En marge des derniers mondiaux d’Athlétisme : Pas du tout à armes égales
Il faudrait au contraire finir par comprendre qu’un minimum est nécessaire pour demander des résultats
Bien sûr on peut aimer, n’accorder que peu d’importance ou détester. Le football est supposé être le…. roi des sports. Peut-être, mais que dire de l’athlétisme qui mérite cette couronne royale.
A voir ce stade magnifique où se sont déroulés les championnats du monde, à voir ces athlètes dames et hommes se dépenser avec une spontanéité incroyable, une volonté inébranlable, une générosité désarmante, sans attendre de cadeaux de personne, ni de la part de l’arbitre ni de la VAR, il y a de quoi affirmer que l’Homme n’est Homme que lorsqu’il affronte les difficultés avec ses propres moyens, avec ce qu’il a préparé, consenti, engrangé pour être le meilleur entre les meilleurs. Une compétition qui revêt pour tous les athlètes présents, une signification de la plus haute importance. Pour la bonne raison, qu’ils se situent à un tout petit peu moins qu’une année, des Jeux Olympiques de Paris, soit du 26 juillet au 11 août 2024.
Nous avons pu suivre ce spectacle grandiose, cette organisation minutée, ces combats ahurissants qu’hommes et femmes, soigneusement préparés, menaient contre l’inertie : elles et ils tenaient à sauter le plus loin et le plus haut, courir plus vite, lancer plus loin. A souhaiter que ce spectacle ne finisse jamais. Avec des visages étincelants de bonheur, des mines réjouies, des yeux qui pleurent la réussite ou l’échec.
Ceux qui ne rechignent pas à la dépense.
Ces actrices et acteurs ont été bien préparés. Cela sautait aux yeux. Les moyens mis à leur disposition, ce sont les athlètes eux-mêmes qui les énuméraient. Des stages, des meetings un peu partout dans le monde et des conditions qui expliquent les progrès parfois prodigieux qu’ils effectuaient.
Et cela nous laisse rêveurs, face à autant de ferveur pour préparer ces événements qui rassemblent des milliards de personnes devant une TV pour voir concourir la crème de ….l’humanité. Les grandes nations et non des moindres, les nantis plus que les pauvres, ont choisi ce genre d’événements pour que l’on parle d’eux. Et c’est ainsi que des athlètes de valeur ont choisi d’émigrer pour courir sous les couleurs de ceux qui ne rechignent pas à la dépense.
La Tunisie n’a pas besoin d’accueillir des athlètes de haut niveau pour les faire concourir sous ses couleurs. Elle est capable d’en produire. Elle l’a déjà fait et même ce sont ses représentants qui ont été les premiers à mettre à mal la domination américaine et européenne sur les longues distances, puis sur des épreuves de spécialités. En dépit de l’état actuel de son économie, elle a assuré la préparation de ses représentants. Avec les moyens du bord ? Non, nous aurions pu mieux faire.
Manque de solidarité
Dans ce chapitre, il y a beaucoup à dire, mais résumons la situation en quelques mots : il n’y a pas de solidarité entre les organismes qui s’occupent du sport en Tunisie. De toutes les façons, ce ne sont pas les quelques centaines de millions ou les quelques milliards dépensés qui nous permettront de nous présenter avec de meilleurs atouts dans ce genre d’événements.
Il fut un temps où quelques dizaines de milliers de dinars suffisaient pour clôturer la saison. Ces temps sont révolus. On ne peut s’en tirer qu’avec un budget conséquent, où tout est prévu. Et cela va de l’équipement à l’encadrement en passant par les meetings, les compétitions internationales de haut niveau.
Il est difficile de trouver des sponsors, surtout depuis que la possibilité offerte aux privés d’affecter, sous forme de publicité à déduire de l’assiette des impôts, l’équivalent de un pour mille de leur chiffre d’affaires.
On a abrogé cette loi en raison des manipulations et autres dépassements qui, en fin de compte mirent un terme à cette bonne initiative. L’Etat, en effet, sacrifiait une partie de ses rentrées pour permettre aux fédérations et aux clubs de mieux fonctionner. La suspension de cette loi n’était pas la bonne décision. Il fallait mieux l’aménager pour mettre en place des garde-fous et continuer à faire profiter le sport de cet appui financier, tout en allégeant l’Etat du poids de cette obligation. En effet il ne s’agit pas de fournir des subventions de fonctionnement à des clubs professionnels mais bien de conforter l’activité physique et sportive dans le pays.
