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Arnaud Peral, Coordonnateur-Résident et Représentant du Secrétaire général des Nations Unies en Tunisie, à La Presse : « On aimerait faire davantage pour la Tunisie »

 

Dans son bureau à la maison Bleue, aux Berges du Lac à Tunis, Arnaud Peral, nommé coordonnateur-résident en Tunisie en septembre 2020, nous parle du Plan-cadre des Nations unies pour l’aide au développement 2021–2025 signé en Tunisie en 2020, du programme riche et varié de la participation de l’ONU à la 37e édition de la Foire internationale du livre qui se tiendra à Tunis du 28 avril au 7 mai et de l’agenda 2030, et surtout des acquis et des défis de l’ONU en Tunisie.

Si vous nous parliez du Plan-cadre des Nations unies pour l’aide au développement 2021–2025 signé en 2020. Comment évaluez-vous les résultats de cet accord à mi-parcours ? Quels sont les acquis et quels sont les défis ? Pour rappel lors d’un entretien publié dans les colonnes de notre journal La Presse le 1er janvier 2021, vous avez déclaré que «  la Tunisie devra tirer profit de cet accord en accédant à plus de fonds dans un moment assez critique provoqué par la crise économique et sanitaire. »

Oui effectivement nous avons cet accord-cadre qui a été signé par l’ensemble du système des Nations unies avec le gouvernement tunisien. C’est un cadre de coopération qui a deux caractéristiques très importantes, la première c’est qu’il est issu d’un processus de consultation très large car il n’inclut pas que les NU et le gouvernement mais aussi le secteur privé, la société civile. C’est un programme qui illustre non seulement les intérêts et les priorités du gouvernement tunisien, mais aussi de la Tunisie en général avec des consultations auprès des jeunes, des personnes à besoins spécifiques, des femmes rurales. Il y a eu vraiment un processus de consultation très large et très inclusif qui a été marqué par de très nombreuses rencontres qui ont permis de construire ces priorités.

La deuxième caractéristique consiste dans ce programme-cadre en une « nouvelle génération » puisque la Tunisie a été un des pays où nous avons pu mettre en place ce cadre de coopération à la suite de la réforme du système des Nations unies. C’est-à-dire que c’est un plan-cadre non seulement qui a des caractéristiques des différents secteurs d’intervention, mais c’est aussi un plan-cadre qui est suivi par un mécanisme de gouvernance conjoint avec le gouvernement tunisien et les partenaires de la Tunisie ainsi que  les différentes agences du système des NU, avec une planification annuelle qui est maintenant reportée de manière transparente sur une plateforme disponible sur notre site web accessible au public en général.  Toutes nos activités, tout ce qui est planifié par les agences, les programmes en santé, en éducation dans tous les secteurs et maintenant disponible pour le grand public sur cette plateforme (UN Info) qui permet de savoir qui fait quoi ou avec quel partenaire. Notre objectif est de conférer plus de transparence, d’accessibilité et d’efficacité à nos activités pour ceux qui veulent savoir ce que font les Nations unies. La Tunisie est l’un des premiers pays à se doter de cette plateforme.

La réforme du système des NU a abouti à un mécanisme de coordination renforcé donc mon poste a changé à partir de 2019. Aujourd’hui, les représentants du Secrétaire général, donc le coordinateur résident travaillent maintenant exclusivement sur la coordination, c’est-à-dire que depuis janvier 2019, nous n’avons plus un double chapeau d’être représentant d’une agence des NU et en même temps Représentant du Secrétaire général. Maintenant, le représentant du Secrétaire général avec la petite équipe qui est ici, se dédie exclusivement à la négociation, l’élaboration du plan-cadre et ensuite de la planification conjointe. Il y a donc plus d’autorité et d’indépendance. Du coup, un des instruments importants, c’est ce plan-cadre ont il est question. C’est un changement radical qu’il faudra prendre en considération.

Des difficultés dans la mise à exécution de ce plan ? Où on-est en quant à la mise en œuvre du plan-cadre pour la Tunisie ?

