Culture

« Impressions d’Espaces »: À la croisée des seuils et des mémoires urbaines

Un projet hybride art-science autour des portes des médinas de Tunis, Sfax et Sousse pour lequel les deux créateurs, Moalla et Descamps, croisent leurs compétences dans un dialogue entre l’art, l’urbanisme, la géographie et la sociologie, pour révéler les significations profondes des portes comme symboles géographiques et culturels

La Presse— Le projet «Impressions d’Espaces», lancé en 2023 par l’artiste Ouissem Moalla et l’urbaniste Jérémie Descamps, explore les représentations mentales de l’espace urbain, à travers les portes des médinas de Tunis, Sfax et Sousse. Cette initiative hybride, entre art et sciences humaines, se concentre sur la mémoire collective des lieux, le seuil, le passage, et l’interprétation de l’espace urbain par la flânerie. Le résultat, présenté au public le 21 décembre 2024, combine inventaires, captations sonores et impressions visuelles, avec pour ambition de développer un «Livre des Portes».

Dans une interview accordée à la TAP, les deux créateurs, Moalla et Descamps, révèlent leur démarche qui consiste en le croisement de leurs compétences dans un dialogue entre l’art, l’urbanisme, la géographie et la sociologie, pour révéler les significations profondes des portes comme symboles géographiques et culturels. Ces seuils, porteurs de mémoire historique et de transformations urbanistiques, sont des repères dans le tissu urbain, qui témoignent des changements des villes à travers les siècles.

Le choix des médinas tunisiennes s’explique par la conservation de portes urbaines anciennes, représentant des seuils entre l’histoire et la modernité. Moalla et Descamps soulignent la centralité de la Tunisie à travers ces portes, témoignant des différentes périodes de la ville, de l’antiquité à l’ère coloniale, et aux enjeux contemporains. Chaque porte dévoile une strate d’histoire, marquée par les différentes civilisations et transformations qu’ont subies ces villes. Ce travail visuel et sonore propose une nouvelle lecture de l’espace urbain, en réinterrogeant la place de la mémoire et du mythe dans les lieux.

La démarche de Moalla, qui s’intéresse à la mémoire et aux mythes à travers l’art, et celle de Descamps, qui analyse l’espace à travers la géographie et l’urbanisme, se rencontrent dans un projet collaboratif qui fait émerger des œuvres hybrides. Leur méthode inclut la collecte de données sensibles provenant des habitants des médinas, capturant des récits de vie, d’interactions et de passage. Ces histoires, racontées par les habitants, enrichissent leur compréhension des lieux, comme celles des porteurs de marchandises à Sfax ou des flâneurs à Tunis. Ces récits visent à révéler les significations culturelles et sociales des portes à travers le prisme des individus qui les habitent.

En plus de cette dimension humaine, l’œuvre interroge les mutations urbanistiques actuelles. Tandis que les médinas de Tunis, Sfax et Sousse subissent des transformations, la perception de leurs portes évolue. Tunis a su intégrer sa médina dans un tissu urbain moderne, alors que Sfax lutte contre la dégradation de son patrimoine, et Sousse, victime du tourisme, perd de son authenticité. Les portes, symboles de jonction et d’exclusion, soulignent les tensions entre le centre et la périphérie des villes, tout en interrogeant des thèmes cruciaux comme la mobilité et l’inclusion urbaine.

Le projet s’inspire également d’autres villes, notamment Mulhouse, où les portes témoignent d’une histoire industrielle et d’un imaginaire propre aux habitants, similaire à celui des médinas tunisiennes. Mais contrairement aux médinas, qui conservent des traces visibles des différentes colonisations, Mulhouse reflète un processus de modernisation en réponse à l’industrialisation. Cette comparaison enrichit la réflexion des artistes sur le rôle de la porte comme seuil entre le passé et le présent.

L’approche artistique se nourrit des mythes et mémoires collectives des lieux. En recourant aux récits fantastiques et aux représentations imaginaires des habitants, Moalla et Descamps cherchent à restituer cette mémoire sensible à travers des œuvres visuelles et sonores. Leurs créations sont une invitation à redécouvrir les villes sous un nouveau regard, celui de la mémoire et de l’imaginaire.

Le projet «Impressions d’Espaces» se concrétise sous forme d’une exposition à la Villa Salammbô fin 2024, qui présente des documents de recherche, des installations artistiques et des récits sonores. L’exposition devrait ensuite être visible à Tunis et à l’étranger, avec une restitution prévue en 2025. Ce travail s’inscrit dans un projet plus large, celui du «Livre des Portes», un recueil de recherches et de productions artistiques sur les portes urbaines à travers le monde. Ce livre se propose d’explorer la perception de l’espace urbain à travers les portes, en s’intéressant aux récits fondateurs des villes et leur évolution au fil du temps. Ce projet, sous forme de site Internet et d’édition physique, ambitionne de comparer les différentes approches de la porte dans les cultures et les villes du monde.

D’après TAP

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