Culture

Chroniques de la Byrsa: Plus haut, plus grand, plus laid !

A mon âge, il est bon, lorsque l’occasion s’en présente, de confesser quelque erreur de jeunesse. Et il en est ainsi ce dimanche.

L’erreur, que dis-je : le péché qui m’amène aujourd’hui à contrition, je l’ai commis un jour de 1993 lorsque, membre du Bureau de l’Association tunisienne des journalistes et écrivains du tourisme (Atjet), au cours d’une réunion préparatoire à l’organisation, chez nous, d’un congrès de la Fédération internationale des journalistes et écrivains du tourisme (Fijet), j’ai proposé une action insolite pour attirer sur cet événement les regards médiatiques nationaux et étrangers.

L’idée « géniale » (hhh, comme on dit aujourd’hui en langage facebookien) consistait à inscrire dans le Guiness book des records la préparation du plus grand couscous au monde. Dans le plus grand couscoussier, évidemment ! Pour ce faire, nous avons fait confectionner l’« engin » dans les ateliers de l’Office national de l’Artisanat, à Den-Den, puis nous l’avons installé sur un char et fait précéder d’une troupe de musique liturgique qui l’a accompagné de Den-Den jusqu’à l’avenue Bourguiba, à Tunis, où nous l’avons fait défiler sous les yeux incrédules des passants. C’est vrai qu’il avait de l’allure, trônant à quelque deux mètres au-dessus du sol. Puis nous l’avons dirigé vers Kairouan, précisément au palais de Rakkada où il a été installé dans les jardins. Le couscous y a bien été préparé cependant que les cavaliers Zlass tournoyaient sur leurs fières montures autour de l’impressionnant dispositif. Et ce fut un gros succès auprès des congressistes et du public. Les médias nationaux se sont largement servis de cette « grande bouffe » pour améliorer l’ordinaire de leurs ternes menus, mais je ne sais si le New York Times, la Pravda ou l’Asahi Shimboun s’en sont fait l’écho.

Bref, l’objectif a été atteint à tel point que le gouvernorat de Kairouan a pris la malheureuse initiative de faire « construire » par les ateliers du souk de Kairouan (non, mais…) un couscoussier encore plus grand et de l’implanter au milieu d’un rond-point à l’entrée-est de la ville (celle qui vient de Tunis !). La porte a désormais été ouverte à toutes les extravagances.

Avant d’aller plus loin et pour éviter toute polémique avec mes amis Nabeuliens, je rappelle ici que, très précocement et avant tout le monde, la ville des Potiers s’était dotée d’un « monument » tout à fait exceptionnel : une jarre de très grande taille en céramique qui continue de trôner en centre-ville et qui contient même un arbre !

Les maires, les délégués, les gouverneurs et peut-être même des ministres se sont dès lors découvert une vocation de décorateurs, d’architectes, d’urbanistes, qui les autorisait, à peu de frais, à se livrer à leurs fantasmes : ici, un bouquet d’artichauts géants, là trois épis de même facture, ailleurs des quenouilles, bref tout ce qui peut grandir à bon marché. Là où, je crois, le délire a atteint son paroxysme, c’est dans cette localité du Centre-ouest où un quelconque démiurge a érigé une barque (eh oui !) de plusieurs mètres de long à l’arrière de laquelle un aigle immense déploie des ailes protectrices et, en proue, un lion se dresse fièrement, brandissant …un « 7 » !

Quand consentira-t-on au repentir et à confier de tels ouvrages, indispensables à l’agrément du cadre de vie des citoyens, aux véritables créateurs ?

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