Culture

Hommage à George Sebastian Ghika : 50 ans après, Hammamet célèbre le visionnaire de la Villa Sebastian

 

Le Centre culturel International de Hammamet (Ccih) a été le théâtre d’un hommage émouvant à George Sebastian Ghika, architecte roumain et figure emblématique de l’entre-deux-guerres. Organisé conjointement par l’ambassade de Roumanie à Tunis et le ministère tunisien des Affaires culturelles, cet événement a commémoré, le samedi 21 septembre 2024, les 50 ans de la disparition de cet esthète visionnaire qui avait laissé une empreinte indélébile en Tunisie à travers l’édification de la célèbre Villa Sebastian.

Cet événement a réuni la gouverneure de Nabeul, les délégués principaux des gouvernorats de Nabeul et de Hammamet, un représentant de la municipalité de Hammamet, ainsi que de nombreuses personnalités du monde de la culture, du corps diplomatique, des députés, des journalistes, de la communauté roumaine et bien d’autres invités.
Notre architecte, membre de la famille princière roumaine Ghika, était une figure centrale de l’histoire culturelle en Tunisie. Né dans une famille noble, il n’avait jamais coupé les liens avec ses racines roumaines malgré son exil. C’est dans les années 1920 que ce talentueux architecte s’installa à Hammamet, où il créa la villa Sebastian, une œuvre d’art architectural incarnant une fusion subtile entre l’artisanat vernaculaire tunisien et la modernité européenne. Cette villa devint non seulement son havre de paix, mais aussi un lieu de rencontre pour les intellectuels et artistes de l’époque, renforçant ainsi son rôle dans la vie culturelle tunisienne.

Vibrant hommage en son honneur

L’événement a débuté par les mots de bienvenue de Nejib Kasrawi, Directeur général du Ccih et de Valentin-Ciprian Muntean, ambassadeur roumain à Tunis. Ces discours ont mis en lumière l’importance de l’héritage laissé par Ghika, aussi bien pour la communauté roumaine que tunisienne.
Kasrawi a souligné l’engagement culturel de Ghika. Il a également évoqué la commémoration du 60e anniversaire du Théâtre de plein air de Hammamet, rendant hommage à l’impact durable de Ghika sur la mémoire culturelle.
La gouverneure a ajouté que Ghika était « profondément engagé envers la culture et la société », mettant en lumière son rôle crucial dans la vie culturelle en Tunisie. « C’est pourquoi, chaque année, nous rendons hommage à son héritage culturel et architectural», a-t-elle affirmé, soulignant l’importance de préserver et de valoriser ce legs.
L’ambassadeur roumain a poursuivi en déclarant : « Cette année marque 50 ans depuis le décès de George Sebastian Ghika, un aristocrate roumain, architecte et édificateur de cette somptueuse villa, une pièce architecturale unique au monde et qui a été témoin du passage de plusieurs figures artistiques internationalement connues… Ensemble, nous devons commémorer le passage, sur ces terres, de ce Roumain dont la mémoire semble presque oubliée au fil des années. » Il a insisté sur l’influence de Ghika sur l’architecture méditerranéenne et son rôle essentiel dans la vie culturelle tunisienne, affirmant sa fierté d’être un ambassadeur de cet héritage.
Saloua Hafaiedh, Directrice générale du palais d’Ennajma Ezzahra, a également souligné l’importance de Ghika, mentionnant qu’il avait « posé les bases d’une dynamique interculturelle influençant les arts classiques, le cinéma et la musique. ». Elle a rappelé que la villa de Sébastien est devenue un centre culturel international depuis 1961, témoignant de la richesse des relations culturelles entre la Tunisie et la Roumanie. Ainsi, ces discours résonnent comme un hommage vibrant à un homme dont l’héritage continue d’inspirer et de tisser des liens entre deux cultures.

