Culture

Exposition collective «Anamorphose» à l’espace Ain : Les mots et les choses

 

Posés, çà et là, entre autres singes, zèbres, serpents et autres rongeurs aux couleurs vives et criardes jouent une comédie bien particulière… En mouvements, agités, ils témoignent, dénoncent l’anarchie…

Le photographe et galeriste Mohamed Ayeb expose, pour la rentrée de l’espace Ain, les œuvres d’Amir Chelly, Aya Ben Amor, Hamza Moussa, Inès Arif, Lobna Ben Saad, Nadia Lajili et Rim Bouras. Un groupe de jeunes artistes habitués de l’espace et qui présentent jusqu’au 26 octobre leurs «Anamorphoses» aux démarches actuelles et singulières.

«Anamorphose», c’est ainsi qu’a été nommée leur exposition collective. Le terme signifie une déformation réversible d’une image à l’aide d’un système optique, comme un miroir par exemple, une sorte d’illusion d’optique ou trompe-l’œil…  La leur, ou plutôt les leurs sont plus dans l’allégorie et la métaphore, moins dans le visuel.

Chez Hamza Moussa c’est une histoire d’images-mots. Le jeune artiste, qui a présenté une série de dessins au crayon en petits formats, l’année dernière à cette même période à l’espace Ain dans le cadre de l’exposition de groupe «Fontaine des rêves»—qui a, par ailleurs, réuni presque tous les protagonistes d’»Anamorphose»— remet au jour ses métonymies graphiques mais, cette fois, avec de grands formats («Bala» et «From Afar..»).   

Toujours avec ce même regard critique empreint d’humour qu’il pose sur son monde, l’artiste se joue des mots et des choses avec ses incroyables coups de crayons et ses dessins trônant en maîtres dans des espaces immaculés, sans le moindre arrière-plan. Le dessin, un médium avec lequel Hamza trace son bout de chemin et qu’il ne cesse de peaufiner et de repenser.

On reconnaît aussi l’empreinte de Aya Ben Amor dont on a rencontré l’œuvre dans cette même précédente exposition. La jeune femme récupère des serpillières ménagères et y transfère des figures animalières sauvages ou domestiques. Posés, çà et là, entre autres singes, zèbre, serpents et autres rongeurs aux couleurs vives et criardes, jouent une comédie bien particulière… En mouvements, agités ils témoignent, dénoncent l’anarchie… C’est une approche plutôt écologique, nous explique le galeriste en voyant dans les propos plastiques d’Aya Ben Amor une manière de rendre hommage à la nature et d’inciter à la préservation de l’environnement.

On retrouve chez Lobna Ben Sâad, cette tendance, assez répandue, à jouer des mots. Elle interprète picturalement des proverbes et autres dictons tunisiens en usant du dessin qu’elle aborde au stylo à la main mais aussi en utilisant un stylet et une tablette graphique. En mixant ces deux manières avec d’autres techniques, la jeune femme confronte collectif/personnel, passé/ présent en faisant sienne une mémoire collective, qu’elle transpose subjectivement en alliant technique classique et procédé actuel.

Nadia Lajili, avec sa technique mixte sur papier (collage, dessin, empreinte, estampillage), propose 5 petits formats où elle distille une sorte d’ésotérisme graphique, citant, à travers leurs présences empreintes (leurs impacts), des objets caractéristiques du quotidien comme la clé et la pièce de monnaie. Sa manière de raconter la société de consommation.

Amir Chelly revient avec son univers fantastique et ses bas-reliefs en pâte à modeler. Un univers fait de curieuses créatures anthropomorphes de couleurs pastel. De bien sympathiques monstres aux allures inoffensives que l’artiste a adoptés depuis des années.

Étant enfant, l’artiste était moqué et harcelé par ses camarades, une période qui lui insuffla l’idée de cette figure protectrice, monstrueuse et fragile à la fois à laquelle il confère des fois plusieurs yeux pour signifier la clairvoyance, la connaissance et la sagesse. Elle peut être des fois encore ailée et raconter le désir d’émancipation et la volonté d’aller au-delà des valeurs communes établies, comme, par exemple, s’affranchir des canons esthétiques.

Cette fois il y a ajouté des créatures plus réalistes, comme la girafe et le chevreau, une manière de s’inscrire dans une démarche écologique et sensible au sort que réserve l’hégémonie humaine à la faune que l’on doit protéger.

D’autres artistes et démarches sont à découvrir jusqu’au 26 octobre.

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