Financement des PME | Ramzi Bouassida, Expert en finances publiques et locales à La Presse : «Des réformes structurelles sont souvent nécessaires»
La diversification des sources de financement encourage les PME à explorer différentes sources de financement, telles que le capital-risque, le capital-investissement, les marchés boursiers, le micro-financement et le crowdfunding pour mettre en place des programmes de garantie de prêt pour réduire le risque pour les prêteurs et rendre plus accessibles les prêts bancaires classiques.
Quelle lecture faites-vous du tissu des PME aujourd’hui en Tunisie ?
Les PME sont définies comme des entreprises employant de 6 à 199 salariés et elles jouent un rôle essentiel dans le développement de la croissance économique, représentant plus de 95% du tissu économique. Cependant, la crise liée à la pandémie du Covid-19 continue d’affecter ces entreprises qui peinent à reprendre leur activité. Les PME contribuent de manière significative au PIB, avec une part de 50%, et elles génèrent près de 70% des emplois dans le secteur privé. Cependant, plusieurs facteurs ralentissent cette croissance, la Tunisie est actuellement confrontée à une situation économique alarmante. En 2021, le taux de croissance du PIB était de 4,4%, mais en 2022, il n’a progressé que de 2,5%. Cette faible croissance s’accompagne d’une crise des finances publiques, se traduisant par une augmentation de l’endettement public, atteignant 79% du PIB, et un taux d’inflation, selon l’Institut national de la statistique (INS), de 9% en septembre 2023. En outre, la Tunisie fait face à des retards dans l’accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et subit l’impact d’un ralentissement de la croissance économique mondiale, en particulier de la part de ses principaux partenaires économiques européens, suite à la guerre russo-ukrainienne. En plus des facteurs économiques, un élément préoccupant est à noter. En mai 2023, l’Association des petites et moyennes entreprises a publié une information alarmante : 7.000 chefs d’entreprise ont quitté la Tunisie en raison de leur incapacité à respecter leurs obligations financières. Cette situation aggrave encore davantage les défis auxquels sont confrontées les PME en Tunisie. Dans ce contexte, aussi bien les facteurs internes qu’externes ont créé un climat d’investissement peu encourageant pour les PME. La 6e édition du baromètre de la PME en Tunisie labellisé (Miqyes) en avril 2023 a mis en lumière plusieurs constats inquiétants : seulement 27% des PME ont soumissionné aux marchés publics en 2022, contre 40% en 2019, témoignant d’une méfiance croissante à l’égard de l’administration publique. Seuls 43,4% des dirigeants de PME estiment disposer d’une structure financière solide pour les années à venir. En 2022, 36,8% des PME ont connu une augmentation de leur chiffre d’affaires, tandis que 41% ont enregistré une baisse, avec des disparités entre les secteurs, tels que 44,5% dans l’industrie, 33,3% dans les services, et 43,6% dans le commerce. Avec une situation économique préoccupante et une diminution du pouvoir d’achat, il est impératif que l’Etat entreprenne des réformes structurelles pour relancer la croissance économique.
Il est souvent avancé que l’accès au crédit est le principal frein pour les dirigeants de PME. Qu’en pensez-vous?
