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Gouvernance : Conseils locaux et régionaux versus conseils municipaux

Le projet de loi organique se rapportant aux conseils locaux et régionaux et aux conseils des districts, soumis déjà à l’ARP, sera-t-il en mesure d’apporter les clarifications nécessaires quant au rôle de ces nouvelles instances de gouvernance locale et leur rapport avec les futurs conseils municipaux ? Décryptage.

La Presse — Suite à la dissolution des conseils municipaux et à l’avènement des conseils locaux et régionaux, une grande confusion a régné autour des prérogatives de ces nouvelles instances dont la création, rappelons-le, s’instaure dans le cadre du nouveau modèle de gouvernance locale, en d’autres termes de la construction de la démocratie par la base. Cette confusion a été accompagnée par l’annulation de la tenue des élections municipales en 2023. Mais, l’entremêlement de certaines missions pourrait bien constituer un véritable casse-tête, selon certains observateurs, ce qui est aussi susceptible d’impacter les liens relationnels entre les futurs conseils municipaux et les autres conseils locaux et régionaux. Cependant, il est bien utile de positiver et de ne pas se leurrer par des raisonnements déductifs.

Compétences et rôles des conseils locaux et régionaux

Soucieux de prendre les choses en main et de mettre un peu d’ordre dans le nouveau chantier législatif du pouvoir local, le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a soumis le 3 janvier 2025 le projet de loi organique se rapportant aux conseils locaux et régionaux et aux conseils des districts aux commissions parlementaires concernées et au bureau de l’ARP avec une demande d’examen en urgence.

Au menu de ce projet de loi, dix articles dédiés à la réglementation des prérogatives des conseils locaux, régionaux et des districts. Ce qui est de nature à calmer les esprits non seulement des plus sceptiques, mais aussi de ceux qui n’ont pas toujours avalé la pilule de la dissolution des conseils municipaux. Le statut de collectivités locales sera attribué à ces conseils, conformément à l’article 133 de la Constitution. Ces dernières seront ainsi dotées de personnalité juridique et d’autonomie administrative et financière, selon le premier article du projet de loi. Leur organisation et leur fonctionnement seront réglementés par décret.

Ce qui est important dans ce projet de loi, c’est surtout cette clarification apportée à la mission principale de ces conseils. En effet, selon l’exposé des motifs dudit projet «la mission principale de ces conseils est de promouvoir l’intégration économique et sociale en prenant en compte les différentes catégories de la société, d’élaborer et d’examiner des propositions dans un cadre tripartite réunissant les conseils locaux, régionaux et des districts. Ces propositions formulées seront ensuite soumises à l’examen du Conseil national des régions et des districts (Cnrd), qui sera chargé d’entériner le plan de développement.

Notons que le rôle des conseils locaux consiste à rassembler les informations dans les différentes localités, afin de formuler des recommandations visant à résoudre les enjeux de développement au niveau local. Ces propositions sont systématiquement transmises au conseil régional, chargé de les soumettre au Conseil national des régions et des districts. En plus, le rôle des conseils locaux, régionaux et des districts se limite à la délibération, tandis que le dernier mot, autrement dit la décision d’adopter ou non les propositions, revient au Conseil national des régions et des districts. Sur un autre plan, les autorités publiques sont appelées à accompagner ces conseils dans l’accomplissement de leurs missions.

Pour rappel, les premières élections des conseils locaux, considérées comme des élections de proximité, se sont déroulées en un système majoritaire à deux tours dans 2.129 circonscriptions électorales. 2.434 membres de 279 conseils locaux ont été élus. En mars 2024, l’Isie a annoncé la composition officielle des conseils régionaux suite à la réunion des 279 conseils locaux. Le 28 mars de la même année, Farouk Bouasker a déclaré que le conseil de l’Instance a approuvé les résultats des élections du conseil national des régions et des districts, c’est-à-dire de la deuxième chambre parlementaire qui constitue en quelque sorte un contrepoids au pouvoir de la première chambre.

Quel rôle alors pour les conseils municipaux ?

Avant de se pencher sur le rôle des conseils municipaux, les observateurs se demandent si les élections municipales qui n’ont pas eu lieu en 2023 se tiendraient au cours de cette année ou non. La réponse n’a pas tardé à se faire entendre par la voix du président de l’Instance supérieure pour les élections (Isie), Farouk Bouasker. Dans une déclaration à la TAP en décembre dernier, il a tenu à lever toute équivoque à ce propos en soulignant que «les élections municipales auront bien lieu et que leur organisation est inéluctable». Il a même ajouté que «les conseils municipaux sont considérés comme des collectivités locales, énoncées dans la Constitution de 2022».

Cette explication émanant du président de l’Isie a jeté un certain flou quant aux compétences et rôles des prochains conseils municipaux. Mais en réalité, la tenue des élections municipales va dépendre de l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi relative aux conseils municipaux et de la modification du cadre législatif y afférent, comme l’avait d’ailleurs souligné le président de l’Isie dans une déclaration. Tout est donc tributaire de ce nouveau cadre législatif.

Un ancien membre de la Fédération nationale des communes tunisiennes et ancien maire, qu’on a contacté à cet effet, nous explique que les élections municipales se tiendront au cours de cette année. Il ajoute par la même occasion que, vraisemblablement, le nombre de membres des conseils municipaux sera revu à la baisse dans chaque commune, en raison notamment du nouveau rôle de ces conseils. La mission des nouveaux conseils municipaux sera axée en premier lieu sur certains services (propreté et protection de l’environnement, éclairage…). D’autres anciennes attributions liées par exemple au développement seront désormais du ressort des conseils locaux.

Les conseils locaux sont appelés à ce propos à assumer un rôle de contrôle, de coordination et de concertation. «Ils se substituent ainsi à la société civile, mais sont appelés à travailler de concert avec les conseils municipaux», selon la même source. La Fédération nationale des communes tunisiennes avait, le 9 mars 2023, alerté dans un communiqué sur «l’ambiguïté qui régit les relations entre les conseils municipaux élus et les autres types de collectivités locales représentés dans les conseils locaux et régionaux». Elle souligne aussi «la nécessité pour les conseils municipaux de ne pas se transformer à l’avenir en une simple structure formelle dépourvue d’indépendance dans la gestion des affaires locales». Des craintes somme toute légitimes, il faut bien l’avouer.

Dans l’attente de l’adoption et de la promulgation du projet de loi organique se rapportant aux conseils locaux et régionaux et aux conseils des districts, et en dépit de ces explications, il faut admettre que les citoyens ne sont pas toujours capables de discerner entre le rôle des conseils locaux et celui des conseils municipaux. Une campagne de vulgarisation et de sensibilisation doit inéluctablement suivre l’adoption du projet  de loi en question avant même la tenue des élections municipales. D’autant que l’action des conseils locaux sera beaucoup moins visible que celle des conseils municipaux.

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