Economie tunisie

Financement des PME | Ridha GOUIA,Professeur universitaire et Directeur d’APBS Tunis à La Presse : «Le développement des PME dépend de leur environnement financier…»

 

Les PME en Tunisie sont restées en majorité familiales, donc peu ouvertes aux autres actionnaires. Elles sont alors atomisées, peu adhérentes à la structuration dans des groupes pour agir dans l’environnement économique mouvant et se hisser au niveau international, ce qui leur assure les moyens de devenir plus compétitives et plus agressives sur tous les marchés tant nationaux qu’internationaux.

Quel regard portez-vous sur l’environnement et le paysage de la PME aujourd’hui en Tunisie ?

Tout d’abord, il est important à notre avis, de commencer par la définition des PME. Celle-ci varie souvent d’un pays à l’autre et se fonde généralement sur le nombre de salariés, le chiffre d’affaires annuel ou le total des bilans de   l’entreprise. Selon la définition la plus courante et adoptée par la majorité des pays développés, les micro-entreprises comptent de 1 à 10 salariés, les petites entreprises de 10 à 100 et les entreprises de taille intermédiaire de 100 à 250. Sauf précision contraire, et en général, est considérée comme une PME toute entreprise de moins de 250 salariés, quel que soit son statut juridique (entreprise familiale, individuelle ou coopérative) et qu’elle soit formelle ou informelle. Pour le cas de la Tunisie, l’INS qualifie de PME une entreprise employant de 6 à 199 salariés. Au-delà de ce nombre de salariés, on qualifie la structure par une grande entreprise. A notre avis, il ne faut pas tomber dans l’erreur, comme font beaucoup de gens qui confondent entre micro-entreprise (il s’agit d’une entreprise extrêmement petite et dont font partie les professions libérales, les négociants, les artisans…) et les PME qui sont caractérisées essentiellement par leur flexibilité, qui est généralement grande en comparaison avec les grandes entreprises, la compétitivité, qui est généralement faible et leur réactivité, qui est grande, dans un environnement économique mondialisé. Certes, le développement de ces structures, qui sont les PME, dépend largement de leur environnement tant financier (facilité d’accéder au financement…) que social (niveau de vie des classes moyennes, mode de consommation des ménages…) et économique (niveau de la concurrence, facilité de se procurer les matières premières, facilité de la sous-traitance en relation avec les grandes firmes et surtout avec les société «offshore» bénéficiaires de multiples avantages…), ainsi que des caractéristiques du dirigeant de l’entreprise. Il faut dire que, pour le cas de la Tunisie, cet environnement ne cesse d’évoluer avec la création depuis des années de multiples banques de microfinance, le développement du commerce international suite à l’insertion croissante de l’économie tunisienne dans l’économie mondiale, l’utilisation croissante de la fibre optique avec la montée de la digitalisation (les startup), l’amélioration des avantages octroyés par l’Etat…. C’est bien cela qui explique la floraison depuis deux décennies de ces PME en Tunisie, comparée au nombre de grandes entreprises. En effet, plus de 90 % (80% pour d’autres et même 98%) du tissu économique tunisien est constitué de PME (il faut dire avec une forte proportion d’entreprises relevant pour l’essentiel du secteur dit « micro », voire informel, ce qui explique que la plupart d’entre-elles sont peu productives et trouvent différentes difficultés). Elles emploient plus de 50% de la main-d’œuvre totale et elles sont considérées comme le moteur de la croissance économique et de la création d’emplois en Tunisie, tant dans le milieu urbain que rural.

Considérez-vous que la structure de la PME a évolué ces dernières années?

Certes, les entreprises vivent en Tunisie depuis plusieurs années déjà, quelle que soit leur taille, une période de bouleversements majeurs de toutes sortes (changement de régime politique, crise économique mondiale jumelée avec une crise épidémique accompagnée d’une refonte des données administratives, juridiques et sociales…) qui font de leurs capacités d’adaptation et de gestion du changement une condition clé de leur survie. Comme il est couramment admis que chaque époque possède son lot de turbulences, le changement étant une constante de la vie économique et sociale. Pour répondre à votre question, nous pouvons dire, tout d’abord, qu’une entreprise peut opérer des changements dans ses structures, afin de connaître l’évolution opérée par une entreprise, il est possible de consulter le bilan social. Celui-ci récapitule les changements opérés au cours de l’année écoulée, mais aussi des deux années précédentes. Mais, à notre avis, compte tenu de la diversité des structures des PME en Tunisie et de la difficulté de généraliser notre réponse, nous pouvons remarquer la faiblesse d’une telle évolution compte tenu des crises répétitives connues ces dernières années et dont on a mentionné précédemment les implications. Certes, les PME en Tunisie sont restées en majorité familiales donc peu ouvertes aux autres actionnaires. Elles sont alors atomisées, peu adhérentes à la structuration dans des groupes pour agir dans l’environnement économique mouvant et se hisser au niveau international, ce qui leur assure les moyens de devenir plus compétitives et plus agressives sur tous les marchés tant nationaux qu’internationaux. Ce regroupement des PME dans des unités plus grandes permettra de doter la Tunisie d’une nouvelle génération de ce type d’entreprises principalement innovantes dans de nouveaux créneaux porteurs à forte valeur ajoutée et ayant une plus grande composante technologique.

Est-ce que la PME est disposée aujourd’hui à faire face aux défis du monde économique ?

