Economie tunisie

Abdelkader Boudriga, expert financier, à La Presse : “la dimension géopolitique pèse dans la balance”

 

En l’absence d’un accord avec le FMI, la Tunisie peut-elle parvenir à honorer ses engagements et boucler le budget de l’année en cours? Pour l’expert financier, Abdelkader Boudriga, la marge de manœuvre du gouvernement est aujourd’hui limitée. Les solutions viables pour sortir de cette impasse ne sont pas légion et la case FMI semble inévitable. Cependant, il estime que la dimension géopolitique pèse dans la balance et peut changer la donne. Il apporte son éclairage.

A en croire l’analyste financier Abdelkader Boudriga, le non-recours au FMI peut avoir des conséquences dangereuses sur l’économie. Le financement sur le marché local sera, dans ce cas, la seule solution envisageable. Or, avec des besoins de financement importants qui s’élèvent à 25 milliards de dinars dont 15 milliards en devises, l’affaire est loin d’être close. Obtenir des financements intérieurs sera, selon lui, une entreprise difficile, d’autant plus qu’elle aura un impact sur le financement de l’économie ainsi que sur l’inflation. “Si on n’emprunte pas à l’étranger, cela veut dire qu’il faut se rabattre sur le marché local, ce qui est très difficile. Tout d’abord, parce qu’il est difficile de trouver des fonds sur le marché local. De plus, cela nécessiterait l’intervention de la BCT. Dans ce cas, il y aura un impact sur le financement de l’économie et sur l’inflation”, a-t-il affirmé dans une déclaration accordée à La Presse. Et d’ajouter : “Il y aura, aussi, un impact sur les réserves en devises, puisqu’on doit rembourser 15 mille millions de dinars, en devises au titre du service de la dette. C’est-à-dire qu’on doit puiser dans nos réserves actuelles de devises pour rembourser nos emprunts à l’étranger. A mon sens, cette alternative qui consiste à recourir au marché local n’est pas viable et entraînera des risques importants aussi bien sur le pouvoir d’achat (donc sur la paix sociale) que sur les réserves en devises. Et là, on peut même entrer dans une crise de change”.

Des réformes qui se font attendre

Boudriga a ajouté que la deuxième piste de solutions serait de miser sur les engagements bilatéraux avec les pays amis tels que l’Algérie, les Emirats arabe unis, le Qatar, l’Italie, la France… qui sont des pays qui entretiennent des intérêts stratégiques communs avec la Tunisie. “Est-ce que ces pays vont pouvoir mobiliser 15 mille millions de dinars pour l’année 2023 ? Cela va être difficile sans accord avec le FMI. C’est possible mais c’est difficile, vu les règles de fonctionnement du système du FMI, même s’il y a des promesses engageantes, avec une forte probabilité de réalisation. Beaucoup de ces pays ont annoncé la couleur et ont conditionné leur aide à un programme FMI. Dans les deux cas de figure cela va être très difficile même si, dans l’absolu, je privilégie toujours l’idée que les réformes doivent être des réformes tunisiennes. Avec ou sans accord avec le FMI, il faut que ça soit nos propres réformes”, a-t-il souligné. Boudriga a précisé, dans ce contexte, qu’aujourd’hui, le plus important est de mener des réformes à même de renouer avec une croissance vigoureuse qui permet de rééquilibrer les finances publiques mais surtout de créer des emplois de qualité, de financer l’économie d’une manière plus viable et dans de bonnes conditions. Et l’expert d’analyser, “Aujourd’hui avec les retards qu’on a mis dans la mise en œuvre des réformes, la marge de manœuvre s’amenuise à mesure que le temps s’égrène. Malheureusement, on est en train de perdre du temps. Pour moi, le plus important, c’est que les autorités tunisiennes se décident : est-ce qu’on veut de cet accord ou on n’en veut pas. Maintenant on est dans une situation d’urgence qui fait que la marge de manœuvre devient très limitée mais je pense toujours que la dimension géopolitique pèse dans la balance. Elle peut influencer le processus des négociations. C’est une carte importante. Cependant, il reste à déterminer dans quelle mesure cette carte peut être jouée pour parvenir ou non à un accord? ”. Il ajoute : “Pour moi, ce n’est pas clair aujourd’hui, si les autorités tunisiennes veulent d’un accord ou non. On a l’impression qu’il y a deux sons de cloche. Ça gagnerait à être clarifié, puisque cela nous permettra de gagner du temps quelle que soit l’issue, même si je pense que l’éventualité de ne pas recourir au FMI dans les conditions actuelles présente des dangers, mais nous n’avons pas suffisamment d’informations sur la dimension géopolitique et sur les promesses que les autorités ont obtenues de la part des pays partenaires qui peuvent faire changer la donne”.

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