Dette publique : Le retour de la croissance, une condition sine qua non à la soutenabilité
La Tunisie est plongée dans une crise économique d’une ampleur inédite depuis plus d’une décennie. L’activité économique a subi un choc, lequel s’est matérialisé par une contraction importante des ressources financières suite à une hausse des dépenses publiques. Ainsi, l’endettement public s’est élevé pour devenir insoutenable, freinant les investissements publics et privés, faisant accroître la pression budgétaire, réduisant les dépenses sociales et limitant les capacités du pays à mettre en œuvre des réformes structurelles pour renforcer la résilience et les performances de l’économie.
A l’instar de nombreux pays à travers le monde qui font face à cette situation, la Tunisie a pu maîtriser sa dette publique. Cette datte a ralenti ces dernières années la croissance économique, déjà mise à mal par des déséquilibres macroéconomiques, des contraintes structurelles et l’absence d’une stratégie de refondation du modèle économique et social. Le contrôle de la dette publique était l’objectif primordial de l’exécutif, inscrit désormais dans le contexte d’une reprise en main des finances publiques, laquelle devra être articulée autour d’une stratégie de refondation du modèle économique et social.
Point sur la dette au premier semestre 2024
D’après les propos de Sihem Nemsia, ministre des Finances, la Tunisie a respecté ses engagements financiers au titre du premier semestre de 2024. Cela représente une dette totale de l’ordre de 11,6 milliards de dinars. La Tunisie a remboursé 54% de sa dette extérieure à la fin du mois de juin 2024, ce qui représente 6,6 milliards de dinars.
Au cours du mois de février, la Tunisie a également remboursé l’emprunt obligataire d’un montant de 850 millions d’euros, ainsi que plusieurs tranches du prêt contracté auprès du Fonds Monétaire International, représentant 305 millions de dollars. A ceci s’ajoute une tranche du prêt contracté auprès de l’Afreximbank, d’un montant de 35 millions de dinars. Une partie du prêt contracté auprès de l’Arabie Saoudite, d’un montant de 50 millions de dollars, ainsi qu’une partie du prêt contracté auprès du Fonds Arabe, d’un montant de 35 millions de dollars, ont été remboursées.
Il est à noter que la dette publique tunisienne a quintuplé passant de 25,64 millions de dinars (MD) en 2010 à 127,2 milliards dinars en 2023, soit 43% du PIB en 2010 et 80% du PIB en 2023. La dette par habitant est passée de 2,43 mille dinars en 2010 à plus de 10 mille dinars en 2023. Le service de la dette publique s’est accru pour atteindre 20,8MD en 2023 contre 3,6MD en 2010.
De même, la charge d’intérêts est passée de 9% des recettes fiscales en 2010 à plus de 15% en 2023. Le déficit budgétaire est passé de 1% du PIB en 2010 à près de 7,7% en 2023, sous-tendant la montée rapide du stock de la dette publique.
La structure de la dette est globalement dominée par l’endettement extérieur qui représente 64% de l’encours de la dette en 2023, avec une tendance plus marquée au recours à la dette intérieure depuis 2021. La durée moyenne de remboursement de la dette publique et celle de révision du taux d’intérêt de la dette se sont réduites respectivement à moins de 6 ans et à 4.3 ans en 2022. D’après la récente note de l’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq), «l’encours de la dette des entreprises publiques garanti par l’Etat (passif éventuel) a atteint 20MD en 2022 soit 14,1% du PIB ».
Évaluation de la soutenabilité de la dette publique
Autant, «la Tunisie est jusque-là solvable en honorant ses engagements sans perte de contrôle de sa dette, autant les risques d’insoutenabilité de la dette tendent à s’accroître, si l’on songe aux niveaux élevés des déficits primaires, la baisse de la maturité moyenne de refinancement et de refixation de la dette et à l’augmentation des besoins de financement du budget de l’Etat. Ce qui pèse sur la capacité de l’Etat à investir dans le développement et à financer l’ensemble des politiques publiques visées », selon la même source.
Le vrai gage de la soutenabilité de la dette publique « réside dans la performance de l’économie réelle et l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique».
Le problème réside dans la création de l’investissement et l’emploi. « Le retour de la croissance est une condition sine qua non à la soutenabilité de la dette publique ce qui appelle l’avancement dans les réformes et le desserrement de la politique monétaire, tout en consolidant la dynamique de l’investissement public».
L’Itceq indique que la soutenabilité de la dette publique nécessite des efforts de rationalisation. Ainsi, seule l’allocation de la dette pour le financement des facteurs de croissance et de création de richesse pourrait aider à se sortir de ce cercle vicieux pour atténuer cet effet de boule de neige et de s’éloigner du scénario de restructuration avec toutes ses conséquences néfastes sur l’économie. Dans ce contexte, « la diversification des sources de financement du budget de l’Etat s’impose et doit passer obligatoirement par l’amélioration des capacités productives de l’Etat et une réforme du système fiscal, qui constituent la principale source de financement (plus de 60% de recette), sont nécessaires pour assurer la soutenabilité de la dette publique et maîtriser le déficit budgétaire. En effet, les actions de réforme doivent miser sur les aspects qui visent plus de rationalité et d’efficacité».
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