Grand reportage – Chine: Le sourire d’une petite fille, dans le village de Yueyahu
Au cœur du pittoresque village de Yueyahu, les visages radieux expriment une fierté sincère. Malgré les signes de fatigue inscrits dans les rides, chaque regard témoigne de la fierté du travail accompli et du chemin parcouru avec détermination. Un petit monument, discret, au milieu du village, rappelle à chacun ses racines, mais est aussi le symbole que, venus de divers endroits, ces citoyens ont apporté leur pierre à l’édifice.
« J’ai regardé un film, j’ai dormi, j’ai mangé, j’ai même fait le bilan de ma vie, mais nous ne sommes pas encore arrivés à Pékin », voilà ma réflexion, sur le ton de la plaisanterie, au bout de huit heures d’avion, juste avant d’atterrir, le 18 septembre 2024 au soir, sur le tarmac de l’imposant et impressionnant aéroport de Pékin conçu par l’architecte anglo-irakienne de génie, Zaha Hadid. Arrivé à Pékin, c’est une expérience de deux semaines en Chine, une rencontre avec un pays immense, qui m’est totalement inconnu, aussi riche que complexe.
Un périple évidemment entièrement financé par la China International Broadcasting Corporation for Economic and Technical Cooperation Co., Ltd. (Cbic), une entreprise nationale spécialisée dans le domaine de la radio et de la télévision en Chine. Mais plus qu’une grande fresque, ce sont les visages, les histoires et la simplicité d’une petite fille qui vont marquer cet instant. Disons-le d’emblée, l’objectif, d’ailleurs légitime de la Chine, est de promouvoir sa vision du monde qui contraste parfois avec celle de l’Occident. Et pour y avoir séjourné pendant ces deux semaines, le moins que l’on puisse dire, c’est que le récit médiatique occidental sur la Chine est tronqué, voire parfois biaisé.
Sourire de Yueyahu
On ne peut appréhender la Chine en quelques jours, certes, trois mille ans d’histoire, 1,4 milliard d’habitants. Confucius, l’astronomie, la boussole, la médecine traditionnelle, la Route de la Soie… Comment saisir un tel ensemble ? Mais là où les grands chiffres et les symboles se déploient, c’est une image bien plus intime qui me revient : le sourire d’une petite fille, dans le village de Yueyahu.
Elle ne parlait pas, mais son visage disait tout. Ce sourire est devenu, pour moi, le résumé de cette Chine où j’ai perçu quelque chose d’unique : une abnégation, une humilité qui me bouleversent. Yueyahu, dans le district de Yinchuan, c’est l’histoire d’un village qui a réussi, par la force du travail et un investissement colossal du gouvernement, à éradiquer la pauvreté en seulement deux décennies.
Vitrine de la transformation écologique en Chine, Yueyahu, autrefois dominé par des dunes de sable et un climat désertique sévère, s’est « miraculeusement » métamorphosé grâce à une politique volontariste de développement et d’irrigation. Ainsi, pour dompter la nature, de vastes étendues de dunes ont-elles été nivelées, et un réseau d’irrigation souterrain a été mis en place, transformant plus de 1000 hectares de désert en terres fertiles. Dans ce village, le système d’irrigation goutte-à-goutte, très efficace, a permis de maximiser l’utilisation de l’eau, si rare et si précieuse dans la région.
En 1989, le gouvernement provincial et régional a initié une migration collective de 3000 foyers, soit 15.000 personnes, des zones montagneuses du sud vers des régions plus propices. Cette démarche a donné naissance à plusieurs villages de migrants. Yueyahu a vu l’arrivée de milliers de familles venant des régions arides du Ningxia, dans le cadre d’initiatives visant à réduire la pauvreté. Ces familles ont été relogées dans ces villages écologiques, et extirpées de la misère.
Au cœur du pittoresque village de Yueyahu, les visages radieux expriment une fierté sincère. Malgré les signes de fatigue inscrits dans les rides, chaque regard témoigne de la fierté du travail accompli et du chemin parcouru avec détermination. Un petit monument, discret, au milieu du village, rappelle à chacun ses racines, mais est aussi le symbole que, venus de divers endroits, ces citoyens chinois ont chacun apporté sa pierre à l’édifice.
Ici, désormais, sous d’immenses serres, divers fruits sont en fleurs, tous les produits agricoles imaginables mûrissent et permettent à des centaines de personnes de travailler. Des projets de culture de melons, de figues et d’élevage de vaches laitières ont également vu le jour. Nous avons croisé le regard d’hommes et de femmes notamment dans des ateliers de confection d’objets artisanaux divers.
Ce n’est pas seulement la grandeur historique ou l’émergence économique que je retiens de ce voyage. C’est cette petite fille, ce peuple immense, capable de sacrifices silencieux, guidé par un projet commun.
Un citoyen chinois rencontré lors d’un déjeuner me confie quelque chose qui, aujourd’hui encore, résonne. « Si le gouvernement nous demandait de ne manger qu’une portion de riz par jour, nous le ferions sans hésiter ». Cette phrase, prononcée sans colère ni résignation, traduit une résilience que peu d’autres peuples peuvent revendiquer. Elle est le reflet d’une Chine que l’on comprend trop souvent de manière biaisée.
