Au fait du jour | Le football fait partie du sport national
Les joueurs de l’USBG et de l’ESS ont dernièrement fait grève, mais là n’est pas la question. Ce n’est pas la question parce qu’à quelques exceptions près, presque toutes les équipes «professionnelles» sont passées par là. Pour une raison ou une autre. On trouvera toujours les moyens de les faire revenir à la raison et tout rentrera dans l’ordre. Jusqu’à la nouvelle alerte. Ceux qui sont le plus à plaindre, ce ne sont pas les joueurs dont les droits sont garantis et les organes de la Fifa, qui connaissent maintenant bien les problèmes des clubs tunisiens, se feront fort de les faire respecter. Et ce sera, encore une fois, des millions qui s’en iront en fumée. Le comble c’est qu’il y a des joueurs qui n’ont jamais porté le maillot d’un club contre qui ils ont eu gain de cause et qui ont perçu des centaines de millions en devises fortes ou en dinars.
La faute, bien sûr, à ces recrutements intempestifs qui, au moyen de réseaux bien organisés, ont fait miroiter des promesses que ces canassons n’ont jamais pu tenir. Les plus à plaindre, ce sont donc les dirigeants. Surtout ceux qui n’ont pas les moyens de prendre la poudre d’escampette et de filer sous d’autres cieux et abandonner, à son triste sort, un club qu’ils ont juré leurs grands dieux qu’ils étaient nés pour le servir.
Il n’y a pas lieu de rappeler des noms et de remuer le couteau dans la plaie des personnes qui ont hérité de ces situations dramatiques, au point de mettre l’existence de certains clubs en danger. Le problème est donc insoluble depuis belle lurette. L’organisation de notre sport, d’une façon générale, encore une fois, est la cause de ces errements et de ces choix qui bloqueront pour un bon bout de temps toute évolution. Au bas de la pyramide, se trouve un socle friable qui se disloquera aux premières secousses.
La Fédération tunisienne de football a pris, semble-t-il, l’initiative de remplacer (la procédure n’est pas de notre ressort) la direction technique par une Commission élargie, à l’instar de ce qui se passe au sein de… la Fifa. Rien que ça ! Pour caricaturer la situation, on pourrait imaginer notre légendaire Renault 4CV, qui, durant des années, peinte en rouge et blanc, avait servi de taxi et que pour la moderniser on essayera de lui adapter les quatre roues d’une berline Mercedes. Elle roulera sans doute, mais ceux qui sont du domaine diront que la mécanique ne tiendra pas. Et pour cause, la structure est primordiale pour ajuster une charpente de quelque nature que ce soit.
La charpente en football, ce sont ces sections jeunes, ces amateurs qui rêvent de devenir professionnels, ces équipes «professionnelles» qui n’arrivent pas à atteindre leur équilibre, ces jeunes aux équipements délabrés, ces directions de clubs qui souffrent le martyre pour joindre les deux bouts, ces terrains qui n’ont plus que le nom, ce nombre infinitésimal d’installations reconnues par les instances internationales, (alors que la Tunisie était un exemple), ces stades que l’on fait et refait, qu’on se propose d’agrandir, parce qu’on ne les a jamais construits en prenant en compte les réalités d’une région, d’un public, de la notoriété des clubs appelés à les utiliser, etc. etc.
Tout a été fait, dans un provisoire qui dure et qui, de jour en jour, d’une année à une autre, s’en est allé à vau-l’eau.
Et aux autorités de tout reprendre, de trouver des budgets, de promettre la remise en état qui risque de ne jamais voir le jour, ou que l’on exécutera avec plein de défauts pour lesquels on doit trouver des fonds pour les redresser au prix d’un maquillage qui tient le temps de la fête de la réception, pour redevenir encore une fois un problème à résoudre. Voilà notre football.
Ceux qui voient le contraire n’ont qu’à apporter les explications de tout ce qui a été énoncé plus haut, sans démagogie aucune, ni souhait de cacher la vérité, pour des raisons souvent inavouables. La nouvelle commission élargie est sans doute constituée de bons techniciens. Nous avons pleinement confiance en ces hommes qui ont été formés à bonne école. La preuve, ils sont sollicités de partout et c’est un honneur pour le sport tunisien. Mais de quelle manière vont-ils s’en sortir ?
Qui mettra en place une réglementation régissant les associations et les clubs dans le pays et fixant les charges et attributions de chaque partie prenante de ce sport ? Même la loi dont on a parlé et qui a soulevé tant de polémiques, semble avoir été enterrée. Est-elle encore à l’ordre du jour ?
Nous prions Dieu pour que cela ne soit qu’une impression. Qui mettra à la disposition des jeunes et du personnel d’encadrement une infrastructure adéquate et des moyens matériels et financiers pour prospecter, encadrer, travailler, former et pousser vers l’antichambre des futures sélections ? Les centres en place sont insuffisants et coupés des réalités du reste du football dans le pays. Allons-nous nous suffire de faire la chasse aux jeunes Tunisiens nés à l’étranger pour former nos sélections et prétendre que notre football avance ?
Qui veillera pour que le football amateur puisse prendre une place prépondérante dans le cheminement d’un joueur qui a des ambitions ? Qui ?… Qui ?…
Ce n’est donc pas une question de commission et d’hommes valeureux à choisir, c’est une question de structures, de moyens, d’organisation et surtout d’une certitude qui balise le chemin, car, pour faire œuvre utile, il est impérieux que le projet émane d’une profonde conviction, qu’il soit viable et qu’il obéisse à des considérations incontournables au point de vue de ce milieu ambiant que l’on a tendance à négliger ou oublier.
Le minimum de réalisme est de considérer que le football fait partie du sport national et considérant qu’il y a encore bien des choses à reprendre en main, il ne faudrait pas trop rêver, au point de perdre de vue cohérence et raison.
L’article Au fait du jour | Le football fait partie du sport national est apparu en premier sur La Presse de Tunisie.
lien sur site officiel