Fuite des ingénieurs tunisiens : Un plan de carrière démotivant

Faute d’une politique de rémunération encourageante, la fuite des ingénieurs tunisiens à l’étranger gagne de plus en plus en volume et en valeur. Selon les statistiques disponibles, la moyenne quotidienne des départs dépasse les 20 ingénieurs. Et cela ne concerne pas seulement les jeunes diplômés, mais même ceux qui sont confirmés et expérimentés. L’impact est donc plus profond.
Le constat donne, en lui-même, des frissons : sur « les 90.000 ingénieurs inscrits à l’ordre tunisien, 39.000 ont déjà quitté le pays ».
Cette affirmation récente de Kamel Sahnoun, président de l’ordre des ingénieurs tunisiens atteste d’un malaise profond qui ronge un corps professionnel sensible, indispensable à toute politique de développement et en mesure de conditionner, à lui seul, le comportement de notre économie nationale.
Il est clair donc que l’environnement local, à son état actuel, est incapable de séduire cette catégorie de professionnels. Ce qui justifie que cette fuite prend, à chaque fois, des proportions beaucoup plus importantes. Les statistiques relèvent que « le nombre annuel des diplômés en ingénierie est d’environ 8.000 alors que la moyenne quotidienne des départs à l’étranger est de 20 ingénieurs».
Mais ce qui inquiète encore plus, c’est que ce phénomène ne se limite plus aux nouveaux diplômés mais il touche désormais des ingénieurs confirmés et expérimentés, ce qui fait que l’impact est beaucoup plus profond.
Des pertes donc sèches qui pénalisent lourdement l’économie, surtout que la nouvelle démarche de développement national retenue pour la garantie d’un redressement rapide et durable, mise, en grande partie, sur certains secteurs stratégiques reposant, eux-mêmes, sur la disponibilité d’un corps consistant d’ingénieurs qualifiés. Un corps que tout le monde qualifie d’incontournable pour bien conduire certains programmes pointus, comme la transition énergétique, la promotion de la composante écologique ou encore la transformation technologique.
Or, selon les affirmations de Kamel Sahnoun, le nombre actuel d’ingénieurs est timide et ne peut aucunement répondre aux besoins de l’économie nationale, notamment en termes d’innovation et de valeur ajoutée.
Les experts estiment en fait, les besoins de notre économie à environ 150.000 ingénieurs pour pouvoir conduire, avec une certaine assurance, les grands chantiers nationaux.
Une hémorragie lourde de conséquences
Cette question est donc à haut risque, car elle peut conduire, à moyen terme, à une érosion certaine de ce capital humain stratégique et constituer, par conséquent, un frein sec à notre économie qui ambitionne de cultiver des activités innovantes, compétitives et durables. Elle pourrait même provoquer un dysfonctionnement total et profond de notre potentiel de développement, dans son ensemble.
Mais ce qui désole davantage, c’est que le gâchis est double. En effet, en plus de l’assèchement de nos ressources humaines qualifiées, la perte financière est aussi importante. On apprend justement que la formation des ingénieurs coûte, annuellement, environ 650 millions de dinars, un investissement colossal qui resterait, malheureusement, sans amortissement.
Au final, ce sont les pays récepteurs qui se retrouvent bien servis en bénéficiant, gratuitement, d’un nouvel atout économique
Un beau gâchis qui nécessite, de toute évidence, une réaction réfléchie et surtout l’identification de scénarios de riposte adéquats, capables de stopper cette hémorragie.
Cette disposition est d’autant plus urgente que certains pays, européens notamment, et même certains de nos concurrents directs, sont en train de multiplier les programmes d’incitation et de motivation pour séduire encore plus nos compétences.
Une menace sérieuse qui implique une mobilisation totale pour la garantie d’un environnement favorable à l’épanouissement de ce corps.
On reconnaît, en effet, que la situation actuelle ne permet pas à nos ingénieurs de prétendre à des plans de carrières professionnelles à la hauteur de leur ambition. Et c’est certainement le volet matériel qui fait nettement défaut. Il suffit de noter, sur ce point, que le salaire d’un ingénieur tunisien est, en moyenne, quatre fois inférieur à celui d’un ingénieur marocain, fraîchement diplômé.
Il faut donc revoir cette politique de rémunération qui pourrait affecter même les ingénieurs opérant encore en Tunisie qui, faute de contrepartie financière encourageante, pourraient déraper. Et c’est bien grave, car c’est le système productif qui serait compromis.
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