Réflexion sur son héritage

À la suite de cette ouverture officielle, un colloque a été modéré par Lia Faur, chercheuse et écrivaine reconnue. Ce débat, riche en échanges, a plongé les participants au cœur de la personnalité complexe de Ghika, explorant son impact significatif sur la culture tunisienne.
L’intervention de Cyrille Boulay, historien et spécialiste de l’histoire de Hammamet, a apporté un éclairage précieux sur la façon dont Ghika, homme de culture visionnaire, a su marier tradition et modernité. Boulay a illustré comment cet intellectuel engagé, en s’inspirant des coutumes et des savoir-faire locaux, a contribué à l’évolution architecturale et culturelle de la Tunisie. Son approche novatrice a permis de revitaliser des éléments du patrimoine tout en intégrant des concepts contemporains, transformant ainsi le paysage culturel du pays.
L’impact de Ghika ne se limite pas à l’architecture ; il s’étend également à la littérature et aux arts visuels, où son engagement envers les artistes locaux a favorisé une dynamique de création enrichissante. Malgré son ouverture à l’international et son intégration des influences extérieures, il est resté profondément attaché à son identité roumaine, intégrant ses racines dans chaque projet qu’il entreprenait. Ce double héritage a non seulement enrichi son œuvre, mais a également ouvert la voie à un dialogue interculturel essentiel. Ce colloque a ainsi permis aux participants de réfléchir sur la manière dont les figures comme Ghika peuvent inspirer des générations futures, soulignant l’importance d’une approche artistique qui célèbre à la fois l’individualité et la collectivité. L’héritage de Ghika continue d’influencer les artistes et les penseurs contemporains, témoignant de la vitalité d’un dialogue culturel entre l’Orient et l’Occident.

Prestation musicale émotionnelle

L’hommage s’est magnifiquement poursuivi par une prestation musicale exceptionnelle, mettant en lumière la soprano Nelly Miricioiu, accompagnée au piano par le talentueux Mehdi Trabelsi. Miricioiu, reconnue comme l’une des artistes les plus polyvalentes de notre époque, a su transporter le public à travers un répertoire riche et varié, allant des chefs-d’œuvre de Mozart au bel canto, en passant par les œuvres poignantes de Puccini et les compositions moins connues mais tout aussi émouvantes de compositeurs roumains. Sa voix, à la fois puissante et délicate, résonnait avec une intensité émotionnelle qui a profondément touché les cœurs, rendant ainsi un hommage vibrant à la mémoire de Ghika.
La carrière brillante de Nelly Miricioiu est jalonnée de collaborations prestigieuses avec les plus grands ténors et chefs d’orchestre mondiaux, ce qui en fait l’interprète idéale pour cet événement mémorable. Chaque note qu’elle interprétait semblait porter l’essence même de l’hommage, liant passé et présent à travers la beauté intemporelle de la musique.
À ses côtés, Mehdi Trabelsi, pianiste de renommée internationale, né à Tunis, a ajouté une dimension particulière à cette performance. Sa passion pour la musique, cultivée depuis son plus jeune âge, l’a conduit à se consacrer à l’enseignement et à la recherche tout en donnant des concerts à travers l’Europe. Son jeu, à la fois sensible et virtuose, a parfaitement complété la voix de Miricioiu, créant une alchimie musicale qui a captivé l’audience.
La collaboration entre Miricioiu et Trabelsi, lors de cet hommage, a marqué un moment fort de la soirée, symbolisant non seulement la connexion culturelle entre la Tunisie et la Roumanie, mais aussi la puissance universelle de la musique pour transcender les frontières. Ensemble, ils ont illustré comment l’art peut unir des peuples et célébrer des héritages communs, tout en rendant hommage à un artiste dont l’influence perdure.

Héritage partagé entre la Roumanie et la Tunisie

Ghika représentait un véritable pont entre la Roumanie et la Tunisie, illustrant avec brio l’importance de la diversité culturelle et de la transmission des savoirs entre les civilisations. Sa vie et son œuvre témoignent de cet engagement profond et la Villa Sebastian en est un parfait exemple. Cette magnifique réalisation allie des éléments traditionnels de l’architecture tunisienne à l’élégance raffinée de l’esthétique européenne. Dans cette villa, chaque détail raconte une histoire, celle d’un architecte qui a su capturer l’âme de Hammamet tout en préservant son héritage familial et ses racines roumaines. L’événement organisé en son honneur n’a pas seulement cherché à commémorer cet homme visionnaire, mais a également souligné l’importance de préserver et de transmettre la mémoire de ceux qui ont contribué à façonner l’identité culturelle de la Tunisie. À travers des discours émouvants et des échanges enrichissants, la soirée a mis en lumière la richesse des liens historiques et culturels entre la Roumanie et la Tunisie. Ces connexions, qui perdurent au-delà des frontières géographiques et temporelles, sont essentielles pour célébrer la diversité humaine. L’hommage rendu au Ccih a ainsi pris la forme d’un symbole fort de cette reconnaissance, célébrant l’importance de l’héritage de Ghika. La soirée a été riche en émotions et en découvertes, honorant un homme dont le talent et l’engagement ont durablement marqué le patrimoine culturel tunisien. Ce moment de partage et de réflexion a rappelé que l’art, dans toutes ses formes, est un vecteur puissant de dialogue et de compréhension entre les cultures.

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