Chroniques de la Byrsa: Les miracles du caniveau
Ce dimanche, je devais entretenir mes lecteurs de tout autre chose qui n’a rien à voir avec les propos à venir. Mais une rencontre singulière est venue dévier mon propos.
De retour du bureau de poste de Carthage, sous la pluie fine et si amicale de vendredi dernier, j’ai cheminé comme à chaque fois que j’effectue cette remontée qui, du bord de mer qui vient caresser les murs de l’ancien palais beylical, conduit vers la cime de la colline de la Byrsa. J’escaladais la pente, tête baissée, songeant aux promesses de ces précipitations tant promises et tant attendues, quand, à quelques dizaines de mètres de la station du « TGM », sur la gauche, presque en face du siège de la délégation et du terrain de tennis, mon regard a été accroché par deux apparitions quasi miraculeuses : deux très jeunes plants de palmier au beau milieu du caniveau qui charriait, ce jour-là, une eau rendue très claire par la quantité d’eau qui a transité par cette rigole et qui avait évacué toutes les impuretés que notre vaillante mairie avait laissées s’y accumuler. Je ne saurais dire pourquoi, je me suis arrêté tout net, comme fasciné par le spectacle. Deux jeunes pousses de moins d’une vingtaine de centimètres de haut, incrustés là, dans l’asphalte au pied d’un géant étêté suite à l’offensive, en mars 2011, d’un nuisible, le charançon, venu du lointain Maroc, dissimulé parmi un lot de palmiers importés (eh oui !) par l’entreprenant gendre de Ben Ali, un certain Mohamed Sakher Matri, et qui n’avait pas voulu, comme la loi le stipule, soumettre ses protégés à la quarantaine réglementaire. On sait les ravages que cela a occasionnés.
Quel plus beau message d’espérance,
d’incitation à la persévérance;
quelle plus belle preuve de résilience ?
J’étais donc là, planté en bordure du trottoir, immobile à l’abri d’un parapluie sur lequel tambourinait une pluie amicale, méditant sur ce véritable miracle accompli par la nature et que les hommes, en plus d’une douzaine d’années, ont été incapables à réussir. Oui : dans des fentes causées dans l’asphalte par les intempéries, deux noyaux de dattes tombées d’un palmier ornemental, mort depuis, ont réussi à s’incruster, à germer, à jeter des racines et à croître. Quel plus beau message d’espérance, d’incitation à la persévérance ; quelle plus belle preuve de résilience ? Ce message est d’autant plus fort qu’il s’exprime ici, dans ce boulevard qui, avec ses deux rangées d’altiers palmiers, se déversait dans la mer dans l’un des plus beaux tableaux de la banlieue nord de la capitale, si ce n’est de tout le pays et reproduit à l’infini dans toutes sortes de publications, cartes postales en tête.
On aurait espéré qu’à l’occasion de la fête de l’Arbre, la mairie, la délégation ou le gouvernorat s’inspirent d’un aussi bel exemple. Mais tout ce beau monde chemine-t-il, par temps de pluie, en bordure du trottoir de leur périmètre administratif ? Ils ont sûrement d’autres soucis en tête pour avoir le temps de folâtrer.
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