Culture

Chroniques de la Byrsa: Par Tahar AYACHI L’ami iranien (V)

Mon ami iranien venu en Tunisie s’instruire sur la question de l’alimentation des villes en eau potable dans l’Antiquité et que j’ai accompagné sur le site de Carthage pour, entre autres, visiter les citernes romaines qui recevaient les eaux acheminées de Zaghouan, de Jouggar et de Bjaoua via le fameux aqueduc. Incidemment, et après m’être rappelé que j’étais en présence d’un citoyen iranien, donc très probablement d’obédience chiite, j’ai été amené à rappeler à mon hôte que la Tunisie, alors appelée Ifriqiya, et plus précisément la ville de Mahdia, était le berceau du premier Etat chiite au monde.

Cette révélation l’a véritablement ébranlé, lui, homme cultivé, qui croyait qu’avant l’instauration du chiisme comme religion de l’Etat safawide fondé en Perse au XVIIIe siècle, seule l’Egypte, dans le monde arabe, avait connu le règne d’une dynastie chiite, les Fatimides. J’ai alors profité de cette brèche pour enfoncer le clou. J’ai rappelé à mon ami que Le Caire lui-même, siège de ce pouvoir fatimide,  avait été créé par des « Tunisiens ». ç’en était trop pour lui. Comment ça ?

Reprenons le cours de l’histoire, lui ai-je demandé. Le fondateur de la dynastie et de la ville de Mahdia, Obaïd Allah, avait dans sa visée d’instaurer le chiisme dans tout l’empire musulman, en particulier en Orient dont il était originaire. Pour cela, il organisa en 913, sous le commandement de son fils al-Qaïm, une expédition militaire maritime contre l’Egypte qui s’en revint avec pour seule « prise » la ville de Tripoli, suivie l’année d’après par celle de Benghazi et d’une grande partie de la Syrte.

En 969, Jawhar es-Siqilli engage le chantier

de la fondation d’une ville dédiée à son maître

sous l’appellation de al-Qâhira, la triomphale

Alors évaporé le rêve de Obaïd Allah ? Il a seulement été sursis jusqu’à l’avènement du quatrième « calife » fatimide, son petit-fils al-Mouïz li-Din Allah. Celui-ci chargea le brillant général Jawhar es-Siqilli, qui avait conquis la Sicile, de conduire une nouvelle expédition en direction de l’Egypte qu’il occupa en 969. L’officier engage aussitôt le chantier de la fondation d’une ville dédiée à son maître sous l’appellation de al-Qâhira, la triomphale. Al-Mouïz y entra en triomphateur en 973.

La tête penchée, les yeux tout ronds, mon vis-à-vis s’est abimé dans une profonde méditation. Profitant de cette absence momentanée, je me suis posé la question de notre incapacité à exploiter toutes les ressources tant matérielles que non matérielles sur lesquelles nous sommes assis et dont j’avais dressé une liste non exhaustive dans la deuxième partie de cette suite consacrée à mon ami iranien. Il y a d’énormes bénéfices à en retirer tant en termes de recettes financières que de prestige. Un circuit du chiisme en Tunisie est possible qui conduirait le visiteur, chiite en particulier, sur des lieux de mémoire et des sites urbains, sans parler de la persistance de traditions (célébration de achoura, port du blanc en guise de deuil à Mahdia, etc.) remontant à la période fatimide ou, plus étonnante et moins connue, la survivance d’une communauté de fidèles chiites qui s’est abstraite du paysage religieux des siècles durant…

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