Je pense qu’on est bien situé par rapport à l’exécution des différents fonds et programmes qui étaient prévus, avec un bon taux d’exécution malgré les complexités du contexte, le Covid notamment. L’accent a été plus porté sur la lutte contre le Covid, l’achat des vaccins. Pour cette année, on va réaliser une évaluation à mi-parcours. Il faudra attendre la publication dans le courant de cette année d’une analyse plus détaillée pour mieux évaluer le taux d’exécution. Toutefois, on est plutôt satisfait de ce qui a été exécuté. Les difficultés sont celles que tout le monde rencontre, mais on va dire qu’elles sont liées à l’exécution. Il y a certains programmes qui ont pris un petit peu plus de temps parce que dans le cas de la réforme aussi on essaie d’exécuter beaucoup plus de programmes inter-agences, donc interministériels, ce qui complique aussi les tâches et entraîne la négociation avec plusieurs ministères. Cela dit, il faut souligner qu’on a vraiment une très bonne coopération en collaboration avec le gouvernement tunisien concernant les priorités nationales, et c’est là que réside la clé de la réussite, d’autant plus que le gouvernement actuel est doté d’un plan national de développement 2023-2025. Une des premières choses que nous avons faites,  c’était  nous asseoir avec le ministère de l’Économie pour réviser toutes les actions qui sont en cours et voir comment on allait encore mieux s’aligner avec les priorités nationales pour la période 2023-2025. Cet aspect d’alignement pour nous est très important de manière à ne pas faire des choses qui soient déconnectées des priorités nationales.

On est là pour travailler en symbiose avec les priorités nationales de la Tunisie qui sont aussi connectées avec les objectifs du système onusien. Le plan national de développement 2023-2025 est connecté avec l’agenda 2030 et avec les Objectifs de développement durable (ODD), et donc l’idée c’est vraiment de travailler de concert avec des fonds publics, avec les ressources nationales pour aller dans la même direction. Nous essayons d’être en quelque sorte un facilitateur ou un accélérateur des objectifs nationaux. On essaie d’amener l’expertise ou l’expérience pour essayer de faire avancer tous les ODD.

Vous avez préparé un programme très varié et riche en activités à l’occasion de la Foire internationale du livre du 28 avril au 7 mai avec des thèmes d’actualité qui interpellent toujours les Etats.

Ce n’est pas la première fois qu’on participe à la Foire du livre. A la dernière édition, nous avions décidé de tenir un stand commun qui avait eu beaucoup de succès, mais il faut souligner qu’on a travaillé dans l’urgence. Cependant, on a eu un retour très positif parce que le fait d’avoir un seul stand pour les Nations unies nous a permis d’avoir toute une série d’activités (conférences, présentation de livres …) qui avaient suscité beaucoup d’intérêt de la part du public, des jeunes et des moins jeunes avides d’informations  sur le travail des Nations unies. 

On avait été un petit peu débordé par ce succès inattendu, d’où la décision de mieux s’organiser pour cette édition avec un programme exceptionnel. On va participer à cette 37e édition qui se tiendra du 28 avril au 7 mai 2023 au Palais des Expositions du Kram, avec plus de 60 activités qui seront proposées à toutes les catégories d’âge. Les thématiques se rapportent notamment à la gestion de l’eau, l’éducation aux droits humains, la lutte contre la cyber-violence contre les femmes, la sécurité alimentaire, l’entrepreneuriat et les femmes artisanes, le droit à la santé pour les enfants, la migration et les droits humains à l’ère de la digitalisation, le féminicide, la discrimination contre les adolescents, la lutte contre la violence en ligne à l’égard des femmes, la jeunesse et l’égalité des genres, le changement climatique, l’économie informelle, la tolérance et le vivre-ensemble, les jeunes agri-entrepreneurs, et bien d’autres thématiques en lien avec le décrochage scolaire, l’éducation à la sexualité, le travail décent, la violence basée sur le genre, et comment postuler aux NU. Par la même occasion, il y aura des talk-shows avec des influenceurs et des journalistes sur l’asile, ses défis et ses opportunités (partage d’expériences personnelles).

