Habib Karaouli, président du Club des dirigeants de banques et établissements de crédit d’Afrique à La Presse : “Rétablir la confiance, c’est fondamental”
Le CEO de CAP Bank, Habib Karaouli, affirme que la confiance ainsi que la stabilité, notamment fiscale, législative et sociale sont nécessaires pour la bonne marche de l’économie.
Dans une déclaration accordée à La Presse, en marge des journées annuelles du Club des dirigeants de banques et établissements de crédit d’Afrique, qui se sont tenues, les 9 et 10 février à Tunis sous le thème, “Quelle réglementation bancaire pour les économies africaines?”, le vice-président du Club et coordinateur général de l’événement, Habib Karaouli, a souligné que le choix du thème de cette édition tient à l’importance d’une réglementation optimale pour le secteur bancaire qui joue un rôle de levier dans le développement et le financement de l’économie et l’investissement“. Nous avons mis en exergue ce sujet de la réglementation parce que nous estimons que le système financier et bancaire, de manière générale, joue un rôle de levier dans le développement et dans le financement de l’économie et de l’investissement qu’il soit pour les particuliers ou pour les entreprises. Et nous avons, malheureusement, une réglementation qui est de plus en plus étouffante, de plus en plus inhibante parce qu’il y a des critères de “complains” qui sont absolument très sévères pour le système bancaire”, a-t-il précisé. Et d’ajouter “Quand il y a des ressources, elles ne trouvent pas les emplois parce que ces emplois n’offrent pas les conditionnalités qui sont exigées en matière de réglementation”. Pour M.Karaouli, il est question de savoir si cette réglementation, qui a été générée dans des géographies, des cultures et des institutions qui sont complètement différentes, est adaptée au contexte africain ou pas. “Nous pensons qu’il faut quand même faire des ajustements pour permettre au système bancaire de pouvoir jouer son rôle pleinement dans le financement de l’économie”, a-t-il ajouté. Une série de recommandations ont été alors émises à l’issue de ce rendez-vous économique, afin d’essayer d’introduire davantage d’efficience dans les activités des banques et des établissements financiers.
Un phénomène qui a atteint des niveaux qui appellent l’attention
Interrogé sur l’effet d’éviction qui est exercé sur le secteur privé dans un contexte de surendettement, M.Karaouli a répondu qu’en Tunisie, on est dans un contexte particulier où il y a une crise grave des finances publiques qui a poussé l’Etat à user de son droit régalien et privilégié pour canaliser les ressources dont dispose le système financier pour le financement de son budget. “C’est une réalité qu’on peut trouver dans d’autres pays à des niveaux plus ou moins différents. Chez nous, cela a atteint quand même des niveaux qui appellent une attention particulière, parce que, qu’on le veuille ou non, ce recours peut se faire au détriment de l’investissement productif privé que ce soit pour les entreprises ou pour les particuliers, étant donné que cela touche également les crédits à la consommation”, a-t-il précisé.
Mettant l’accent sur la confiance en tant que facteur important de production, M.Karaouli a souligné, en somme, la nécessité de débrider le potentiel entrepreneurial des jeunes, notamment dans un contexte où l’Etat est en manque de ressources. “Dans une combinaison de production : il y a le capital et le travail. Moi, j’ai toujours tendance à ajouter un troisième facteur qui s’appelle la confiance et qui est exclusif des deux autres. Vous pouvez avoir le capital et le travail, mais la confiance dans les institutions ainsi que la stabilité — quand je dis stabilité, elle n’est pas seulement politique ou sécuritaire mais elle est aussi législative, fiscale et sociale, une stabilité dans le sens où il y a une production de textes qui ne soit pas trop contraignante et complexifiante — sont fondamentaux”, a-t-il précisé. Il a, en ce sens, mis en exergue le rôle du secteur privé en tant que locomotive de croissance. “Il ne faut pas se faire des illusions. Au niveau de l’Etat, il n’y a pas de ressources. Si on arrive à dégager des ressources justes pour maintenir les fonctions essentielles de l’Etat, notamment l’éducation, la santé, le transport et la justice parce que sans justice, il n’y a pas de Cité, pour le reste, il n’y a que le secteur privé qui peut le faire”, a-t-il indiqué dans le même contexte.
La confiance a priori, le contrôle a posteriori
M. Karaouli a appelé à rétablir la confiance mais aussi à toiletter les textes qui inhibent l’initiative. “Quand je vois des jeunes avec un potentiel, absolument fantastique, des start-uppeurs avec des idées extrêmement innovantes, et comment c’est vraiment le parcours de combattant, la croix et la bannière pour qu’ils puissent déjà développer leurs idées, trouver du Seed money, après toutes les contraintes sur le plan autorisations et interdictions, il faut dégager tout cela et faire en sorte qu’on ne peut pas se permettre en Tunisie actuellement de rater la réalisation de toute initiative”, a-t-il argumenté, estimant qu’il est criminel d’empêcher les jeunes de concrétiser leurs initiatives en raison des textes restrictifs. Faisant l’éloge de la culture des pays subsahariens anglophones, qui se base sur le principe du “common law”, M.Karaouli a mis l’accent sur la nécessité de libérer le potentiel d’innovation en Tunisie et de réformer les textes réglementaires à même de donner libre cours à l’esprit entrepreneurial. “Pourquoi les pays de l’Afrique de l’Est, qui sont de tradition anglophone, dépassent les pays de tradition francophone ? Parce qu’il y a la civil law pour les francophones et pour les anglophones, il y a le common law. Et le principe de la common law c’est la confiance a priori et le contrôle a posteriori. Il faut établir la confiance et contrôler par la suite. Mais pas mettre en place des textes qui sont inhibants”, a-t-il affirmé. Et d’ajouter «Je pense qu’il y a une inflation de textes, parce que nos textes malheureusement sont faits à quasiment pour les 5% qui ont l’intention de tricher et de dépasser les bornes. C’est une question de mentalité à ce niveau-là, il faut absolument la changer parce que je suis de ceux qui estiment qu’on a des avantages compétitifs énormes et un potentiel d’innovation”.
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