Chroniques de la Byrsa: Le bazar des balcons
La Presse — Les dictionnaires en donnent une définition exclusivement architecturale. Ainsi, le très officiel «Larousse» définit le terme «balcon» (de l’italien balcone) comme étant «une plate-forme de faible largeur munie d’un garde-corps, en saillie sur une façade, devant une ou plusieurs baies». Ni ici, ni dans «Le Robert», il n’est question de l’usage qui peut être fait de cet espace. Etant né et ayant grandi dans la médina, je sais que cet aménagement dans le bâti ne fait pas partie de nos traditions architecturales ; que les façades de nos demeures ancestrales doivent être « aveugles » pour préserver l’intimité de notre vie privée. Tout le contraire du mode de vie européen introduit chez nous par la colonisation au XIX° siècle et qui a fait déborder la vie familiale sur la rue, même si, dans le cas d’espèce, ce n’est qu’en suspension. Et encore, j’ai le souvenir très vivace de ces familles italiennes, maltaises ou juives, notamment du côté du Passage, à Tunis, et qui, le soir venu durant la belle saison, dressaient carrément une table sur le trottoir pour « prendre l’appéro», dîner et même veiller.
Un bazar de linge plus ou moins propre
et des remises de bric et de broc
qui s’affichent sur les façades des immeubles
D’aucuns pourraient m’opposer ce qui pourrait correspondre à un balcon dans la tradition architecturale tunisienne, à savoir les fameuses «moucharabiehs» dont il subsiste encore quelques spécimens ici ou là. En fait, ces «balconnets» ne sont qu’une mince extension de fenêtres en bois aménagées à l’étage pour permettre à de malheureuses recluses pour la vie de respirer l’air du «dehors» et de se distraire avec le décor extérieur tout en restant invisibles.
Je n’accordais pas une attention particulière aux balcons, jusqu’au jour où feu Slah Smaoui, ami et confident de longue date, se répandit devant moi en récriminations contre les architectes tunisiens qui incluent les balcons dans leurs plans.
J’en fus, je l’avoue, choqué. Pour moi, un immeuble sans balcons est triste et non fonctionnel. Avec sa brutalité légendaire, Slah me hurla à la figure : «Tu préfères alors ce bazar de linge plus ou moins propre et ces remises de bric et de broc qui s’affichent sur les façades des immeubles ? Ce n’est pas dans nos traditions de vivre dans ces espaces».
Dès ce jour, je me suis intéressé aux balcons. Je les passe en revue dès que je longe un immeuble. Et il est bien vrai que le spectacle n’est guère ragoûtant. Et si encore l’étalage était seulement de lingerie fine. Cela pourrait contribuer à stimuler certains imaginaires…
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