Economie tunisie

BCT — Maintien du taux directeur inchangé: Entre l’arbre et l’écorce…

Lors d’une récente réunion du Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie, il a été décidé de maintenir le taux directeur inchangé à 8%. Une décision qui a été mal prise par quelques économistes tunisiens, puisque ces derniers considèrent que ce taux, relativement élevé, reste un frein à la création de richesses et d’emplois.

La Presse — En plus d’un round-up de la situation économique et financière aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, le Conseil d’administration de la Banque centrale de Tunisie, qui vient de tenir sa réunion périodique, a décidé de maintenir inchangé le taux directeur à 8 %. La BCT estime que la poursuite des réformes structurelles est essentielle pour renforcer le potentiel de croissance de l’économie tunisienne et rétablir les équilibres macroéconomiques. En attendant, le maintien du taux directeur à 8% vise à soutenir le processus désinflationniste et à préserver la stabilité financière.

Plus qu’un moyen de lutte contre l’inflation
Néanmoins, certains spécialistes ont mal interprété cette décision. L’économiste, Aram Belhadj, considère ce moyen de lutte contre l’inflation un frein à la croissance et à l’emploi. Dans un post publié jeudi dernier, Belhadj explique, qu’à travers cette décision, la banque envoie un message clair aux autorités tunisiennes, en particulier au gouvernement, qui, selon lui, doit prendre toutes les mesures nécessaires pour stopper ce risque inflationniste croissant. D’après sa publication sur Facebook, «la principale mission de la Banque centrale est de faire baisser l’inflation. Toutes les autres questions liées à l’investissement, à la croissance ou au chômage ne font pas partie de ses priorités ni de ses compétences ». D’après Belhadj, la décision de la BCT de garder le taux directeur à 8% est une nouvelle preuve que le risque d’inflation pour la période à venir reste encore élevé. Ainsi, c’est à l’exécutif d’agir pour améliorer la situation économique. La Banque centrale, elle, se charge seulement de la stabilité monétaire. Pour sa part, Ridha Chkoundali, universitaire, qui a été interrogé sur cette même question par «Business News», a émis de vives critiques et a fait savoir que cette décision est «exagérée» et qu’elle «nuit à l’économie du pays et envoie un message négatif aux investisseurs». D’après lui, «il y a une exagération au niveau de la prudence» et cela va dissuader les investisseurs qui vont réfléchir à deux fois avant de placer leur argent dans un pays où même les institutions de l’Etat ont peur». «La BCT a participé aux Assemblées annuelles 2024 du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale, où ces institutions avaient encouragé les banques centrales à baisser leurs taux directeurs afin de relancer l’économie mondiale, encore affectée par la pandémie du Covid-19 et la guerre en Ukraine», a-t-il rappelé. D’après Chkoundali, cette décision du maintien du taux directeur accroit les difficultés économiques du pays, particulièrement dans certains secteurs. «On dit que lorsque le bâtiment va tout va. Malheureusement, le secteur du bâtiment et des travaux publics peine à se financer en raison du coût élevé des emprunts. Cette situation accentue la stagflation ». Ce terme économique désigne une période où l’économie d’un pays subit à la fois une forte inflation et une croissance faible.
L’universitaire a critiqué le fait que la Banque centrale n’a pas profité de la tendance baissière de l’inflation qui offre une marge de manœuvre à l’institution financière. Cette dernière aurait pu baisser le taux directeur de cinquante ou cent points de base ce qui maintiendrait le taux directeur supérieur au taux d’inflation. Chkoundali condamne, par ailleurs, l’approche de la BCT en matière de gestion de l’inflation.: « La BCT veut réduire l’inflation en augmentant le taux directeur pour restreindre la liquidité et limiter les crédits, notamment ceux à la consommation », a-t-il précisé.

Un nouveau statut ?
Il a mis le doigt sur un autre problème qui est celui de la limitation de l’accès aux financements pour les entreprises et les très petites et moyennes entreprises qui créent de la valeur, tout en facilitant les emprunts de l’Etat. Il est à rappeler, par ailleurs, que, récemment, une proposition de loi portant révision du statut de la BCT a été récemment déposée au bureau de l’ARP, par un groupe de 27 députés. Le projet de loi devrait être examiné au sein de la commission parlementaire des finances, après la finalisation du projet de la loi de finances 2025. Le nouveau projet de loi fixe un nouveau statut à la Banque centrale de Tunisie afin qu’elle puisse contribuer à la stabilisation des prix et au remboursement des prêts étrangers en devises et de leurs intérêts en mobilisant la somme due à partir des réserves de la BCT. La nouvelle réglementation prévoit aussi d’enlever l’exclusivité de la Banque centrale à décider seule de l’ajustement ou non du taux d’intérêt directeur ou de la politique de change. Une fois adoptée, la Banque centrale ne devra plus prendre de telles mesures sans l’avis du gouvernement.

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