Exposition à la maison des jeunes de Sidi Bou Said : «Carthage mon amour, symphonie punique»
Sidi Bou Saïd, village d’art, symphonie du vivre-ensemble trempé dans la convivialité raffinée des citoyens-artistes habitués à croiser les grands noms de l’art, dans nos murs. L’événement qui a animé le village est l’exposition de l’artiste plasticienne Sawssen Kriaâ, intitulée «Carthage mon amour, symphonie punique».
Il ne s’agit pas d’un espace culturel, mais d’une maison des jeunes, dont la directrice est convaincue que jeunes et culture sont synonymes. La tête et les jambes se relaient pour créer l’équilibre de tout citoyen.
Qui ose peindre Carthage ne peut qu’être affligé de cet amour éternel de l’éternelle cité, mère de la technologie qui a permis aux marins carthaginois de mettre les pieds et le sceau de la civilisation du bassin méditerranéen, berceau de la civilisation, comme on aime le désigner, sur le sol vierge de la nouvelle terre, les Amériques.
Sawssen Kriaâ, l’artiste plasticienne, use d’une poïétique originale qui fait appel non aux armes de l’art pictural uniquement, mais aussi à la sculpture, à la poterie, au sable, au goudron et à l’alphabet de la calligraphie carthaginoise, à coup de cet acquis fabuleux qui a doté l’humanité de son arme la meilleure, permettant de transmettre et les cultures et les civilisations et de les partager grâce au dénominateur humain commun, l’entendement humain.
L’artiste est férue d’histoire carthaginoise et creuse, en véritable archéologue, dans tous les textes dont elle dispose et découvre, à titre d’exemple, que les éléphants d’Hannibal provenaient du Sud tunisien et non d’ailleurs. D’ailleurs, elle n’est pas sortie indemne de Kerkouen où elle a été marquée au feu de la nostalgie, pétrie dans cette curiosité effrénée de remonter le temps, pour réécrire l’histoire de Carthage, à la lumière des vestiges gravés sur la peau de l’homme, de la femme, de la sensibilité des descendants et des descendantes d’Hannibal et dans les ruines éparpillés sur tout le territoire tunisien. Elle est une plasticienne doublée d’une archéologue et ses œuvres reflètent une légitimité certaine, dans la revendication d’une réhabilitation de l’histoire de Carthage. Ses couleurs sont autochtones et disent le pays en ce qu’il est une pâte culturelle malléable, qui s’est prêtée de la meilleure des souplesses possibles, à la sculpture de mille et une strates culturelles, tatouées de cet élan fondateur des cités bordant toutes les côtes et arrivant aux pays de toutes les merveilles. L’artiste, en plasticienne avertie, a acquis un savoir-faire qui révèle un savoir-être au monde, réfléchi et ruminé, dévoilant mille et un secrets de son appartenance et de ce sentiment d’appartenance au carrefour des civilisations : la Tunisie.
Elle se veut unique en son genre en dénonçant les falsifications perpétrées par le vainqueur inique et se démarque des pratiques d’amateurs non encore rompus au geste ombrageux de la main créatrice de curiosités inventives, innovantes, correctrices et novatrices, par et avec la pensée.
Un artiste doit produire des œuvres qui pensent et qui font penser. La théorie de la réception affirme qu’une œuvre ne s’accomplit qu’à la condition sine qua non, de profiter de la notion de diversalité si chère à l’illustre Edouard Glissant, et l’œuvre d’art, autant que l’identité d’une personne, gagne toujours à passer par le filtre de la sensibilité de l’œil regardant.
L’ocre est la couleur–amulette que l’artiste conjugue au spectre de la pourpre qui a fait la noblesse des Carthaginoi(se)s.
Voir son exposition, c’est remonter le temps, pour le repeindre aux couleurs de l’ « âmeour » incommensurable de notre identité ancrée dans le temps et si apte à s’adapter au cours de l’histoire et de son évolution.
Néjib GAÇA
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