Bombardement et exode forcé : Le traumatisme intergénérationnel du déplacement refait surface
Il faut rappeler que la majorité de la population de Gaza se compose de descendants de réfugiés qui ont été déplacés ou contraints de fuir leurs maisons pendant le conflit de 1948, au cours duquel ils ont été acculés à l’exil. Mais si de nombreux Palestiniens du nord de Gaza tentent de fuir, d’autres ont déclaré aux différentes organisations de secours ne pas bouger de chez eux, redoutant une «seconde Nakba», tant le traumatisme générationnel du déplacement est gravé dans la mémoire collective des Palestiniens.
En même temps que le pilonnage, l’armée israélienne a lancé un appel aux habitants de Gaza d’évacuer le nord et de se diriger vers le sud, à la frontière égyptienne, sous 24 heures pour des raisons de sécurité. Peu de temps après le plan sioniste commençait à prendre forme, il s’agit d’une tentative de déplacement forcé des Gazaouis vers le Sinaï, la péninsule égyptienne. Si au Moyen-Orient, une levée de boucliers contre ce plan, synonyme d’une nouvelle «Nakba», a été observée par les pays du voisinage, l’Egypte et la Jordanie en l’occurrence, l’entité sioniste poursuit ses opérations militaires à Gaza.
Un Sommet entre le Caire et Amman a fortement rejeté toute tentative de déplacement forcé des Palestiniens. Car, selon plusieurs sources occidentales, l’entité sioniste vise, en effet, à déplacer définitivement la majorité des habitants de Gaza vers l’Egypte et à occuper ce territoire sous prétexte de lutter contre le Hamas. Face à cette machination, l’Egypte a haussé le ton. Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a mis en garde, dans ce contexte extrêmement tendu, contre un «exode massif de Palestiniens de Gaza vers l’Egypte», y voyant le risque d’un «déplacement similaire de la Cisjordanie vers la Jordanie» et «la fin de la cause palestinienne». «En déplaçant les Palestiniens dans le Sinaï, on déplace la résistance et le combat en Egypte», a-t-il mis en garde. Et si des attaques sont lancées depuis son sol, «Israël aura alors le droit de se défendre (…) et frappera le sol égyptien», a-t-il prévenu, assurant que pour l’Egypte, ce scénario est synonyme de guerre.
Même son de cloche en Jordanie. Le roi Abdallah II a mis en garde contre «toute tentative de déplacer les Palestiniens de leurs terres ou de provoquer leur déplacement». Il a estimé que «la crise ne devrait pas se propager aux pays voisins et aggraver davantage la question des réfugiés».
Un plan de longue date !
En Tunisie, pays qui a déjà accueilli des milliers de réfugiés palestiniens par le passé, cette situation a pareillement été fermement condamnée. Alors que des corridors humanitaires se mettent en place pour évacuer la population gazaouie, Tunis s’inquiète de ces déplacements de population, a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Nabil Ammar. Il a appelé l’Union européenne à prendre ses responsabilités pour faire cesser les opérations israéliennes, qui coûtent la vie à «des enfants et des nourrissons». En parallèle, la communauté internationale doit se mobiliser pour envoyer de l’aide à la population de la Bande de Gaza, a souligné le chef de la diplomatie tunisienne, mettant en garde contre tout plan visant à délocaliser les Palestiniens. Une position déjà exprimée par le Chef de l’Etat, Kaïs Saïed, dès le déclenchement du conflit.
Interrogé à ce sujet, Zouhaier Maghzaoui, secrétaire général d’Echaab, parmi les premiers partis politiques à avoir appelé les Tunisiens à manifester contre le bombardement d’un hôpital à Gaza, évoque un plan de longue date. «Ce plan est prémédité, il vise à mettre fin et définitivement au processus de Paix et au droit à un Etat palestinien. Juste après les événements du déluge d’Al-Aqsa, Netanyahu est sorti dire qu’il allait changer la cartographie du Moyen-Orient. Aujourd’hui, son plan commence à prendre forme par le déplacement forcé des Gazaouis», a-t-il analysé à La Presse.
Selon Maghzaoui, cette attaque pour contrer le Hamas, vise en réalité à recoloniser tout le territoire palestinien et à enterrer à jamais la cause palestinienne. «Il est évident que l’entité sioniste vise à occuper toute la Palestine, y compris la Cisjordanie, en chassant les Palestiniens vers la Jordanie. Un tel scénario risque de plonger toute la région, voire le monde dans un conflit de grande ampleur», a-t-il averti.
Maghzoui a réaffirmé la position ferme de son mouvement qui condamne les attaques de «l’entité sioniste contre les Palestiniens, appelant toutes les voix libres à se tenir aux côtés du peuple palestinien et à faire pression sur la communauté internationale pour mettre fin aux crimes perpétrés par les forces d’occupation israéliennes dans la Bande de Gaza». Le mouvement Echaâb qui a aussi pris part aux manifestations en soutien aux Palestiniens, plaide en faveur du projet de loi sur la criminalisation de la normalisation avec Israël et souhaite «une sanction exemplaire pour toute personne inculpée de normalisation avec l’entité sioniste», a-t-il indiqué.
Le spectre d’une seconde Nakba
Ces événements font redouter assurément une deuxième Nakba. Fuyant la machine de guerre de Tsahal, sommés d’évacuer le nord de la Bande de Gaza pendant l’opération militaire de riposte à l’attaque du Hamas, des centaines de milliers de Palestiniens ont l’impression de revivre les scenarii de 1948. L’Histoire est-elle en passe de se rééditer.
La Nakba, littéralement «désastre» ou «catastrophe», fait référence à l’exode massif forcé de la population palestinienne durant la guerre de 1948. Ayant obtenu le soutien du gouvernement britannique pour la création d’un État juif en Palestine, le 14 mai 1948, dès l’expiration du mandat britannique, les forces sionistes déclarèrent la création de l’État d’Israël, déclenchant la première guerre israélo-arabe. Les forces militaires sionistes avaient expulsé au moins 800.000 Palestiniens de leurs foyers et de leurs terres et ont envahi 78% de la Palestine historique. Le reste a été réparti entre ce qui est aujourd’hui la Cisjordanie occupée et la Bande de Gaza assiégée.
Depuis le début des combats, le 7 octobre dernier sur les 2,2 millions d’habitants de Gaza, plus de 500 mille Palestiniens ont déjà été déplacés à l’intérieur du territoire, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies.
Il faut rappeler que la majorité de la population de Gaza se compose de descendants de réfugiés qui ont été déplacés ou contraints de fuir leurs maisons pendant le conflit de 1948, au cours duquel ils ont été acculés à l’exil. Mais si de nombreux Palestiniens du nord de Gaza tentent de fuir, d’autres ont déclaré aux différentes organisations de secours ne pas bouger de chez eux, redoutant une «seconde Nakba», tant le traumatisme générationnel du déplacement est gravé dans la mémoire collective des Palestiniens.
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