Le programme inclura aussi des conférences, des spectacles de danse, des pièces de théâtre, un atelier de cuisine du monde, un potager, une exposition en art digital, une bibliothèque humaine, des projections de films et des jeux et animations pour tout type de public. Cet évènement va offrir une occasion privilégiée pour découvrir les récentes publications des NU et s’informer sur ses mandats et ses réalisations. 16 agences, programmes et fonds des NU en Tunisie prendront part à cette foire. Une première. C’est une façon de faire passer des messages d’une manière innovante et faire connaître aussi notre travail et le rendre accessible. Nous ne sommes pas là pour être nécessairement très visibles mais nous sommes là pour travailler et exécuter, mais quelquefois, il est important de communiquer, d’écouter les critiques et les suggestions du public. Il y a bien ceux qui veulent travailler aux NU et faire carrière dans les instances onusiennes. Il y a pas moins de 800 ou 1.000 personnes qui travaillent pour les NU en Tunisie. Il y a aussi des opportunités à saisir. On va même faire une petite conférence se rapportant aux mécanismes de recrutement aux instances de l’ONU lors de la Foire du livre. Le but de cette participation est de s’ouvrir avec un catalogue d’activités qui permet de montrer notre travail dans le contexte aussi du 75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme Les activités des Nations unies seront diffusées en streaming live sur la page Facebook

« En ces temps troublés, l’action de l’ONU est plus que jamais nécessaire pour réduire les souffrances, prévenir les crises, gérer les risques et bâtir un avenir durable pour toutes et tous», a souligné António Guterres, le secrétaire général de l‘ONU, en guise de préface au rapport annuel 2022 sur l’activité de l’ONU. Quel est votre commentaire à ce propos ?

Finalement, l’agenda 2030, c’est une feuille de route pour tout le monde et l’appel qu’avait lancé le SG des NU cette année traduit le besoin de regarder où nous en sommes et de constater ce que nous avons fait en termes de progrès dans la concrétisation des ODD. Il y a des progrès qui ont été accomplis en dépit des multiples crises internationales, le Covid, la guerre, les conflits, mais la souffrance humaine est toujours là. L’agenda 2030 nous rappelle que parce qu’on n’est pas en train d’attaquer peut-être avec suffisamment de force, d’efficacité et d’accord entre nous tous, on n’est pas en train de travailler de manière juste sur cette feuille de route. C’est pour cela qu’on a les défis qu’on a aujourd’hui. Le manque d’inclusion dans les opportunités par exemple économiques de certains groupes de population a créé des tensions et des conflits. Les difficultés d’affronter avec plus de force et de ressources le changement climatique provoque des crises dans le secteur agricole et affecte tout le système de production ainsi que la distribution de l’eau.

Quand on reprend les ODD, et si on les intègre vraiment dans toutes nos activités de planification pour les gouvernements, pour le secteur privé, pour les municipalités, pour tous les acteurs d’une société et si on regarde tous dans la même direction et on retrousse les manches, on va réussir à attaquer et à améliorer les conditions de vie de manière beaucoup plus efficace qu’on le fait aujourd’hui.  Le problème, c’est surtout un problème d’allocation de ressources et d’efficacité. Il y a des réformes et des ajustements à réaliser en matière de politiques inhérentes à l’éducation, la santé et l’adaptation à certains changements (en rapport avec le climat, les systèmes de production), au gaspillage dans l’industrie agroalimentaire. C’est le bon moment donc d’agir, ce qui traduit l’appel du SG pour cette année.

Un message pour la fin ?

Le sommet de l’Assemblée générale aura lieu par ailleurs cette année en septembre 2023 et va constituer l’occasion de faire le point sur l’agenda 2030. Où en sommes-nous par rapport aux ODD. Où est-ce qu’on a avancé ? Quelles sont les contre-performances. Où résident les grands défis ? C’est aussi une occasion pour reconfirmer notre engagement comme communauté internationale pour ces ODD. Nous allons donc faire le point en Tunisie et plancher sur ces questions avec le gouvernement et la société civile. Il y a beaucoup de souffrance, de frustration, de désespoir. La situation économique est très difficile et il faut donc faire le point pour gagner en efficacité sur l’allocation des ressources qui sont toujours très limitées. Le système des NU doit être un accélérateur pour atteindre les objectifs de l’agenda 2030. Ces objectifs peuvent paraître quelquefois très lointains, mais leur mise en œuvre est tributaire de consensus et d’accords pour les affronter ensemble.

Mon message est le suivant : le système des NU est là pour soutenir les pays dans les bons moments et les moments difficiles. On est là pour affronter les crises aussi complexes soient-elles. Nous sommes un partenaire qui est apprécié en Tunisie et on aimerait faire plus pour ce pays et être plus présents dans tous les gouvernorats pour atteindre les groupes de population les plus affectés et ne laisser personne de côté. C’est l’esprit des NU dans le respect des droits humains.

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