Films étrangers tournés en Tunisie : Pourquoi les taxer ?
Quelqu’un peut-il nous expliquer l’esprit de cette note commune parue en 2015 au ministère des Finances qui annule une loi de 1992, qui exonère les tournages de films étrangers de la TVA ? Cela fait de la Tunisie le seul pays au monde où les films étrangers paient une taxe pour promouvoir notre pays ailleurs… Kafkaïen ! Et ce n’est que le sommet de l’iceberg.
«Game Of Thrones» dont une partie a été tournée au Maroc a drainé un nombre important de touristes chez nos voisins. Les statistiques soulignent qu’un visiteur sur six a été influencé par la série qui a déterminé le choix de sa destination. 61 milliards de dollars de recettes touristiques sont issus des visiteurs du site de tournage de la même série dans le nord de l’Irlande. Maintenant, allez voir le décor de «Stars Wars» dans le Sud tunisien, il est dans un état de déliquescence. Il n’est pas encore tombé, ceci est vrai, mais on le regarde tomber passivement. Voilà ! On vous résume tout en deux «plans» ! Comme disent les professionnels du cinéma. Cette promotion «gratuite» qui fait rentrer des devises en Tunisie et contribue à la formation de nos techniciens, voire à leur perfectionnement autour des dernières technologies, tout le monde en a conscience ! Mais personne ne contribue à la promouvoir dans les cercles des décisions. La preuve, la Tunisie est en train de perdre de plus en plus du terrain sur ce plan et attire de moins en moins de producteurs étrangers désireux de choisir le décor de notre pays pour leurs films. De 1970 à 2010, plus de 250 films ont été tournés en Tunisie. En effet, nous pouvons citer, «Indiana Johns», «Pirates», «Star Wars», «Le Patient Anglais» qui a été nominé 11 fois et reçu 9 oscars, «Le tigre et la Neige», «L’Or Noir», «Anno Domini», «Jesus Bambino», «Jesus de Nazareth», etc.
Le Saint Drone du tournage aérien !
Aujourd’hui, nous sommes en train de perdre cette manne financière pour des raisons triviales au fait. Un problème d’autorisation pour le tournage avec drone, par exemple, qui peut demander des mois entiers. La cause : un effritement de la décision entre des ministères, comme celui de l’intérieur, de la Défense, de l’Equipement, et des Transports. Même avec une autorisation de tournage délivrée par le ministère des Affaires culturelles, le circuit kafkaïen est inévitable. Lors du Panel consacré au sujet des tournages étrangers en Tunisie tenu à Hammamet le 8 mai dernier dans le cadre du Master international film festival, le directeur général du Cnci, Noomane Hamrouni, a évoqué ce problème et a proposé de rendre cette autorisation imposable aux autres ministères par exemple. Un panel qui a réuni trois des plus grands producteurs exécutifs de la Tunisie, Moez Kamoun, Abdelaziz Ben Mlouka et Ridha Turki, qui ont longuement discuté de ces obstacles administratifs et financiers. Ridha Turki déclarera, «Classés comme exportateurs de services par le Code d’encouragement aux investissements de 1989 révisé en 1992 et 2004, les prestataires de services et producteurs exécutifs tunisiens avaient à leur disposition une panoplie de textes de loi des plus encourageante à mettre à la disposition de leurs partenaires étrangers dont l’exonération de la TVA sur les biens et services acquis et loués en Tunisie. Ensuite, on nous surprend avec une note interne qui taxe ces tournages et qui permet aux ministères de faire un redressement fiscal aux producteurs exécutifs. C’est insensé pour notre métier avec toutes les répercussions négatives qui vont impacter les étrangers, désireux de tourner des films chez nous. Moez Kamoun renchérira: «La question qui se pose est pourquoi on nous a retiré cet avantage que nous avions pendant 50 ans ? A cela s’ajoutent les complications qu’on rencontre à l’aéroport ou à la douane pour faire sortir du matériel. Nous sommes considérés comme des outsiders de l’économie. C’est un pas en arrière de 50 années ! Il faut, à mon sens, annuler cette note interne émanant du ministère des Finances en 2015 et revenir à la base : chaque film étranger tourné en Tunisie et ayant une autorisation de tournage est exonéré de la TVA. Abdelaziz Ben Mlouka précise : «A mon sens tout est lié à une volonté politique, est-ce qu’on veut attirer les tournages étrangers en Tunisie et les considérer comme une activité économique à part entière ou non ? Si, oui, pourquoi ce n’est pas le ministère de l’Intérieur qui délivre cette autorisation ? On épargnera du chemin de cette manière. Jusque-là, ce qui se passe avec toutes ces tracasseries administratives est en train d’entacher l’image de la Tunisie. Je souligne également que nous faisons bénéficier les hôtels et les agences de location de voitures de nos prestations. Tout cela doit être pris en considération et le ministère des Affaires culturelles ne peut pas résoudre, à lui seul, tous ces problèmes. J’en profite pour dire que nous exerçons un vrai métier et qui n’est pas des plus faciles. Nous avons besoin d’une intervention de la plus haute sphère de l’Etat pour débloquer cette activité économique».
Pourquoi sommes-nous le seul pays au monde qui impose cette taxe ? C’est carrément dire «non» aux productions étrangères : «Investissez vos millions de dollars dans un autre pays et ramenez des touristes pour les autres…». Pourquoi cinq ministères doivent intervenir pour délivrer une autorisation de tournage avec drone ? Quel est l’esprit de cette simple note qui annule une loi ? Si le Maroc attire les plus grandes productions étrangères, c’est parce que le pays offre des facilités extraordinaires et il récolte, ensuite, les retombées économiques. On croit savoir que dernièrement le roi jordanien a mis son propre avion au service des repérages pour un futur film dans son pays. Certes, l’administration et le guichet unique font ce qui est dans leur pouvoir et tentent d’être le plus dynamique possible… Mais la question des tournages de films étrangers en Tunisie doit être traitée au niveau du gouvernement et non plus uniquement au niveau d’un seul ministère.
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