La main tendue de la Chine, sous les regards obliques
À notre arrivée à Pékin, il faut le dire, j’étais quelque peu influencé par le récit occidental, plus précisément français. D’envoyé spécial, aux innombrables documentaires et articles autour de la Chine, qui aurait des visées hégémoniques à travers le projet du président Xi Jinping, celui de la nouvelle Route de la Soie, officiellement appelé « Belt and Road Initiative » (la ceinture et la route). Mais à l’évidence, c’est que l’histoire de la Chine joue en sa faveur.
L’histoire en effet, démontre que l’Empire du Milieu n’a jamais durablement occupé un pays, alors que d’autres nations, dans l’histoire, ont souvent cherché à imposer leur domination par la force et ont souvent colonisé, pillé et asservi des peuples pendant des siècles. La Chine, elle, a choisi une autre voie : celle du développement intérieur. La Chine n’a pas de visées hégémoniques, Et pourtant, cette main tendue vers l’Afrique, ce partenariat proposé par la Chine, suscite des craintes.
La « Belt and Road Initiative », cette fameuse nouvelle Route de la Soie, qu’est-ce que c’est vraiment ? Ce que la Chine tente de démontrer, c’est que c’est un projet de développement, un pont, une route tracée non pas avec des armes, mais avec des idées, des échanges, du commerce. C’est l’image de la grande muraille de Chine, qu’un collègue, me disait capable de relier sans problème les 8200 kilomètres qui séparent la Chine de la Tunisie. Cette muraille, autrefois érigée pour se protéger, devient aujourd’hui un symbole de connexion.
Mais, comme l’a si bien dit Confucius, « Je n’enseigne pas celui qui ne s’efforce pas d’apprendre, ni ne guide celui qui n’est pas animé du désir de comprendre ». Ce que je retiens de ce voyage, c’est cette Chine qui tend la main. Une Chine qui, loin des préjugés, se propose de partager, de construire, de créer des relations gagnant-gagnant. Mais aussi une Chine qui, parfois, est confrontée à une incompréhension qui perdure.
Nous étions d’ailleurs à Pékin, avec un groupe de journalistes, lorsque nous lisions dans la presse tunisienne que les Etats-Unis partageaient l’inquiétude de l’Europe quant au rapprochement de la Tunisie avec la Chine. C’est un sentiment d’incompréhension qui nous a saisi à ce moment-là. Pourquoi cette inquiétude ? Et pourquoi devrions-nous entrer dans les petits papiers géostratégiques des uns ou des autres ? Pourquoi devrions-nous choisir un camp plutôt qu’un autre en dépit de nos intérêts économiques ? Autrement dit, si la coopération avec nos partenaires traditionnels que sont l’EU et les Etats-Unis étaient complétement désintéressées, pourquoi ne pas encourager toute autre coopération susceptible de générer de la prospérité ? Autant de questions sans réponses. Mais lorsque je demande à l’ambassadeur chinois en Tunisie Wan Li, si la coopération entre la Chine et la Tunisie devait exclure l’implication de mon pays dans d’autres initiatives, la réponse a été claire : « Absolument pas ».
Tunisie-Chine : l’entente cordiale
L’ambassadeur Wan Li ne cache d’ailleurs pas sa satisfaction de voir que les liens se sont renforcées ces derniers mois entre la Tunisie et la Chine. Le 31 mai 2024, sous le regard attentif des présidents Kaïs Saïed (en visite d’Etat à la République populaire de Chine) et Xi Jinping, une série d’accords a été signée à Pékin. Cette rencontre, où les délégations des deux pays se sont retrouvées autour de la table, a donné lieu à une séance de travail élargie. Derrière les sourires et les poignées de main, un seul leitmotiv : renforcer les liens bilatéraux.
Sur le plan économique, la Tunisie et la Chine semblent prêtes à aller plus loin. La Tunisie, point stratégique pour la Chine et porte donnant sur le continent africain et le monde arabe, s’inscrit dans la grande ambition des Nouvelles Routes de la Soie.
La visite récente du Premier ministre tunisien, Kamel Maddouri, en Chine a renforcé cette dynamique.
Il est clair aussi que la Tunisie souhaite attirer plus d’investissements chinois, notamment dans des secteurs clés comme l’économie numérique et les énergies vertes. Dans un contexte de déficit de la balance commerciale avec la Chine, ces nouvelles discussions pourraient bien redessiner les contours de la relation économique entre les deux pays.
La China International Broadcasting Corporation for Economic and Technical Cooperation Co., Ltd. (CBIC) est une entreprise nationale spécialisée dans le domaine de la radio et de la télévision en Chine. Fondée il y a plus de 50 ans, la CBIC a réalisé plus de 1.000 projets de conception et de construction dans le secteur de la radiodiffusion et de la télévision, aussi bien en Chine qu’à l’étranger. Depuis l’an 2000, sur mandat du ministère du Commerce de la République populaire de Chine, le Centre de formation central de la CBIC organise chaque année diverses sessions, telles que des séminaires officiels et des formations en gestion de la radio et de la télévision. Plus de 2000 responsables et techniciens de plus de 100 pays d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine, d’Europe et d’Océanie ont participé à ces formations. L’entreprise bénéficie d’une forte expertise technique, réunissant des experts, ingénieurs en chef et techniciens disposant d’une vaste expérience dans la consultation technique, la conception d’ingénierie, la construction, l’installation, les essais, la mise en service et la formation technique dans le domaine de la radiodiffusion et de la télévision.
De notre envoyé spécial Karim ben Saïd
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