Economie tunisie

Hatem Meziou, Président de la chambre syndicale de la parfumerie et de la cosmétique à La Presse : «Les entreprises font face à une forte concurrence»

 

En Tunisie, le secteur est accablé par une lourde fiscalité et par des barrières non tarifaires très contraignantes. Un produit fabriqué en Europe subit moins de taxes que son équivalent fabriqué en Tunisie. Ceci fait le bonheur du marché parallèle. Ainsi, le commerce informel fleurit de plus en plus pour dépasser, d’après notre dernière estimation, les 50% du marché. Le commerce régulier devient de plus en plus difficile et n’attire plus les opérateurs.   

La cosmétique est une filière très dynamique, cosmopolite et à fort potentiel de croissance. Comment voyez-vous l’évolution de l’industrie cosmétique en Tunisie ? 

En effet et comme vous l’avez présenté, l’industrie de la cosmétique est une filière très dynamique et à fort potentiel de croissance, elle est en plus génératrice d’emplois, 10.000 emplois directs en Tunisie dans ses différentes filières, dont une bonne partie d’emplois qualifiés dans les domaines techniques ou de marketing.    

Elle représente un marché à la consommation de 2.5 milliards de dinars, concentré principalement sur le grand Tunis et les grandes villes côtières.

C’est l’un des rares secteurs à ne pas avoir été délocalisé de l’Europe vers les pays émergents, preuve de son importance stratégique et de sa forte valeur ajoutée, surtout dans les métiers du marketing. 

La dynamique du marché du cosmétique est liée non seulement à la consommation, mais aussi à l’offre, qui s’affirme de plus en plus. Pouvez-vous nous en donner d’amples éclaircissements ?

Absolument. Le marché des cosmétiques est, en effet, influencé par la demande des consommateurs, mais également par l’offre de produits proposés par les entreprises. Au fil des années, l’offre de produits cosmétiques s’est considérablement élargie, avec l’arrivée de nouvelles marques et de nouveaux produits sur le marché. Les entreprises proposent désormais une grande variété de produits. L’innovation est l’une des clés de la réussite et l’offre au consommateur est en perpétuelle évolution. On remarque que le client est avide de nouveautés. Un produit sur deux vendu en Tunisie est une nouveauté de moins de trois ans. L’innovation concerne aussi bien le contenu qui profite des nouveaux actifs à notre disposition que le contenant, c’est-à-dire le packaging qui doit être attractif et suivre les dernières tendances.

Quels sont les enjeux et les contraintes que rencontrent le plus souvent les entreprises pharmaceutiques et cosmétiques en ce moment ?

Les entreprises pharmaceutiques et cosmétiques font face à plusieurs contraintes et enjeux en ce moment. Tout d’abord, la réglementation est de plus en plus stricte, ce qui peut limiter la capacité des entreprises à innover et à lancer de nouveaux produits sur le marché. Les réglementations en matière de sécurité des produits, d’étiquetage et de publicité sont particulièrement importantes pour les entreprises de ce secteur. Ensuite, les entreprises doivent faire face à une forte concurrence, tant sur le marché national qu’international. Les consommateurs ont accès à une grande variété de produits, ce qui rend difficile pour les entreprises de se démarquer et de fidéliser leur clientèle.                  

Les entreprises doivent également s’adapter aux évolutions technologiques et aux nouvelles tendances du marché, notamment en matière de développement durable et de responsabilité sociétale des entreprises. Les consommateurs sont de plus en plus soucieux de l’impact environnemental et social des produits qu’ils achètent, ce qui oblige les entreprises à prendre en compte ces préoccupations dans leur stratégie commerciale. En Tunisie et malgré le potentiel de progression et d’une meilleure contribution à la croissance économique et à l’export, notre secteur est marginalisé par les autorités, considéré comme un secteur de luxe par les uns, non essentiel pour le consommateur tunisien par les autres. Je réponds à ces détracteurs que le secteur du luxe et de la cosmétique est la première industrie en France devant l’automobile et l’aéronautique et contribue substantiellement au PIB. En Tunisie, le secteur est accablé par une lourde fiscalité et par des barrières non tarifaires très contraignantes. Un produit fabriqué en Europe subit moins de taxes que son équivalent fabriqué en Tunisie. Ceci fait le bonheur du marché parallèle. Ainsi, le commerce informel fleurit de plus en plus pour dépasser, d’après notre dernière estimation, les 50% du marché. Le commerce régulier devient de plus en plus difficile et n’attire plus les opérateurs. Le commerce parallèle échappe à toute la chaîne de contrôle pour s’installer confortablement sur les réseaux sociaux et sur les nouveaux canaux apparus ces dernières années (vide-greniers, dépôts vente, etc…) et remplir les marchés, au vu et au su de tout le monde et en toute impunité.       

Avec un marché en constante évolution du fait de l’urbanisation croissante, du développement de la distribution moderne et d’un fort potentiel à l’export, quelles sont les perspectives d’avenir de cette industrie ?

Les perspectives d’avenir dépendent des réactions des pouvoirs publics en premier lieu pour faciliter et favoriser l’émergence d’une grande industrie locale, car il n’est plus raisonnable d’envisager une grande réussite à l’export sans être champion chez soi.    

Il faut aussi penser à développer notre logistique vers les pays africains où le produit tunisien jouit d’une bonne notoriété. Les banques aussi ont leur rôle à jouer en finançant cette économie et lui donner plus de chance. Le parfum et la cosmétique sont dans l’ADN du Tunisien et la Tunisie a occupé, durant son histoire, une place de leader dans le bassin méditerranéen et en Afrique. Les mélanges de différentes huiles essentielles à des fins cosmétiques et médicinales que confectionnait Ibn El Jazzar au IXe siècle trouvent un très grand écho chez l’élite de Baghdad. Nous avons depuis constitué un capital de savoir-faire qui ne demande que de la compréhension et du bon sens de la part de nos décideurs pour accomplir des miracles. Nous invitons nos officiels à étudier attentivement l’expérience d’autres pays qui ont déployé une stratégie et une vision et réussi à développer une forte industrie cosmétique tels que la Pologne ou la Turquie.

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