L’accès au financement est, en effet, un obstacle majeur pour les petites et moyennes entreprises (PME). Les difficultés sont particulièrement liées à la question des garanties, ce qui pose un défi supplémentaire pour les nouveaux entrepreneurs qui ont souvent du mal à fournir des garanties solides. De plus, les taux d’intérêt élevés et les frais financiers importants peuvent alourdir le coût du financement pour les PME. Selon l’Indice (Miqyes), les données indiquent que 34% des PME ont soumis des demandes de financement. Cependant, près de la moitié de ces demandes de crédits d’investissement (49,5%) et plus de 40% des demandes de crédits de gestion (40,4%) ont été refusées. Ces chiffres mettent en évidence les défis majeurs que rencontrent les PME en matière d’accès au financement. Pour résoudre ce problème, il est nécessaire de mettre en place des mesures visant à faciliter l’accès au crédit pour les PME. Cela pourrait inclure des initiatives, telles que : le programme de garantie de prêt, c’est-à-dire que le gouvernement peut mettre en place des programmes de garantie de prêt qui réduisent le risque pour les prêteurs, ce qui rend plus facile pour les PME d’obtenir un financement. Il est essentiel aussi de réduire des taux d’intérêt dont les autorités financières peuvent travailler à réduire les taux d’intérêt, ce qui rend le financement plus abordable pour les PME. Il est nécessaire également que les PME puissent bénéficier de programmes d’éducation financière qui les aident à mieux comprendre les processus de demande de financement et les obligations liées à l’emprunt. Des mécanismes peuvent être mis en place pour aider les nouvelles entreprises à fournir des garanties, par exemple, en acceptant des actifs non traditionnels en garantie. Quant au soutien à l’innovation financière, il faut que les innovations dans le secteur financier, comme le financement participatif (crowdfunding) et les prêts peer-to-peer, puissent offrir de nouvelles opportunités de financement pour les PME. Améliorer l’accès au financement pour les PME est essentiel pour stimuler leur croissance et contribuer de manière significative à l’économie. Cela nécessite généralement une coopération entre le secteur privé, les institutions financières et les autorités gouvernementales. En plus des défis liés à l’accès au financement pour les PME, il est crucial de prendre en compte d’autres obstacles qui entravent la croissance économique en Tunisie. Les problèmes administratifs et la lourdeur bureaucratique peuvent entraver l’efficacité des entreprises, augmenter les coûts opérationnels et dissuader l’investissement. L’inflation élevée, à 9% en septembre 2023, est également préoccupante car elle peut réduire le pouvoir d’achat des ménages, accroître les coûts de production pour les entreprises et créer de l’incertitude économique. Les mesures pour contrôler l’inflation, telles qu’une politique monétaire plus stricte, sont généralement nécessaires. La diminution du pouvoir d’achat est un problème majeur, car elle affecte la capacité des ménages à consommer et à soutenir l’activité économique. Le gouvernement peut envisager des politiques qui renforcent le pouvoir d’achat des ménages, comme des réductions d’impôts ciblées ou des aides directes. Pour surmonter ces défis, des réformes structurelles sont souvent nécessaires. Cela peut inclure une simplification des procédures administratives, des politiques monétaires et budgétaires bien gérées pour lutter contre l’inflation, et des mesures visant à améliorer le pouvoir d’achat des ménages. De plus, la promotion de l’investissement, de l’innovation et de l’efficacité économique peut contribuer à stimuler la croissance et à atténuer ces problèmes. Il est également essentiel de maintenir un climat d’investissement stable et de favoriser la confiance des acteurs économiques pour surmonter ces obstacles.
Selon vous, que faudrait-il mettre en place pour un développement plus soutenu des PME ?
Pour stimuler un développement plus soutenu des PME, plusieurs mesures et réformes peuvent être mises en place. Voici quelques suggestions pour améliorer le climat des affaires et soutenir les PME : une réforme économique globale est essentielle pour créer un environnement favorable à l’investissement. Cela pourrait inclure la réduction de la bureaucratie, la simplification des réglementations, la lutte contre la corruption et la promotion de la stabilité politique et économique. Le système fiscal actuel est de plus en plus complexe, et cette complexité constitue l’un des obstacles majeurs à l’investissement. De plus, l’évasion fiscale et l’existence d’une économie parallèle qui représente près de 60% de l’économie totale privent l’Etat de ressources précieuses pour son budget. Il est largement reconnu par les institutions financières internationales que la nécessité d’entreprendre rapidement une réforme fiscale en Tunisie est impérative afin de garantir une répartition équitable de la charge fiscale. La diversification des sources de financement encourage les PME à explorer différentes sources de financement, telles que le capital-risque, le capital-investissement, les marchés boursiers, le micro-financement, et le crowdfunding pour mettre en place des programmes de garantie de prêt pour réduire le risque pour les prêteurs et rendre plus accessibles les prêts bancaires classiques. La digitalisation des services publics peut simplifier les procédures administratives, réduire la corruption, et accélérer le traitement des demandes. Les processus doivent être fluides, centralisés, et accessibles en ligne pour éviter des démarches multiples auprès de diverses administrations.
