Culture

Chroniques de la Byrsa : Un Monsieur d’une autre époque

C’est un Monsieur sorti d’un passé guère très éloigné et que, de temps à autre, je croise en me rendant au marché du quartier. Pour moi, c’est une image très vivante (parce que très naturelle) surgie de l’album de mon enfance et de mon adolescence et elle soulève en moi une forte nostalgie et énormément d’interrogations.

Plutôt trapu et rondelet, ce vieillard qui ne veut rien concéder aux conventions de la modernité avance sur le chemin de son restant de vie à pas mesurés mais sûrs, conscient de son bon droit à conserver une place dans le panorama de la contemporanéité. Il affiche une superbe indifférence aux regards surpris, et parfois amusés, de ceux, beaucoup plus jeunes, qu’il croise sur le chemin de ses courses. 

Il est habillé de tradition de pied en cap et, très certainement, du dehors comme du dedans, je veux dire sur son corps comme dans sa tête et dans son cœur. Et dans la manière également de tenir son couffin ou d’agiter son éventail en temps de forte chaleur. N’ayant jamais eu la chance de l’entendre parler (j’aurais une peur bleue de perturber la sérénité de son maintien), je suis de même certain que son élocution et son langage me renverraient l’écho hélas lointain et révolu pour les jeunes générations du parler citadin si onctueux, si précieux et si lustré.

Voilà. Une rencontre muette dont j’espère qu’elle se renouvelle autant de fois que le Destin voudra bien m’en accorder la faveur. Mais une rencontre dont je suis bien conscient de sa fragilité et qu’elle est appelée à être interrompue par la fin logique de tout parcours. Et alors ce sera quoi ? L’évanescence d’une silhouette qui s’est entêtée à survivre à bien des renonciations ? 

Ce n’est pas pure coïncidence que ces pensées me reviennent maintenant à l’esprit. Le mois de Ramadan, dans nos traditions tunisiennes, est celui d’une quête de réconciliation avec soi-même. La famille se retrouve dans sa vérité sociale et spirituelle, dans la redécouverte de son identité profonde. C’est le temps de la réhabilitation des valeurs fondamentales de notre société. Entre autres dans le domaine vestimentaire. Après le raz-de-marée européen était venu le temps des parades orientalisantes sous prétexte de retour aux… sources d’une tradition qui nous est étrangère.

 Alors, comment, dans ces mouvements de flux et de reflux, garder ses repères et rester amarré à ce qui constitue le ciment de notre société ?

(A suivre)

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