Arrestation de Rached Ghannouchi : Les risques d’ingérence refont surface !
De nombreuses arrestations de leaders de partis politiques ou de formations idéologiques ont eu lieu dans le monde sans que l’on observe pour autant ce genre d’acharnement. La diplomatie tunisienne est appelée actuellement à défendre son territoire et éviter toute sorte d’ingérence en dépit de la situation économique fragile du pays.
L’arrestation de Rached Ghannouchi et sa mise en garde à vue pour investigation a eu l’effet d’un séisme médiatique. Les réactions sont tombées comme une pluie de hallebardes, non seulement en Tunisie, mais ailleurs.
Si, à l’intérieur du pays, ce sont notamment le parti Ennahdha et le Front de salut national qui ont pris la défense de Rached Ghannouchi et ont crié «à l’intimidation et à la pourchasse de l’opposition», à l’étranger, les réactions n’ont pas manqué. Au départ, c’était l’Union européenne qui s’est montrée inquiète face à ce nouveau rebondissement. «Nous suivons avec beaucoup d’inquiétude les derniers développements en Tunisie, notamment l’arrestation M. Rached Ghannouchi ainsi que les informations concernant la fermeture du siège du parti Ennahdha à Tunis», a-t-on communiqué.
«Cette arrestation s’ajoute à la série de détentions en cours d’acteurs politiques provenant de différents groupes d’opposition», ajoute la même source, rappelant l’importance du respect des droits de la défense ainsi que du droit à un procès équitable.
«Nous soulignons aussi le principe fondamental du pluralisme politique. Ces éléments sont essentiels pour toute démocratie et constituent la base du partenariat de l’Union européenne avec la Tunisie», a indiqué l’UE, selon une déclaration de la porte-parole du service diplomatique de l’UE, Nabila Massrali.
Le ministère britannique des Affaires étrangères a réagi, à son tour, à l’arrestation du président du mouvement Ennahdha Rached Ghannouchi. Le ministre du Moyen-Orient et des affaires d’Afrique du Nord au ministère britannique des Affaires étrangères, Lord Tariq Ahmad, a indiqué sur Twitter, que «les arrestations en Tunisie, dont celle de Ghannouchi, et les restrictions imposées à l’opposition sapent le pluralisme politique dans le pays». «J’appelle le gouvernement à respecter les principes et les valeurs d’une société démocratique ouverte pour l’intérêt de tous les Tunisiens», a ajouté le représentant de la diplomatie britannique. De même, la diplomatie française a réagi à l’arrestation du président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi. «Nous avons appris cette nouvelle arrestation, qui s’inscrit dans une vague d’arrestations préoccupantes», lors d’un point de presse tenu à Paris.
«La France rappelle son attachement à la liberté d’expression et au respect de l’État de droit et elle appelle les autorités tunisiennes à veiller au respect de l’indépendance de la justice et des droits de la défense», selon un extrait dudit point, diffusé sur le site du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Erdogan : «Mon frère Rached Ghannouchi a été arrêté»
Et comme c’était tant attendu, la confrérie des Frères musulmans n’a pas omis de réagir à l’arrestation de Ghannouchi. «Cette arrestation est une continuité des pratiques d’exclusion des opposants politiques, en reposant sur des allégations et non pas dans le cadre de la compétition politique et démocratique régie et protégée par la loi», a estimé la confrérie dans un communiqué. Un appel a ainsi été lancé aux «sages d’intervenir pour la libération de Ghannouchi, qui bénéficie d’un imposant statut politique et en prenant en considération son âge avancé».
Pareil pour le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui s’est exprimé lors d’une interview accordée à la chaîne TRT sur cette question. «Mon frère Rached Ghannouchi a été arrêté, mais nous n’avons pas réussi à contacter les autorités à Tunis par téléphone mais nous allons encore tenter de les joindre et si nous parvenons à le faire, nous allons leur dire que nous estimons que l’arrestation de Ghannouchi est inappropriée», a notamment déclaré le président turc.
De la pure ingérence !
Le cas Rached Ghannouchi remet la Tunisie sous les projecteurs des forces internationales. Alors que tous les yeux sont rivés vers le conflit armé au Soudan, l’arrestation de Rached Ghannouchi a préoccupé pratiquement toutes ces forces internationales. Pourtant, le Chef de l’Etat, Kaïs Saïed, a réitéré à maintes reprises son rejet de toute forme d’ingérence dans les affaires intérieures du pays. Lors de la célébration du 67e anniversaire de la création des forces de sécurité intérieure, Kais Saied a encore une fois fustigé l’atteinte aux institutions de l’Etat, appelant la Justice à assumer ses responsabilités. «Ceux qui changent de couleur à chaque occasion et œuvrent par tous les moyens à faire échouer le processus de revendication du peuple tunisien. La vérité est limpide ! Ceux qui ont choisi le chemin de la fourberie n’ont pas de place dans cet État, afin qu’ils ne constituent pas un frein à l’assainissement du pays», a-t-il dit.
Abdellatif Mekki : «Les déclarations de Ghannouchi sont inappropriées»
Autant dire que les déclarations de Rached Ghannouchi à travers lesquelles il a évoqué une guerre civile en Tunisie en cas d’élimination de l’islam politique, ne font pas l’unanimité même dans les milieux nahdhaouis. Abdellatif Mekki, ancien dirigeant au sein du même parti, estime que ces déclarations sont inappropriées. «J’ai toujours été contre toute sorte de déclaration violente, suspecte et formulée sans sagesse. Je l’ai d’ailleurs exprimé au sujet des propos de M. Kaïs Saïed. Ses déclarations sont violentes. Concernant Rached Ghannouchi, comme je l’ai toujours dit, les siennes n’étaient pas appropriées. Il n’y aura jamais de guerre civile en Tunisie car le peuple est immunisé. Aussi, tout propos s’inscrivant dans cette optique demeure irréaliste», a-t-il expliqué. En tout cas, la Tunisie est de nouveau face à l’exercice périlleux de défendre sa souveraineté. Il faut rappeler que de nombreuses arrestations de leaders de partis politiques ou de formations idéologiques ont eu lieu dans le monde sans que pour autant l’on observe ce genre d’acharnement. La diplomatie tunisienne est appelée actuellement à défendre son territoire et éviter toute sorte d’ingérence en dépit de la situation économique fragile du pays.
crédit Photo : © Abdelfattah BELAÏD
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