Face à la montée du protectionnisme dans le monde :Quelle posture adopter ?
L’adoption de mesures protectionnistes est bénéfique pour l’économie tunisienne, affirme Kamel Ghazouani, professeur de sciences économiques.
Intervenant lors du débat en ligne organisé par l’Iace, sur le thème «le protectionnisme comme orientation mondiale et son impact sur l’économie tunisienne», le professeur de sciences économiques, Kamel Ghazouani, a appelé les autorités tunisiennes à ratifier la «convention de Vienne» sur la vente internationale de marchandises. Selon l’économiste, ce traité international permettra à la Tunisie de suspendre les accords bilatéraux ayant porté préjudices aux filières économiques nationales, comme c’est le cas pour l’accord conclu avec la Turquie.
Dans ce même contexte, Ghazouani a expliqué que la Tunisie peut demander la suspension de l’Accord d’Association signé avec l’Union européenne, en arguant que ce traité, qui a été ratifié en 1995 par 15 pays européens, concerne, désormais, 27 pays, y compris certains qui sont en concurrence avec la Tunisie. Cette demande peut être effectuée conformément à l’article 93 de l’accord. «Le fait que l’accord s’applique aujourd’hui à 27 pays, alors que le nombre des pays signataires était de 15, pose, à mon sens, un problème juridique», a-t-il poursuivi.
Selon l’intervenant, l’adoption de mesures protectionnistes est bénéfique pour l’économie tunisienne, d’autant plus que les plus grandes économies du monde, qui prônent l’ouverture économique, ont mené, par le passé, des politiques protectionnistes pour protéger leurs industries.
Il a précisé que l’OMC, tout comme le FMI et la Banque mondiale, est une institution capitaliste qui œuvre à libéraliser le commerce en faveur de l’Occident. Expliquant qu’il existe deux types de mesures protectionnistes, l’économiste a fait savoir que les mesures non-tarifaires (telles que les mesures phytosanitaires ou les normes de qualité) sont la partie non apparente de l’iceberg, auxquelles recourent les économies avancées qui promeuvent un discours prônant l’ouverture économique. Ghazouani a, par ailleurs, affirmé que la Tunisie a signé au total 41 accords non préférentiels, qui ouvrent un boulevard aux produits importés qui pénètrent sur le marché local, moyennant un simple certificat délivré par les chambres de commerce.
Les mesures de sauvegarde restent possibles, mais…
Revenant sur la notion du protectionnisme, Chawki Jaballi, spécialiste en relations économiques internationales, a expliqué que les politiques protectionnistes peuvent être considérées à la fois, comme une réaction des Etats dans un contexte de crise économique, mais aussi une atteinte au multilatéralisme, puisque 164 pays membres de l’OMC sont signataires de conventions antiprotectionnistes.
Il a affirmé qu’en réalité, l’OMC n’interdit pas le protectionnisme puisqu’elle permet le recours à des mesures de sauvegarde en cas de préjudices portés à l’économie locale.
Pour le spécialiste, les politiques protectionnistes font leur apparition de manière cyclique, lorsque les crises économiques sévissent et que les Etats adoptent ces politiques pour plusieurs raisons, notamment, pour réduire le chômage, améliorer la balance commerciale ou protéger les filières économiques locales.
En effet, l’OMC a identifié trois types de mesures de sauvegarde. Il s’agit en faite de l’instauration des droits de douane, du système des quotas et des subventions. Jaballi estime, cependant, que la suspension des accords de libre-échange doit être une solution de dernier recours.
S’il s’avère qu’un accord est désavantageux, il est préférable de le revoir en fonction de ses dispositions.
Il a fait savoir que l’activation des mesures anti-dumping est possible, selon les règles de l’OMC, et ce, sous trois conditions indispensables, à savoir une poussée anormale des importations, une balance commerciale menacée et l’existence d’un lien de causalité entre ces deux menaces.
L’expert a également expliqué que le recours au système de résolution des différends commerciaux entre les membres de l’OMC est souvent coûteux pour les pays en voie de développement, d’autant plus que la complexité des litiges et différends commerciaux retarde l’application des décisions de l’OMC.
Par ailleurs, Jaballi a expliqué que les pays en voie de développement œuvrent à former des alliances et des groupements au sein de cette organisation, dans l’objectif d’y instaurer un certain équilibre, affirmant que les accords commerciaux régionaux dotent les pays signataires d’une certaine marge de manœuvre dans les négociations.
Evoquant la Zlecaf, l’expert a affirmé que ce projet d’intégration continentale est venu comme une réponse au problème de la multiplicité des groupements économiques au sein de l’Afrique. S’inscrivant dans la même lignée que la nouvelle génération des accords commerciaux, la Zlecaf promet, selon Jaballi, d’ouvrir des négociations pour trouver des solutions africaines aux problèmes, surtout de développement, que l’OMC n’a pas pu résoudre.
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