Chroniques de la Byrsa: L’ami iranien (VI)
Mon envie est forte d’enchaîner une ultime fois avec ma rencontre, décidément si féconde, avec mon ami iranien que j’ai accompagné ces dernières semaines sur les sentiers d’un passé malheureusement peu connu, relatif à la naissance du premier Etat chiite qui a eu lieu sur nos terres à l’aube du Xe siècle de l’ère chrétienne. Car il semblerait que la «chute» du dernier épisode en a laissé plus d’un sur sa faim avec le transfert du siège de la dynastie fatimide de Mahdia vers Le Caire, fondé par le général Jawhar Es-Siqilli pour servir de capitale à son maître, Al-Moïzz li-Dine Allah. On m’a en effet reproché d’avoir laissé ce pauvre Iranien accroché à sa balustrade du minuscule pont qui enjambe le goulot qui relie les deux bassins des «ports puniques», à Salammbô. Fin de cette rencontre en queue de poisson ? Ça en a toutes les apparences. Alors achevons le tableau.
Tout étourdi par cette «révélation» si inattendue, pour un bon chiite sur l’origine tunisienne de l’Etat de l’obédience à laquelle appartient majoritairement la population de son pays, mon ami s’est pour ainsi dire excusé de devoir quitter la Tunisie dès le lendemain sans avoir fait le pèlerinage de Mahdia. Mais il m’a fait promettre de l’accompagner dans cette ville parce qu’il avait la ferme intention de revenir au printemps prochain dans notre pays à cette seule fin.
J’aurais, de la sorte, été le premier guide à piloter un fidèle chiite sur la voie de sa foi en Tunisie. Mais, m’a-t-on objecté, une seule station, si évocatrice soit-elle, suffira-t-elle à constituer un produit susceptible de créer une demande spécifique ? Ce à quoi j’ai rétorqué que ce produit est plus riche qu’il n’y parait à première vue.
Un éventuel circuit du patrimoine chiite en Tunisie pourrait se composer de trois stations au moins
Un éventuel circuit du patrimoine chiite en Tunisie pourrait se composer de trois stations au moins, dans l’état actuel de l’investigation. Il comprendrait aussi une exposition permanente d’objets remontant à cette période-là. Enfin, le patrimoine non matériel (puisqu’on le désigne ainsi) pourrait consister en la présentation figurée de la survivance de traditions et pratiques chiites jusque naguère et même jusqu’à nos jours.
Au titre du premier volet, on visitera le site de Lorbès, du côté de Dahmani (gouvernorat du Kef), aujourd’hui plaine agricole dans laquelle s’est déroulée le 18 mars 909 la bataille qui a opposé les troupes de Zièdet Allah III, dernier prince de la dynastie aghlabide, aux partisans de Obeïd Allah al-Mahdi, Berbères de la tribu des Koutamas. Cet événement signe la naissance du premier Etat chiite dans l’Histoire. Deuxième station : Raqqâda. Cette localité, au voisinage de la ville de Kairouan, a été conquise par Obaïd Allah qui y a demeuré avant de s’installer dans la nouvelle capitale qu’il a fondée sur le littoral : Mahdia. Enfin, bien entendu, il y a Mahdia elle-même.
Quant à l’exposition permanente, elle comprendrait les multiples pièces archéologiques aujourd’hui éparpillées entre Kairouan, Monastir, le musée du Bardo et d’autres endroits : éléments architectoniques ou décoratifs (en particulier des bas-reliefs dont certains à figuration humaine), des pièces de monnaies en métal précieux, divers accessoires de la vie quotidiennes, de précieuses étoffes, etc.
Enfin, des pratiques «cultuelles», comme la célébration de l’«achoura» (le khol, le couscous au poulet et aux fèves, les feux de louhliba), l’appelation de Hassan et Houceine de jumeaux mâles, etc.
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