Economie tunisie

Amélioration des indicateurs du commerce extérieur : Un travail de fond en amont

 

L’amélioration significative de la balance commerciale de la Tunisie est l’aboutissement d’une politique engagée par le gouvernement en 2021, qui vise à lutter contre l’important déficit commercial ainsi qu’à protéger les réserves en devises étrangères et limiter la dépendance aux importations dans certains secteurs. Poursuivant ses efforts, la Tunisie se dotera bientôt d’un dispositif comprenant des instruments de défense commerciale qui permettent de protéger les filières industrielles contre le dumping.

Sur le plan commerce extérieur, la Tunisie se serre la ceinture et continue les efforts en vue d’améliorer sa balance commerciale. En effet, les chiffres enregistrés depuis le début de l’année indiquent des échanges commerciaux en voie de rétablissement avec une accélération du rythme de croissance des exportations et une stabilisation des importations.

C’est ce que révèlent, en tout cas, les dernières statistiques publiées par l’INS: le taux de couverture du commerce extérieur a gagné 7,6 points  au cours des sept premiers mois, et ce, par rapport à la même période de l’année 2022, pour s’établir à 77,9%. Cette amélioration significative intervient suite à une évolution caractérisée par des exportations plus dynamiques que les importations. Les résultats des échanges commerciaux de la Tunisie avec l’extérieur aux prix courants montrent que les exportations ont augmenté de 11,1% pour atteindre 36.151,1 millions de dinars  contre 32.529,1  millions durant la même période de l’année 2022.

En contrepartie, la progression des importations était peu significative ne dépassant pas les  0,3% (contre une croissance de 31,5% enregistrée l’année dernière), stabilisant ainsi les importations à une valeur de 46.379,4 millions de dinars. La légère augmentation des importations provient de la hausse enregistrée au niveau des importations des produits énergétiques de (+0,6%), des biens d’équipement (+6,2%) ainsi que des biens de consommation (+4,6%). Tandis que les importations des matières premières et demi-produits ont baissé de (-3,7%). Il faut noter, cependant, que la décélération de la croissance des importations des biens de consommation a été importante puisqu’elle est passée de 13% en 2022, à seulement 4,6% en 2023, ce qui dénote les efforts effectués pour freiner ces importations qui représentent désormais plus de 21% du total des produits importés, à fin juillet 2023. 

Incessamment, les instruments de défense commerciale

En effet, ces résultats ne sont guère le fruit du hasard. Bien au contraire, c’est l’aboutissement d’une politique engagée par le gouvernement en 2021, qui vise à lutter contre l’important déficit commercial ainsi qu’à protéger les réserves en devises étrangères et limiter la dépendance aux importations dans certains secteurs. Dorra Borji, directrice générale du commerce extérieur au sein du ministère du Commerce, explique dans une déclaration accordée à La Presse, que cette amélioration observée jusque-là, au niveau de la balance commerciale, intervient suite à un ensemble de mesures qui ont été prises par le gouvernement, à l’issue du conseil ministériel du  26 septembre 2022.

Parmi les principales décisions entreprises, elle a cité l’introduction du contrôle préalable aux importations de  marchandises, qui a permis de réduire de 190 millions de dinars la valeur des importations concernées par cette décision. Il s’agit, selon la responsable, d’une mesure organisationnelle qui consiste en  un contrôle a priori effectué sur dossier.

Aussi, le gouvernement a imposé aux unités industrielles de se fournir auprès des entreprises titulaires d’une marque propriétaire outre  l’importation de certains produits directement depuis les lieux de  fabrication dans les pays d’origine. D’autres mesures organisationnelles ont été également prises au niveau de la Douane, principalement le durcissement du contrôle d’origine des produits importés dans l’objectif de lutter contre l’évasion fiscale liée à la fraude douanière et à la fausse déclaration  et la révision des prix de référence à l’importation. 

Borji a ajouté, dans ce même contexte, que le ministère s’est actuellement penché sur la création d’un dispositif de défense commerciale, comme le stipule l’article 34 du décret 68 publié en octobre 2022. Un projet d’arrêté comportant les modalités de  fonctionnement de ce nouveau dispositif a été, récemment, finalisé par le département dans l’attente de son approbation au niveau du gouvernement. Sa mission : protéger les industries nationales contre le dumping et les pratiques déloyales à l’importation.