Pour orienter les programmes d’études il faut adapter les programmes éducatifs à tous les niveaux, en particulier dans l’enseignement supérieur, pour promouvoir la culture de l’entrepreneuriat et de la création de PME. Cela inclut l’introduction de cours sur la gestion d’entreprise, l’innovation et l’entrepreneuriat.
La formation en gestion d’entreprise nécessite une proposition des formations spécifiques en gestion d’entreprise et en compétences entrepreneuriales pour les futurs dirigeants de PME. Le soutien à l’innovation et à la R&D encourage la recherche et le développement au sein des PME, en offrant des incitations fiscales et en facilitant l’accès aux infrastructures de recherche.
Pour l’accompagnement des PME, il faut mettre en place des structures de soutien aux PME, telles que des incubateurs, des accélérateurs et des centres de conseil, pour les aider à développer leurs activités.
Pour encourager le réseautage et la collaboration entre les PME, les grandes entreprises, les universités et les institutions de recherche, il est nécessaire de favoriser l’innovation et la croissance. La mise en œuvre de ces mesures nécessite une collaboration entre le gouvernement, le secteur privé, les universités et d’autres parties prenantes. Un environnement propice au développement des PME peut non seulement stimuler la croissance économique, mais aussi favoriser la création d’emplois et l’innovation.
D’après vous, quelles sont les charges qui pèsent le plus sur les petites et moyennes entreprises ?
Les charges qui pèsent le plus sur les petites et moyennes entreprises (PME) peuvent varier en fonction de la législation en vigueur et du secteur d’activité, mais voici quelques-unes des charges courantes qui ont tendance à affecter les PME :
-La fiscalité, c’est-à-dire les impôts, y compris l’impôt sur les bénéfices, la TVA, les taxes locales et les cotisations sociales, peuvent représenter un fardeau important pour les PME, en particulier lorsqu’elles sont confrontées à des taux d’imposition élevés.
– Les coûts liés aux salaires, y compris les cotisations sociales, peuvent être significatifs pour les PME. Cela inclut les contributions à la sécurité sociale, aux retraites et aux assurances pour les employés.
-Les PME peuvent être confrontées à des charges administratives liées à la conformité réglementaire, notamment en matière de déclarations fiscales, de rapports financiers, de licences et de permis.
– Le coût de la main-d’œuvre, y compris les salaires et les avantages sociaux, peut représenter une charge importante pour les PME.
-Les intérêts sur les prêts et les coûts liés au financement peuvent peser sur la rentabilité des PME, en particulier si elles dépendent fortement de l’emprunt pour leur croissance.
-Les PME peuvent être tenues de souscrire diverses polices d’assurance, telles que l’assurance responsabilité civile, l’assurance maladie pour les employés, l’assurance de biens, ce qui peut entraîner des charges financières supplémentaires.
– Les coûts liés à la logistique, à l’expédition et au transport des marchandises peuvent être importants pour les PME, en particulier celles impliquées dans la vente de produits physiques.
– Les PME opérant dans des secteurs sensibles à l’environnement peuvent être soumises à des coûts liés à la conformité environnementale et aux réglementations sur la gestion des déchets.
– Les litiges et les frais juridiques associés à la résolution de conflits peuvent peser sur les ressources financières des PME.
Il est important de noter que les charges qui pèsent le plus sur les PME peuvent varier en fonction de la taille de l’entreprise, de son secteur d’activité, de sa localisation géographique et de sa situation financière. Le gouvernement et les organisations peuvent mettre en place des mesures pour alléger certaines de ces charges et faciliter le développement des PME.
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