliser des performances dans le sport de haut niveau exige des investissements colossaux. L’entraîneur national, Ghazi Belkahia, explique que le talent ne suffit pas. Un jeune talent en herbe comme Wassim Essid peut atteindre le Top 30 mondial à condition d’y mettre le paquet.

Quel est votre bilan de technicien de la participation tunisienne au dernier Championnat du monde des jeunes ?

D’ores et déjà, se qualifier au Mondial des jeunes est un exploit en soi, pour la simple et bonne raison que la concurrence est rude avec les deux nations qui nous devancent à l’échelle africaine, à savoir le Nigeria et l’Egypte. Nous sommes d’ailleurs classés troisièmes à l’échelle africaine après ces deux nations et c’est déjà une bonne performance,  étant donné que nous ne disposons pas des mêmes moyens. Le Nigeria et l’Egypte mettent le paquet et investissent pleinement en tennis de table.

Comme bilan, c’est positif. Je trouve que la participation tunisienne au dernier Championnat du monde a été fructueuse. Certes, nous n’avons pas remporté de médailles, mais nous avons fait de grands matchs. Et à vrai dire, nous avons frôlé de peu le podium en double mixte, une épreuve à laquelle nous avons été représentés par Wassim Essid. Il a perdu (avec son équipière égyptienne Hana Goda) aux quarts face à un duo japonais (1-3). S’ils s’étaient qualifiés en demi-finales, ils auraient remporté une médaille. Ils ont perdu, mais ils ont fait de grands matchs aussi bien en quarts face à la paire japonaise qu’auparavant en 1/16e de finale en s’imposant contre un duo composé d’un garçon canadien et d’une fille portoricaine. Aux huitièmes de finale, Wassim Essid et Hana Goda se sont imposés face à un duo français. Au vu du niveau très relevé du dernier Championnat du monde des jeunes, le parcours de Wassim Essid et Hana Goda a été probant et le fait qu’ils ont atteint les quarts de finale c’est une performance certaine.

Wassim Essid est l’espoir du tennis de table tunisien. Ce n’est pas une surprise qu’il réalise de bonnes performances. Qu’en est-il des deux autres pongistes, Youssef Aidli et Mohamed Amine Khaloufi ?

Dans les épreuves par équipe, nous avons perdu face à la Pologne (0-3) aux huitièmes de finale. Mais il faut savoir que nous avons perdu contre un gros morceau. La Pologne a atteint la finale lors de ce Mondial de Suède aussi bien chez les U19 que les U15. Dans les épreuves par équipe, Youssef Aidli et Mohamed Amine Khaloufi ont contribué aux performances. Ce sont des jeunes qui ont un talent certain. Ils sont en train de progresser à leur rythme et réalisent les performances escomptées.

Vous estimez donc que nos trois représentants ont fait de bons résultats au Mondial de Suède…

Franchement, aucun des trois n’a déçu. Les performances qu’ils ont réalisées au Mondial de Suède s’inscrivent dans la lignée de ce qu’ils ont entrepris depuis le début de l’année. Au dernier Championnat d’Afrique des jeunes qui a eu lieu au Botswana, l’équipe nationale a glané trois médailles d’or chez les U19 et deux autres breloques en or également chez les U15. 

Quels moyens manquent encore au tennis de table tunisien pour exceller davantage sur la scène arabe, continentale et internationale ?

Le budget alloué à la Fédération tunisienne de tennis de table est insignifiant par rapport à celui de leurs homologues africains et européennes.

Il faut savoir qu’en Egypte, les pongistes sont des sportifs professionnels au même titre que les footballeurs. Évidemment qu’ils ne sont pas logés à la même enseigne en termes de salaires, mais les pongistes égyptiens sont recrutés par des clubs professionnels. Et pour la petite histoire, si le tennis de table a connu une percée en Egypte, c’est parce que trois anciens présidents en étaient des passionnés, à savoir Jamel Abdel Nasser, Anouar el-Sadate et Hosni Moubarak.

Un autre élément de l’histoire à prendre en compte. L’Egypte a organisé pour la première fois un championnat du monde de la discipline en 1939. Quant à notre fédération, elle a été créée en 1968. Déjà, ils sont en avance sur nous pour une trentaine d’années au moins.

Pour revenir aux moyens financiers dont nous disposons, la tutelle alloue un petit budget à la Fédération tunisienne de tennis de table comparé à l’Egypte, le Nigeria ou l’Europe. Du coup, nous ne pouvons pas participer à tous les tournois, faute de finances, ce qui nous impose toujours à faire des choix: quels tournois choisir pour y participer et, là encore, il faut sélectionner les stages qui sont dans nos cordes financières. Et ce n’est pas fini. Si on veut participer à un tournoi, c’est avec les jeunes ou les seniors ?

Et le fait de ne pas pouvoir participer à tous les tournois, cela influence forcément notre classement mondial, d’autant plus que nous ne pouvons pas faire participer tous nos pongistes et, du coup, nous abordons les compétitions internationales avec des effectifs réduits, comme c’était encore le cas au dernier Championnat du monde des jeunes au Suède auquel nous avons participé avec seulement trois pongistes.

Peut-on espérer un jour avoir une place de choix dans l’échiquier mondial ?     

Evidemment que oui, à condition de joindre l’acte à la parole. En termes de moyens humains, nous avons un bon vivier. Ce ne sont pas les talents en herbe qui manquent. Faut-il encore les encadrer dès le jeune âge et leur permettre de gagner en expérience avec un rythme soutenu en accordant à la fédération le budget qu’il faut pour garantir aux pongistes les conditions optimales de réussite avec le nombre de stages et de participations qu’il faut aux échéances continentales et mondiales. Toute la question est là.

Pour vous donner un chiffre réaliste et réalisable : Wassim Essid peut atteindre le Top 30 mondial si on met le paquet en formulant un contrat-objectifs qui soit ambitieux. Aujourd’hui, le sport de haut niveau est une question de moyens colossaux pour pouvoir tracer des objectifs sur le moyen et court terme. Avoir du talent ne suffit pas pour percer et avoir une place de choix dans l’échiquier mondial. Il est impératif de se doter des moyens de ses ambitions tout en étant professionnel.

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