Culture

Annulation des journées cinématographiques de Carthage 2023 : Les JCC, une histoire à part !

 

Annulation ou report, peu importe, les dés sont jetés et la prise de position avec. Mais les JCC restent les JCC…Un mythe, un mirage, une illusion ou une réalité. Je dirais une réalité qui a porté des rêves et des aspirations et pour un tas de bonnes raisons.

Les JCC, créées en 1966, portaient l’étendard d’un cinéma militant, d’un cinéma du Sud, d’un cinéma qui n’avait pas sa place sur d’autres tribunes et un cinéma qui portait une image, un propos et une esthétique transgressive.

Des décennies passées, quelques tapis rouges, des paillettes, des starlettes, mais rien n’a changé aux fondamentaux de ce festival, qui, même bousculé par d’autres rendez-vous nouveaux-nés, a maintenu le cap clair et limpide.

Une cinéphilie de plus en plus grandissante, un enthousiasme toujours croissant malgré la médiocrité ambiante et une force de frappe et un engagement sans faille pour un cinéma alternatif, revendicatif d’un droit et une existence.

Imaginons un instant que les JCC n’aient pas existé !

Aurions-nous eu la chance de voir “Les dupes” de Taoufik Salah? Nous enflammer face aux images de “Kafr Kassem” de Borhane Alaouiyé sur le massacre perpétré par les israéliens en 1956 ou encore “Noce en Galilée” de Michel Kheleifi qui a défrayé la chronique ou encore “La route 181” du même réalisateur,”Rond point chetilla” de Maher Abi Samra, “Fixe me” de Raed Aidouni, les films de Elia Souleymane, ceux de Rachid Machahraoui ou Hany Abou Assad, les documentaires de Samir Abdallah, les films de Mey el Masri, les documentaires de Mohamed Bakri et la liste est interminable.

Aurions-nous eu cette représentation si poignante, si consciente, si personnelle et émotionnelle de ce qu’est la Palestine? Aurions-nous eu ce même engagement politique s’il n’était pas renforcé par ces images et ces histoires portées par des protagonistes encore plus vrais que la réalité. Avec le cinéma, la Palestine n’était pas une masse compacte indéfinie d’une population sous occupation, c’étaient des personnes, des vies, des quotidiens, des sentiments partagés, une oppression qui nous coupaient le souffle ne serait-ce que le temps d’un film, d’un débat, d’un échange.

Avec les JCC, la solidarité avec le peuple et le soutien à la cause palestinienne n’ont jamais cessé, des focus, des sections, des hommages jouaient le rôle d’une piqûre de rappel et à chaque fois le mainstream nous emportait.

Les JCC étaient aussi une manière d’ouvrir les yeux de tous ceux qui venaient d’ailleurs sur la réalité et la justesse de cette cause.

Faudrait-il rappeler l’impact de l’image dans une guerre qui fait de l’image un fer de lance?

Faudrait-il souligner encore et encore à quel point le récit, la narration, le gros plan, le mouvement de caméra et tous les artifices du cinéma puissent condenser un parcours, une vie, un quotidien et avoir un impact fort qui a le pouvoir de bousculer les certitudes beaucoup plus que cette matière qui nourrit les infos sur toutes les chaînes du monde jusqu’à la banalisation et la normalisation avec la violence et l’injustice. Le cinéma est là pour rappeler, pour raviver, pour ne pas oublier et même agir d’une manière consciente, clairvoyante et sans équivoque.

Troquer une arme aussi redoutable que l’image pour des soirées de chansons engagées n’est pas à notre avis une idée ingénieuse! A bon entendeur !

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