Centenaire de l’artiste peintre tunisien Hédi Turki : Prestance du trait dans l’œuvre graphique et picturale de Hédi Turki
Par Amel BOUSLAMA
Par gratitude, fidélité et devoir de mémoire au grand artiste Hédi Turki, je prête ma plume pour écrire ce texte à propos de son œuvre d’artiste peintre, aquarelliste et dessinateur qui a marqué l’histoire de l’art tunisienne.
Célébration du centenaire
Naissance le 15/5/1922 et décès le 30/3/2009, une traversée de presqu’un siècle d’existence fait qu’aujourd’hui l’artiste Hédi Turki, s’il était aujourd’hui de ce monde, aurait fait cent et un ans. Commémorant son centenaire, l’année dernière, ses enfants ont monté une exposition de leur collection de l’œuvre de l’illustre et défunt père. Une rétrospective réunissant une collection privée de ses tableaux, aquarelles et dessins y était visible durant les mois de mars, avril et mai 2022.
Après un siècle, l’œuvre graphique et picturale de Hédi Turki a occupé l’actualité culturelle au mois de mai 2023 afin de célébrer son centenaire. Une rétrospective en son nom, agrémentée d’un programme de rencontres/débats autour de plusieurs thèmes artistiques et culturels. À cette occasion, sa fille Samira Turki Torjeman a ouvert depuis mars 2022, avec l’aide de son frère Mohamed Samir Turki, une galerie d’art privée portant le nom d’Espace art et culture Hédi-Turki, sis Cité Mahrajène, Tunis*. De nouveau cette année, du 6 au 19 mai et à l’occasion de la clôture du centenaire de l’artiste, l’Espace art et culture, qui lui est dédié, monte une nouvelle exposition inédite de ses dessins.
« L’avenue », 1996, Hédi Turki, huile sur toile, 100 x 73 cm.Les principales caractéristiques de son œuvre peinte et dessinée
Sans citer le nombre d’informations et de datations biographiques relatives aux différentes activités et responsabilités endossées par Hédi Turki, ce qui retient mon attention, ce sont les grandes lignes d’une œuvre traversée par la constante présence du trait. Durant sa longue existence, Hédi Turki s’est engagé parallèlement sur deux voies opposées, celle de la figuration, d’une part, et de l’abstraction, d’autre part. Double faces d’une œuvre qui trouve son unité grâce à la présence de la ligne peinte ou dessinée. Ainsi, le trait évolue-t-il sous forme de trois différentes formes et tendances ?
Il y a d’abord le trait gestuel projeté avec le pinceau, puis le trait croqué au stylo feutre ou crayon ou fusain et, enfin, le trait tracé au pinceau souple et droit de peinture. Dans les trois catégories, le trait spontané évolue vers le vif et le nerveux pour finir par être aligné dans un calme plat. Avec cette première et troisième facture en plein dans l’esprit et le geste abstrait, Hédi Turki est reconnu pour détenir la position de précurseur de l’abstraction en Tunisie.
À ses débuts, alors influencé par l’Américain Jackson Pollock, dont il s’est laissé happer par son procédé du dripping appartenant au mouvement de l’Action painting, la pratique picturale de Hédi Turki a évolué dans un esprit résolument moderne. Puis, influencé de nouveau, lors de sa visite en Colombie, par un second artiste abstrait qu’est Rothko. Suite à ces deux influences, il y a eu des années de quête et de recherche qui se sont clôturées par l’accomplissement, la belle période lumineuse et «mystique» qui lui ressemble tant.
En l’occurrence, faisant partie du domaine des arts plastiques, ma position d’observatrice avisée distingue chez le Maître Hédi Turki une esthétique du trait. Je propose de qualifier cette manière de faire de main voyageuse. Cette dernière est en mouvement incessant, qu’elle se manifeste à ras sur le support ou levée sur le papier dessin ou la toile. Sa main est toujours prête à projeter ou tracer la couleur de manière tantôt vive comme à ses débuts, tantôt calme comme pendant sa dernière période. Concernant la nature, mais aussi la qualité et les effets produits par le geste dans le trait de Hédi Turki, il y a indubitablement une étude à faire, si elle ne l’est pas déjà.
Pour qui un jour a eu la chance de le côtoyer, comme c’était mon cas, car, au milieu des années soixante-dix Si Hédi Turki fut mon premier enseignant de dessin à l’Itaaut (actuel Institut supérieur des beaux-arts de Tunis), se souvient toujours de son éternel sourire, son regard lumineux, sa bonhomie, son élégance et sa courtoisie. Hédi Turki est un artiste qui a l’âme d’un ange, un être pétri de gentillesse et de bonté désintéressée (l’émission «Caméra cachée» de Raouf Kouka diffusée sur la Chaîne nationale de la Télévision tunisienne des années 90) en est la meilleure preuve. En effet, innocent et spirituel comme il est, je le vois faire partie d’une autre caste que celle des humains d’aujourd’hui. Maintenant que son âme a rejoint l’ailleurs, je l’imagine heureux et paisible à se sentir bien dans son élément en gravitant parmi les étoiles.
A.B.
*Espace art et culture Hédi-Turki, 50 avenue Charles-Nicolle, 1003 Cité Mahrajène, Tunis.
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