Hazar Abbassi, lauréate du «Prix du talent prometteur» au FIFAK, à La Presse : «L’art en tant que refuge, moyen d’expression et thérapie»
La ville de Kélibia vient d’accueillir la 37e édition du Festival international du film amateur (Fifak). Le public a pu découvrir et apprécier une sélection riche célébrant l’image et la création artistique avec, à la clôture, une cérémonie de remise de prix aux lauréats.
Le «Prix du talent prometteur», attribué par l’Union générale des artistes tunisiens (Ugat), a été décerné à «Brin de folia», de Hazar Abbassi. Un film documentaire à petite échelle, intimiste, qui a trouvé un écho auprès du jury et des cinéphiles par son histoire captivante, ses personnages poignants, et surtout son message fort engagé et instructif. Rencontre avec la jeune réalisatrice en herbe.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de votre parcours ?
J’ai décroché d’abord un master en littérature française et histoire de l’art et c’est ainsi que j’ai découvert l’analyse filmique et l’histoire du cinéma. Je vais soutenir ma thèse de doctorat prochainement. J’ai entamé en parallèle des études de cinéma pour passer du théorique que j’ai étudié à la pratique. «Brin de Folia» est mon premier film documentaire». Il a été déjà élu meilleur film documentaire par Doc House puis lors de la 2e édition des Journées cinématographiques de Kantaoui (JCK).
C’est aussi le seul film tunisien retenu dans l’édition de My first doc de 2023. Il est actuellement en compétition au «Filmmakers sessions First-Time Event» en Angleterre et au «Woman, life, freedom Film Festival» en Iran.
J’ai également un autre court métrage, «Les Buveurs de larmes». C’est mon projet de fin d’études qui n’a pas encore été projeté.
Quel est le thème de «Brin de folia» ?
Le thème est dans le titre : folia vient de folie, mais c’est aussi une danse espagnole.
Il évoque l’art en tant que refuge, moyen d’expression et thérapie, à travers l’histoire de trois jeunes femmes qui souffrent de problèmes de santé mentale : trouble obsessionnel et compulsif, dépression et troubles de l’humeur. Ce sont des filles qui ont un aspect ordinaire : une écrivaine, une danseuse et une peintre, mais.
J’ai voulu mettre en lumière cet aspect inconnu du grand public et rendre intéressantes et profondes les vies des personnes qui mènent un combat contre les maladies psychiatriques.
Il y a tout un écart entre l’être et le paraître. La durée du film est de 19 mn seulement, mais il a suscité des réactions vives parce que les images sont réelles et tirées de faits pertinents.
Comment avez-vous procédé pour créer ce film ?
Nous sommes une équipe restreinte. C’est un film indépendant tourné avec trois collègues étudiants : Ahmed Amine Kraimi en directeur de photographie, Sahby El Ouafi au son et Ismail Souissi au montage. Nous avons misé sur nos propres moyens pour les dépenses. Quant au matériel, nous l’avons emprunté. En tout, une caméra Canon 5D, le matériel du son et des sources de lumière. Le film se base sur une narration en voix off comme fil conducteur entre les séquences. Il est tourné à la plage de La Goulette, au cimetière, dans notre école et dans la maison d’un ami.
Où est-ce que les cinéphiles pourraient regarder le film ?
Nous avons malheureusement une grande difficulté de diffusion et d’accessibilité pour les films documentaires. Le public ne peut pas les voir en dehors des événements dédiés. On ne veut pas réaliser un film documentaire et s’arrêter à la création du contenu audiovisuel proprement dit.
On veut certainement le partager. Après tout, les films sont faits pour être vus ! Nous participons aux festivals pour voir le documentaire projeté. Les événements cinématographiques nous offrent la chance de gagner en visibilité en tant que réalisateurs. Mais ce qu’il nous faut en réalité, ce sont des plateformes de distribution pour une sortie plus large. Vous devez connaître les défis et les contraintes économiques. On n’a pas de plateformes en Tunisie pour rentabiliser à prix réduit et encourager les jeunes créateurs. Il faut promouvoir les projets des réalisateurs talentueux en début de carrière et permettre l’accès de tous aux films documentaires. Ces deux volets sont essentiels.
Quelles sont les clés de succès d’un film documentaire ?
C’est distraire et captiver un public tout en l’éduquant. Par ailleurs, les documentaires peuvent changer les opinions de façon très concrète. Ce qu’on m’a dit à propos de «Brin de folia», c’est que j’ai su raconter une vérité en la rendant divertissante pour le spectateur. J’ai réussi à retenir l’attention pendant toute la durée du film. Ce qui est déterminant, c’est la capacité à écrire et à maîtriser l’outil audiovisuel pour raconter des histoires basées sur le réel et partager son regard à un large public. La littérature est un atout pour m’inspirer des livres étudiés et écrire les scénarios. Mes études littéraires m’ont aidée dans ce sens pour transformer mes idées et les traiter avec ma vision d’autrice, tout d’abord, puis de réalisatrice. Ensuite, il faut savoir que la mise en scène du documentaire ne déroge pas aux techniques cinématographiques classiques. Dans les documentaires qui sont dans le style d’un reportage avec une voix off, le spectateur a du mal à suivre. On parle aujourd’hui d’effets de mise en scène dans le documentaire, d’un genre hybride qui mêle le réel à la fiction, tout en restant fidèle au sujet, pour captiver durablement l’auditoire.
Comment évaluez-vous la réception des films documentaires en Tunisie ?
La création documentaire connaît une effervescence extraordinaire en Tunisie et attire un public toujours plus nombreux, comme on peut le remarquer au Fifak et autres événements. Il s’agit surtout de documentaires engagés créés par des jeunes qui ambitionnent de changer. Ils sont très intéressants dans ce sens car un film peut toucher, inviter à réfléchir. Certains d’entre eux fournissent des informations éducatives.
Après le succès de «Brin de folia», quelles sont vos ambitions futures ?
Je suis actuellement assistante de réalisation avec Jamil Najjar. J’écris aussi une fiction par laquelle je souhaite accéder à un autre genre. C’est un véritable scénario de film. Même si on peut se contenter de peu de moyens pour venir à bout d’un documentaire, le cinéma nécessite des subventions. J’espère pouvoir travailler sur un grand projet où j’aurai plus de confort financier.
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