Cette situation a énormément gêné les fédérations et les clubs. Certes, les donateurs pouvaient toujours fournir une assistance mais avec beaucoup de restriction étant donné que la déduction de l’enveloppe destinée à ce poste était déductible de l’assiette des impôts. Il nous semble qu’il faudrait y revenir en garantissant les intérêts de toutes les parties concernées dans le cadre d’un réaménagement des activités physiques qui prendrait en compte l’importance du sport dans la vie de l’individu. Fermons ce chapitre en affirmant que, par ces temps difficiles, nous ne nous battons pas à armes égales. Nos adversaires ont beaucoup plus de moyens et leurs représentants parcourent le monde, entourés d’un encadrement impressionnât, conformément à un calendrier soigneusement mis au point par des techniciens hautement qualifiés. Les résultats ne se font pas attendre. Les conséquences de ces absences de moyens se reflètent chez nous par des économies de bouts de chandelle. C’est ainsi que Marwa Bouzayani a eu des problèmes d’adducteurs. L’absence de Kiné pour mettre au point un programme de rééducation n’a pu être assuré. Des adducteurs incommodent une personne qui ne fait que marcher. Que dire lorsqu’il s’agit de courir et de franchir des obstacles ?
Entendre Abdessalam Lâayouni crier sa détresse face aux manquements qui entravent toute possibilité de progression est consternant. Tout en espérant que cet athlète ne sera pas sanctionné pour sa franchise, il faudrait au contraire finir par comprendre qu’un minimum est nécessaire pour demander des résultats. Des sports comme l’athlétisme, la natation, l’haltérophilie, la lutte, la boxe ne pardonnent pas la baisse de régime et les programmations en dents de scie.
C’est juste là une remarque, car pour tirer des conclusions qui pourraient servir dans l’avenir, il ne faut jamais chercher des excuses. Il faut au contraire se prémunir contre ce genre de situation. Par exemple, décider qu’en remplacement d’un chef de délégation il y ait un Kiné….. C’est plus utile.
Des régions ciblées
Le samedi 24 juin 2023, à Hammamet, le ministre de la Jeunesse et des Sports a eu un entretien avec le président de la Confédération Africaine d’Athlétisme, en présence du président de la Fédération Tunisienne d’Athlétisme. Il a été question de l’état de l’infrastructure sportive et son développement pour permettre à cette discipline de progresser et de s’ancrer davantage dans les milieux qui lui sont propices.
Il a été question de mettre en place, dans chaque gouvernorat essentiellement porté vers ce sport…, deux pistes. Pour que ce ne soit pas du vent, il serait opportun de nous dire comment allons-nous nous y prendre pour réaliser cette magnifique proposition, en sachant que la Tunisie aurait l’intention de présenter sa candidature pour les championnats africains d’athlétisme de 2026 ?
C’est un engagement qui vaut parole donnée à un haut responsable continental.
A notre sens, ces promesses, en attendant de les prévoir dans les prochains budgets de l’Etat, devaient être renforcées par des moyens accrus à mettre à la disposition de la Fédération Tunisienne d’Athlétisme, pour qu’elle puisse accroître son action au niveau des régions ciblées, mais aussi dans d’autres où l’on peut trouver des éléments intéressants. Des cross organisés pour tous, des parcours de détection dans les gouvernorats de manière régulière ne seront pas de trop, l’encadrement des cross scolaires et universitaires, un rapprochement conséquent au niveau des grands ensembles comme l’Armée et la Garde Nationale qui ont toujours été un creuset de valeurs et qui disposent de moyens pour porter les éléments intéressants là où il le faut, etc…
L’athlétisme, c’est un sport auquel on s’attache, surtout lorsqu’on l’a pratiqué. Mais c’est un sport qu’on ne peut qu’admirer, car voir une femme ou un homme s’arracher les entrailles rien que pour être le meilleur, se donner sans tricher avec une volonté admirable pour améliorer un temps de quelques centièmes de seconde ou une hauteur de quelques centimètres, fruit d’un travail qui a duré des mois et des mois, ce n’est pas donné. Voilà pourquoi ces hommes et ces femmes sont à respecter et le respect qu’on leur doit ne peut se confirmer qu’en mettant à leur disposition ce dont ils ont besoin.
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