Epargne en Tunisie : Comment sauver un mécanisme crucial malmené ?
Dans un contexte économique délicat marqué par l’instabilité et une inflation en hausse, l’épargne se présente comme un outil incontournable pour les ménages tunisiens. Pourtant, les défis sont nombreux: méfiance envers les institutions financières, manque d’éducation financière et priorisation de la consommation immédiate.
L’épargne joue un rôle crucial dans la stabilité et le développement économique d’un pays. En Tunisie, la question de l’épargne revêt une importance particulière, tant pour la sécurité financière des ménages que pour le financement des investissements. Malgré des indicateurs positifs dans certains segments, le développement de l’épargne en Tunisie est entravé par des obstacles structurels et conjoncturels qui méritent une attention particulière.
Pourquoi les Tunisiens épargnent-ils si peu ?
Tout d’abord, il est important de souligner que la composition de l’épargne tunisienne se divise en trois principales catégories : l’épargne des ménages, les excédents budgétaires des entreprises publiques et l’épargne des institutions. Selon Mohamed Nakhili, expert bancaire, les dépôts à terme et autres produits financiers ont enregistré une hausse notable en 2023, atteignant un total de 16.509 millions de dinars, avec une augmentation de 1.277 millions de dinars par rapport à l’année précédente.
Cette tendance montre un intérêt croissant pour l’épargne, mais soulève également des questions sur les défis qui entravent son expansion. En effet, en Tunisie, l’épargne se décline en différentes formes. L’épargne classique, incarnée par les livrets d’épargne, est largement adoptée par les familles. En outre, les contrats de capitalisation et les investissements en actions représentent d’autres avenues d’épargne. En matière d’avantages fiscaux, l’Etat tunisien encourage l’épargne à long terme, permettant aux épargnants de bénéficier d’une réduction d’impôts allant jusqu’à 55% sur les fonds investis, plafonnés à 100.000 dinars par an lors de la première année de souscription. Ces incitations visent à promouvoir une culture d’épargne, en offrant des alternatives aux ménages qui cherchent à sécuriser leur avenir financier.
Malgré ces efforts, l’épargne en Tunisie fait face à des défis majeurs qui entravent son développement. Selon l’expert bancaire, la situation économique difficile, marquée par une inflation galopante et une instabilité financière persistante, incite de nombreux Tunisiens à privilégier la consommation immédiate plutôt que l’épargne à long terme. En 2023, la Tunisie a enregistré un taux d’inflation de 8,6 %, ce qui a considérablement réduit le pouvoir d’achat des ménages. Face à cette réalité, de nombreux citoyens perçoivent l’épargne comme un luxe qu’ils ne peuvent pas se permettre, préférant dépenser leurs ressources pour faire face aux besoins quotidiens.
De plus, la confiance dans le système bancaire demeure un facteur déterminant dans la décision d’épargner. Plusieurs scandales financiers ont terni l’image des institutions bancaires, entraînant un scepticisme parmi les citoyens. Cette méfiance se traduit par une faible adhésion aux produits d’épargne proposés par les banques. En 2022, le taux d’épargne des ménages tunisiens était estimé à environ 8% du revenu disponible, un chiffre relativement bas par rapport aux normes internationales, qui soulève des préoccupations quant à la capacité des Tunisiens à constituer une épargne significative.
L’éducation financière, l’autre paire de manches
Un autre obstacle important à l’épargne en Tunisie réside dans le manque d’éducation financière. Les Tunisiens sont souvent mal informés des produits d’épargne disponibles, de leurs avantages et des mécanismes de fonctionnement des marchés financiers. Ce manque de connaissance limite leur capacité à prendre des décisions éclairées concernant leur épargne. Selon une étude de la Banque mondiale, seulement 37% des Tunisiens affirment avoir une compréhension de base des concepts financiers, ce qui souligne l’importance d’initiatives éducatives pour promouvoir une culture d’épargne.
Les institutions financières et le gouvernement doivent donc travailler de concert pour mettre en place des programmes d’éducation financière adaptés, qui permettront aux citoyens de mieux comprendre l’importance de l’épargne et de les sensibiliser aux outils disponibles pour atteindre leurs objectifs financiers. Par exemple, des ateliers, des séminaires et des ressources en ligne peuvent être mis en place pour éduquer la population sur les bases de l’épargne, l’investissement et la gestion financière.
Pour encourager l’épargne, le gouvernement tunisien a mis en place plusieurs initiatives. En plus des avantages fiscaux pour les épargnants, des campagnes de sensibilisation ont été menées pour promouvoir l’épargne comme une pratique essentielle. De plus, les banques tunisiennes offrent des produits variés pour attirer les épargnants, notamment des comptes d’épargne à taux d’intérêt attractifs et des contrats de capitalisation.
Cependant, il est crucial que ces efforts soient soutenus par des politiques économiques stables et prévisibles. Les incertitudes politiques et économiques créent un environnement défavorable à l’épargne, incitant les ménages à adopter une approche conservatrice vis-à-vis de leurs finances. La stabilité politique, associée à des politiques économiques claires, est essentielle pour encourager la confiance des citoyens dans le système financier.
La nécessité d’une stratégie globale
Pour véritablement promouvoir l’épargne en Tunisie, une stratégie globale doit être adoptée. Cela implique non seulement d’améliorer les conditions économiques et politiques, mais aussi d’encourager une culture de l’épargne au sein de la société. Les partenaires sociaux, y compris les entreprises et les ONG, peuvent jouer un rôle clé en promouvant des initiatives d’éducation financière et en encourageant les pratiques d’épargne parmi leurs employés.
En parallèle, le secteur bancaire doit continuer à innover en proposant des produits d’épargne adaptés aux besoins des différentes catégories de la population. Par exemple, des solutions d’épargne pour les jeunes, les femmes et les travailleurs informels doivent être développées pour répondre aux défis spécifiques auxquels ces groupes sont confrontés.
Ainsi, l’épargne en Tunisie représente un mécanisme vital pour la sécurité financière des ménages et le développement économique du pays. Cependant, son développement est freiné par des obstacles structurels et conjoncturels qui nécessitent une attention particulière et la mobilisation des ressources d’épargne des Tunisiens qui est essentielle pour garantir un avenir économique prospère et durable. Le défi consiste désormais à transformer cette réalité en une opportunité, en instaurant une culture d’épargne solide et en instaurant la confiance dans le système financier tunisien.
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