Dette souveraine intérieure et risque d’insolvabilité : La viabilité du secteur bancaire d’abord
On a tendance à penser que la performance des banques locales pourrait amener le secteur à prêter davantage à l’Etat et même à agir de manière imprudente. Un comportement qui pourrait être très lourd de conséquences.
Décidément, la Tunisie s’expose de plus en plus aux difficultés financières. Depuis quelque temps on a tendance à évoquer régulièrement les questions d’endettement, de déficit budgétaire et d’absence de sources de financement. Aujourd’hui, on va malheureusement plus loin. Et c’est le risque d’assèchement de la liquidité qui est d’actualité. Dans une note publiée le 6 novembre, l’agence de notation internationale Fitch Ratings tire la sonnette d’alarme. Elle estime, en effet, que «les bénéfices en hausse des banques tunisiennes, notamment lors du 1er trimestre 2023, dissimulent des risques croissants de liquidité et de solvabilité».
On a tendance à penser donc que la performance des banques locales pourrait amener le secteur à prêter davantage à l’Etat et même à agir de manière imprudente. Un comportement qui pourrait être très lourd de conséquences.
L’agence reconnaît justement que la dette souveraine tunisienne est déjà élevée. Elle se situe actuellement à 20 milliards de dinars, soit 12% du PIB.
Les banques tunisiennes trouveraient beaucoup de mal à reconstituer leurs provisions
Ce qui inquiète réellement, c’est qu’un endettement excessif de l’Etat au niveau du secteur bancaire pourrait le placer dans une situation de défaut de paiement. Une éventualité à haut risque. Car si cela se concrétisait, les banques tunisiennes, du moins certaines d’entre elles, trouveraient certainement beaucoup de mal à reconstituer leurs provisions et rééquilibrer leurs fonds propres.
Cela est d’autant plus vrai que le profit du secteur bancaire, comme le relève l’agence, ne serait pas forcément le même durant la prochaine étape, surtout avec les nouvelles taxes prévues sur les bénéfices des banques par le projet de la nouvelle loi de finances pour 2024.
Et la question est encore plus grave : une situation de défaut de paiement, affirment certains analystes, «pourrait forcer une opération de décote de la dette souveraine, en grande partie en monnaie locale. Surtout que les ratios de solvabilité exigés pour les crédits souverains ne représentent pas forcément une garantie réelle».
Ce scénario de décote donne déjà des frissons, car certaines de nos banques se retrouveraient dans l’incapacité d’honorer «les exigences minimales de fonds propres réglementaires». Et à ce moment-là on se retrouverait dans un contexte de stress financier et par conséquent dans une position «d’instabilité financière».
Les risques d’un stress financier
On reconnaît en fait que les banques tunisiennes, malgré leur performance actuelle, ne sont pas suffisamment robustes pour anticiper ou encore se prémunir contre certains chocs, comme celui d’un défaut de paiement souverain ou de rupture de liquidité.
Et dans ce tableau de stress financier, l’économie nationale serait, bien entendu, le grand perdant. Comprendre que les pertes qu’on pourrait faire subir aux banques pour soulager la dette publique affecteraient directement tous nos fondamentaux économiques. Puisqu’un défaut de paiement et un assèchement de la liquidité impliqueraient, comme on l’a déjà souligné dans des éditions précédentes, un prélèvement automatique sur les investissements et le financement des programmes de développement. Il impliquerait également une mise au ralenti de l’appareil productif et un «freinage sec» de la consommation. Un peu trop pour un pays en pleine crise économique depuis plusieurs années et qui cherche désespérément une porte de sortie.
C’est d’ailleurs dans cette optique que les règles de Bâle III ont donné toute son importance à la mise en place de «certaines dispositions à la fois macro et micro-prudentielles pour assurer la stabilité financière du secteur bancaire et éviter de compromettre sa viabilité».
Des dispositions qui nécessitent toutefois, comme le soutiennent les experts, un engagement proportionné de l’Etat à travers la mise en place, entre autres, d’un mécanisme spécifique à la restructuration de la dette souveraine.
L’on estime en effet que «l’option pour la décote est toujours à risque». En cas de difficulté de paiement, il serait plus indiqué pour les banques «d’allonger les échéances ou d’abaisser les taux d’intérêt que de réduire le montant nominal des créances».
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