Comme nous l’avons avancé plus haut, les PME en Tunisie font face aujourd’hui à différents et grands défis (taille très faible pour plusieurs unités, donc faible productivité, concurrence accrue des grandes entreprises tant nationales qu’internationales, accès limité au financement : (selon l’Atic, la moitié des PME tunisiennes ont des problèmes de ressources financières),  difficultés de s’approvisionner de matières premières, surtout que la Tunisie est un pays fortement dépendant de l’importation des produits de base et des matières premières pour alimenter l’activité de ces entreprises, faible soutien et accompagnement des instances de suivi, difficultés de profiter des opportunités commerciales juteuses offertes par la globalisation de l’économie…) qui ne peuvent être relevés qu’avec de nouvelles stratégies sectorielles, industrielles, agricoles et de services, et des plans de restructuration conçus et implémentés par l’Etat et les institutions de soutien à ce type d’entreprises et avec le renforcement et le contrôle des plusieurs programmes mis en place, tels que des subventions, des allégements fiscaux, quelques facilités d’accès au financement, des structures de formation et de développement des compétences. Ainsi, pour espérer un essor fulgurant de ce secteur vital pour la création de l’emploi et de la valeur ajoutée dans l’économie tunisienne, le gouvernement et les entrepreneurs, ainsi que les structures de soutien devront franchir ces barrages au développement et créer les conditions de pérennité et de croissance. Il est à noter que la condition indispensable pour faire face aux défis du monde économique d’aujourd’hui, est que  les PME doivent adopter plusieurs stratégies, telles que:  se spécialiser dans un marché de niche spécifique pour proposer des produits ou des services clients spécialisés pour un segment d’un marché donné, adopter des stratégies de prix compétitifs, collaborer avec d’autres entreprises dans le cadre de groupes pour renforcer leur position sur le marché et offrir des produits ou des services complémentaires, ce qui permettra de réduire les coûts de production ou pour partager les ressources tant financières que matérielles. Certes, en sachant utiliser leurs flexibilités aux changements du marché en raison de leur taille et leur pouvoir d’ajuster rapidement leur stratégie, leur offre de produits et de services pour s’adapter à la concurrence et aux besoins des clients, ces entreprises renforcent leur capacité de faire face aux défis du monde économique actuel.

Et pour ce qui est de l’accès au financement ? Comment évoluent les solutions alternatives de financement ?

Il est nécessaire d’insister sur le fait que les PME tunisiennes souffrent de nombre de difficultés d’accès aux financements, qui s’est encore creusé au fil des dernières décennies et surtout ces dernières années. C’est bien ce que révèlent différentes enquêtes menées par différents organismes (BIT, BM, Utica, Iace…). C’est bien cela qui nous laisse dire que parmi les solutions pour booster la croissance des PME et leur permettre une capacité de surmonter les différents obstacles, est le fait de leur accorder des crédits de financement et de faciliter les liens commerciaux pour qu’elles puissent renforcer leur réseau et tendre vers le groupement de leurs synergies. A notre avis, les deux banques tunisiennes s’adressant à ce type d’unités de production, la BTS, qui cherche à soutenir les petits investissements et la Bfpme qui a pour objectif les investissements limités, sont deux banques publiques qui semblent insuffisantes pour créer une nouvelle génération de PME innovantes dans le pays. De même, la technique de financement de quelques organismes de leasing mis en place depuis 1994 s’avère trop onéreuse, bien que plus souple que les prestations bancaires, dépassant un taux d’intérêt de 25%. L’investissement dans les nouvelles technologies, non «investivore» permet certainement d’améliorer leur efficacité opérationnelle, telles que les logiciels de gestion de projet, les plateformes de marketing automation et les outils de productivité. Cela peut aider à réduire les coûts et à améliorer la qualité des produits et services, donc de réduire le recours au financement extérieur, bancaire ou autre.

Selon vous, que faudrait-il mettre en place pour un développement plus soutenu des PME ?

Selon l’histoire du développement économique tant dans les pays déjà développés que dans les pays en voie de développement, les PME ont toujours apporté une contribution importante à la création des richesses et d’emplois. Si elles constituaient le premier noyau de l’accumulation du capital dans le monde industrialisé, elles représentent deux tiers des emplois dans le monde entier d’aujourd’hui. On peut dire que c’est pour cette raison que le BIT et plusieurs autres institutions ont fait du soutien aux PME l’une de leurs principales préoccupations et domaines d’activité. Comme dans le cas de la Tunisie, elles forment aussi un secteur très hétérogène, Il est de ce fait très difficile de concevoir des politiques applicables indifféremment à toutes les entreprises et de mettre en place une stratégie nationale pour un développement soutenu afin qu’elles puissent continuer à jouer pleinement leurs rôles de productrices d’emplois et de valeur ajoutée. Mais en dépit de cela, nous pouvons avancer les remarques suivantes qui peuvent, en général et dans tous les cas, aider au soutien et au développement des PME existantes: les aider à accroître leur productivité et concurrence, procéder à des études approfondies de l’impact des politiques suivies jusqu’alors sur leurs performances et rentabilités, mieux appliquer la fiscalité pour ces unités de production surtout pour celles d’entre elles qui sont  performantes, les aider à se grouper afin d’unir leurs synergies et constituer des forces productives pérennes, ainsi qu’à adapter les procédures administratives dans le sens d’améliorer leurs structures et leur gestion.

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