Audition de la ministre des Finances : «Le recours à l’endettement intérieur se justifie par le rejet des prêts conditionnés»
Une séance d’audition a été organisée, jeudi 19 octobre, par la commission parlementaire des finances et du budget, consacrée à la discussion du projet de loi de finances rectificative de 2023.
La ministre des Finances, Sihem Nemsia, a déclaré d’emblée que «le recours à l’endettement intérieur est justifié par le refus de la Tunisie d’avoir recours aux prêts conditionnés qui sont de nature à porter atteinte à la souveraineté nationale». La ministre ajoute devant les parlementaires que «la politique adoptée par le Président de la République exige de veiller à ce que les négociations avec les bailleurs de fonds soient menées d’égal à égal, dans le respect de la dignité et de la souveraineté nationale», a-t-elle affirmé.
Nemsia a mis l’accent sur l’importance du rôle des banques pour soutenir le budget de l’Etat ainsi que les petites entreprises, ajoutant que son département œuvre à mobiliser les mécanismes internes nécessaires permettant d’apporter une solution au problème de liquidités dont le transfert est gelé dans les banques.
En réaction aux questions des députés, la ministre a rappelé que l’élaboration du projet de loi de finances rectificative pour l’exercice 2023 a été effectuée dans des conditions exceptionnelles, marquées par une situation économique internationale difficile. En cause, la persistance des répercussions de l’épidémie du coronavirus et de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Ces conditions ont généré une baisse de la croissance à l’échelle mondiale, outre les facteurs climatiques sur le plan local ayant impacté l’exécution du budget dans de meilleures conditions.
«La situation économique nationale a été caractérisée, en dépit des facteurs endogènes et exogènes, par l’évolution de la croissance du PIB, la stabilité des taux de change du dinar et l’ augmentation des exportations aux prix courants», a ajouté la ministre.
Pour ce qui concerne l’exécution du budget de l’Etat jusqu’à fin août 2023, une évolution des recettes fiscales et non fiscales et des ressources propres a été enregistrée comparativement à la même période de 2022. De même, les dépenses ont évolué en raison principalement de l’augmentation des dépenses de subvention aux hydrocarbures, outre l’augmentation des dépenses d’investissement, des opérations financières et des dépenses de financement, a fait valoir la ministre des Finances.
Elle a ajouté que l’exécution du budget au titre de 2023 prévoit un déficit budgétaire estimé à 1.001 MD, outre une augmentation du principal de la dette intérieure et extérieure, à 1.174 MD par rapport à la même période de 2022. Il a fallu garantir des financements estimés à 9.765 MD. Ces conditions ont nécessité la révision des hypothèses adoptées préalablement pour réaliser l’équilibre budgétaire de l’Etat 2023.
Le volume de la dette publique pourrait augmenter à 80,2% du PIB
En dépit de l’évolution importante des ressources propres actualisées en 2023 et qui pourraient atteindre 45.360 MD, soit une augmentation de 10,7% (+4.367MD par rapport à 2022), les résultats de la révision des hypothèses, notamment, le prix du baril de pétrole a requis une actualisation des ressources prévues initialement par la loi de finances principale.
Le manque est de l’ordre de 1.064 MD (2,3%) malgré les effets positifs des mesures incluses dans la loi de finances et des efforts déployés pour améliorer les recouvrements.
Le volume du budget de l’Etat pour l’exercice 2023 a connu une augmentation de 1.325 MD et un déficit budgétaire de l’ordre de 12.288 MD.
Ce qui a requis la mobilisation de ressources d’emprunt à hauteur de 21.931 MD. Le volume de la dette publique pourrait augmenter selon les prévisions, à 80,2% du PIB, a encore indiqué la ministre.
Lors du débat, les députés ont souligné que les hypothèses sur lesquelles se base la loi de finances originale ne sont pas fondées sur des bases scientifiques précises.
Ce qui témoigne de l’absence d’une vision stratégique. Ils ont formulé l’espoir de voir les orientations du gouvernement se mettre en harmonie avec le processus du 25 juillet, appelant à mieux encourager l’investissement local et étranger et à réduire l’endettement extérieur.
Des députés ont recommandé d’adopter un nouveau mode de développement et de réviser le cadre législatif au lieu de miser sur la fiscalité et l’endettement. Ils ont, également, appelé à intensifier le contrôle des domaines de l’Etat et de ses biens immobiliers pour en améliorer la gouvernance de manière à renforcer les ressources du budget de l’Etat.
Certains députés ont aussi appelé les banques à s’acquitter de leur devoir national en finançant le budget de l’Etat à des taux d’intérêt raisonnables et à améliorer leur contribution au financement des investissements, notamment pour les PME.
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