 Une mission principale : la réalisation des enquêtes

La responsable a précisé qu’étant un membre de l’OMC, la Tunisie se doit de libéraliser son commerce. Cependant, cette organisation autorise l’activation de mesures protectionnistes en cas de préjudices avérés menaçant les industries nationales. Ces mesures visent, donc, à  protéger le tissu industriel. « Tous les pays du monde disposent d’un dispositif comprenant des instruments de défense commerciale visant à protéger l’industrie nationale, en cas de menaces avérées. Ce mécanisme fonctionne, à l’image du conseil de la concurrence  qui réalise des enquêtes dans le domaine du commerce intérieur, dans l’objectif d’interdire les  monopoles et les pratiques déloyales. Les instruments de  défense commerciale s’intéressent de la même manière  au commerce extérieur », a-t-elle expliqué.

En attendant que ce dispositif voit le jour, les industries lésées peuvent déposer des requêtes auprès du ministère qui s’attellera à la réalisation des enquêtes afin de prouver les graves préjudices qu’elles subissent. « Si l’enquête prouve qu’une filière industrielle est réellement menacée par les importations, les autorités compétentes émettent des recommandations qui seront transmises à l’OMC.  Les instruments de défense seront, ainsi, activés même en présence d’accord de libre-échange avec d’autres pays ou espace économique. C’est, en effet, l’avantage du dispositif. S’il a été démontré que la menace provient de cet accord, on peut recourir à des instruments, tels que la réinstauration des droits de douane ou l’imposition de quotas, à condition que  l’enquête soit réalisée conformément  aux règles de l’OMC », a souligné Borji.

Elle a ajouté, dans ce même contexte, que «dans une prochaine étape, le département du commerce extérieur  s’attellera à sensibiliser les industriels, au sujet de la défense commerciale pour les mettre au parfum de ces instruments auxquels ils peuvent recourir en cas de menace», a-t-elle ajouté.  Actuellement, deux filières viennent de déposer des  requêtes auprès du ministère, en l’occurrence l’industrie des minibus et les fabricants des ressorts d’ameublement.  Interrogée sur la politique protectionniste menée  par le ministère du Commerce, la responsable a expliqué, qu’en s’appuyant sur la  nouvelle stratégie, le département du commerce extérieur est en train d’effectuer des évaluations continues des accords commerciaux qui ont été signés avec les partenaires économiques de la Tunisie. « C’est le cas de l’accord de libre-échange avec la Turquie dont l’évaluation nous a conduit à réinstaurer  les droits de douane pour un ensemble de produits. D’ailleurs, l’article 17 de l’accord a été activé, conformément aux dispositions de la  loi de Finances 2018 », a-t-elle indiqué. 

La révision de l’accord avec la Turquie avance 

Selon les responsables du ministère du Commerce, le processus de révision de l’accord commercial avec la Turquie est bien avancé. Le directeur général de la coopération économique et commerciale au sein du ministère du Commerce, Lazher Bennour, a affirmé, à cet effet dans une déclaration accordée à La Presse, que la Tunisie est actuellement en train de peaufiner  la liste des produits de consommation qui portent préjudice à l’industrie locale ou qui participent  à l’aggravation du déficit commercial. « On ne va pas fermer la porte aux négociations avec la partie turque. Notre message est clair : si nos amis turcs veulent  faire du commerce avec la Tunisie, ils sont les bienvenus. Nous sommes un pays ouvert, nous avons des engagements à respecter au niveau bilatéral mais aussi multilatéral. Mais lorsqu’un accord porte atteinte à nos intérêts économiques et commerciaux, nous devons prendre les mesures nécessaires. Donc les investisseurs turcs sont les bienvenus. Vous êtes en train de nous vendre une pléthore de produits, alors venez investir, créer de la richesse et vous allez avoir la possibilité d’exporter vers l’Afrique à partir de la Tunisie », a-t-il affirmé. 

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